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La grenouille qui avala une vipère... ou l'art de cultiver les fraises à Ghaza
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 14 - 02 - 2009

Une affreuse grenouille a failli asphyxier une gentille vipère en refusant de se laisser avaler en douceur. Heureusement que tous les vaillants reptiles de ce monde, ameutés en catastrophe par le grand caïman d'Amérique, ont vite accouru pour la sauver d'un destin funeste. Ce fut la grande messe pour préparer l'hallali contre cette peste, qui a osé contrarier l'adorable rejeton. Abandonnant jusqu'aux formes qu'ils mettaient jadis, pour nous embobiner avec l'inusable supercherie des grandes valeurs de l'Occident, ils ont revêtu, sans la moindre discrétion, aussi feinte soit-elle, l'armure du preux chevalier venu renouveler sans plus tarder le serment d'allégeance à la capricieuse princesse. Se bousculant au portillon, ils sont arrivés de tous les coins de la planète pour s'enquérir de l'état du pauvre reptile après l'harassante campagne de déversement de bombes de tous calibres, qu'il vient de mener héroïquement sur tous les dangereux tritons encerclés dans la mare asséchée de Ghaza. A qui reviendra l'honneur de présenter l'hotte la mieux achalandée entre les différentes formes concrètes de soutien inconditionnels et le dernier cri des joujoux de destruction.
La grosse couleuvre, qui traîne servilement un lourd tribut à cause du sublime projet de ses ancêtres d'éliminer de la face de la terre l'espèce de ce vermisseau avant qu'il ne se transforme en vipère, ne voulait se laisser devancer par aucun autre rival pour proposer son entière assistance en signe d'éternelle repentance. Que ne ferait-elle pour alléger le poids insupportable d'une histoire obstinément culpabilisante. Le chemin de croix auquel elle doit s'astreindre, sous peine d'être honteusement excommuniée de l'interminable expiation des erreurs peu avouables commises par sa belliqueuse ascendance, l'oblige à redoubler sans cesse d'empressement.
La plupart d'entre eux ne se pardonne aucune velléité de tiédeur ou d'hésitation dans la satisfaction de tous les caprices, le plus souvent au prix de renoncements peu glorieux au regard du droit international ou des fameux droits de l'Homme qu'ils manipulent à leur convenance sans aucun scrupule. Ces derniers ne doivent être lus qu'à travers une grille très sélective. Un de leurs brillants intellectuels a rappelé, récemment, que la démocratie demeure l'exclusivité d'une certaine partie de l'humanité et que ce label n'est donc attribué qu'en fonction de certaines convenances !
Comme le monde semble figé autour de la paranoïa de la vipère, leurs meilleurs cerveaux explorent sans cesse toute possibilité susceptible d'éradiquer définitivement les provocations répétées de cet incorrigible batracien qui pousse l'audace jusqu'à vouloir vivre dans un espace convoité et occupé de force par leur protégée. Il faut d'abord commencer par lui faire passer l'envie de réclamer ce qu'il ose encore appeler sa terre d'origine et perturber encore une fois le quotidien de son impitoyable compagne. Elle a beau recevoir toutes les doses de venin possible, les brisures d'os, les morsures, toutes les tentatives pour l'éliminer ont fait chou blanc. Malgré toutes les trahisons et les lâchetés sans oublier les armes fournies gracieusement par les amis, la grenouille même en pitoyable état et aux trois quarts broyée ne se laisse pas manoeuvrer docilement.
Dès qu'elle veut remuer un peu l'un de ses membres ankylosés ou juste respirer un peu d'air frais, la vipère lui tombe dessus à bras raccourcis et ajoute un autre tour à son étouffante étreinte. Elle ne crève pas, elle se débat obstinément au grand dam des fossoyeurs, qui accourent à chaque alerte avec le linceul sous le bras. Elle s'accroche invariablement et malgré toute l'adversité, à son éternelle lubie : la revendication de sa terre et sa liberté qui sont vite interprétées comme une provocation et une terrible menace pour l'existence de la paisible vipère. Confortée par la compréhension inconditionnelle des grands de ce monde, cette dernière répond avec une brutalité impitoyable par tous ses moyens guerriers et ceux de sa valetaille. Elle n'a jamais connu de problèmes de logistique, les autres sont toujours là pour payer la facture de la guerre : les Arabes pour les destructions et les Occidentaux pour renouveler les stocks de l'armement avec du matériel flambant neuf, et même des prototypes pour les expérimenter la prochaine fois sur des cibles réellement vivantes.
Quand on parle d'Israël, c'est comme si on parlait d'un fléau naturel inévitable, personne n'aura l'idée de montrer du doigt ouvertement le coupable, alors que lui-même pousse l'arrogance et le mépris jusqu'à se vanter des atrocités qu'il commet. Si quelqu'un tente de sortir du sillon pendant les campagnes de massacre à ciel ouvert, une simple allusion d'antisémitisme le réintègre dare-dare au troupeau : Pantois, il se rachète vite fait en affirmant, toute honte bue, qu'Israël a tous les droits de faire de la légitime défense.
Le tsunami, un tremblement de terre, l'éruption d'un volcan n'aurait pas pu provoquer autant de dégats. Comme ce désastre est l'oeuvre d'un Etat au-dessus des règles de l'humanité, il est vite rangé dans le chapitre des sinistres naturels avec en moins pour les victimes la commisération et l'élan de solidarité que manifeste naturellement l'humanité dans pareilles situations. Cyniquement, certains iront jusqu'à dire, qu'ils l'ont bien mérité ce qui leur arrivent ils n'avaient pas à la défier. Mais, avec cette vipère tout peut être interprété comme provocation, puisqu'elle est juge et partie, et aucune force au monde ne peut contester son jugement. La traduction en grandeur nature de la fable du loup et de l'agneau trouve ainsi toute sa pertinence : c'est tellement facile de fabriquer un subterfuge.
Pressée de toute part pour dire ce qui pourrait lui faire supporter son manque de réussite malgré sa surpuissance de feu depuis un certain temps, la vipère trouve toujours un prétexte. Cette fois, elle se plaint de l'existence d'une taupinière utilisée par la grenouille pour se ravitailler et s'aérer pour survivre. Donc il s'agit d'un réseau de métro sous le bout de frontière entre Ghaza et... l'Egypte qui pourrait faciliter l'arrivée de pétards capables de surclasser dangereusement l'équipement high tech de Tsahal. Ce danger doit vite être supprimé afin de ne pas l'empêcher de vaquer tranquillement à son habituelle tâche humanitaire : parquer, affamer et assassiner les Palestiniens. Plus la vipère frappe, détruit et assassine, plus ses acolytes sont persuadés et convaincus que le problème c'est cette grenouille qui n'arrête pas de gigoter, de se débattre et de râler sous les coups. Ce qui donne à la vipère toutes les raisons de redoubler de férocité et de bénéficier, contre toute logique, de la connivence nécessaire et de la surenchère dans la surprotection et le surarmement.
Après avoir tué et estropié quelques milliers, la vipère est allée renâcler à Davos de la roublardise des Palestiniens et de l'aveuglement d'une partie de l'opinion publique internationale qui n'ont pas su apprécier objectivement les dernières intentions d'Israël à Ghaza : développer la culture des... fraises ! (cf. discours de Pérès à Davos sous les applaudissements nourris d'une salle complètement tétanisée prête à jurer que le soleil se lève à l'Ouest pour peu qu' Israël le lui demandait).
Ce qui a révulsé Mr Erdogan, une conscience encore éveillée dans cet aréopage anesthésié par la propagande sioniste.
Les candidats aux élections rivalisent dans l'engagement de mettre en oeuvre la meilleure méthode de faire disparaître les Palestiniens par l'exil ou par les bombes au vu et su de tous les grands défenseurs de droits de l'Homme. Celui qui garantit l'avenir le plus sombre pour les Palestiniens met ainsi toutes les chances de son côté pour remporter les élections. Ce genre de discours raciste, criminel, abject, n'offusque et n'émeut aucune conscience. Chaque peuple a, dans sa propre histoire, enduré et fait endurer à d'autres des guerres et des souffrances, sans pour autant imposer à l'humanité entière de porter indéfiniment le deuil d'avoir subi des atrocités ou de traîner éternellement la culpabilité pour les erreurs commises par d'autres générations en d'autres circonstances.
Surtout lorsque la récurrente évocation de cette sombre page est cyniquement utilisée pour perpétrer en toute impunité d'autres holocaustes.
Un monde qui se laisse glisser vers le balisage de sa propre conscience avec des tabous, et aliéner son libre arbitre, augure une perspective périlleuse pour le devenir de l'humanité qui aspire à plus d'ouverture et de liberté.
« Le monde est dangereux non pas à cause de ceux qui font du mal mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire », avait dit Einstein.
Tant que les grands de ce monde continuent d'ignorer honteusement toutes les misères que leur lâcheté couvre contre toute logique, la vipère trouvera toujours des témoins, pour jurer que c'est « la grenouille qui est en train d'avaler la vipère ! ». Et ça passe !


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