Un jour, Poule et Grenouille, se croisant par hasard, firent un bout de chemin ensemble. Poule faisait trois petits pas, picorait un ver. Grenouille faisait un grand bond, gobait une mouche. Trois petits pas, pique un ver. Un grand bond, gobe une mouche. Poule battait des ailes, virait comme une girouette. Grenouille battait des pattes et dansait les claquettes. — Oh là là, il fait chaud, ma foi, gloussa soudain Poule. — Beau temps pour la saison, n'est-ce pas ? coassa Grenouille. — Oh, clic, clac, doc, ça ne durera pas. Vois ce gros nuage là-bas. Nous aurions de l'orage que ça ne m'étonnerait pas. Trois petits pas, pique un ver. — Bah, il est encore loin, dit Grenouille. — Tant mieux, ça nous laisse le temps. Le temps de nous construire une case pour nous mettre à l'abri. Grenouille, aide-moi. Construisons une case ! — Une case ? Pas la peine. Ce trou dans la terre me suffira bien. Je vais me glisser dedans et voilà. Débrouille-toi comme tu voudras. — A ton aise, je me passerai de toi. Et Poule s'est mise au travail. Grenouille s'est glissée dans son trou et, tandis que Poule s'affairait, Grenouille chantait à tue-tête : Koua, kouo, koui Pas besoin d'abri ! Koua, kouo, koui Mon trou me suffit ! Pour ce qui est de bâtir, Poule s'y entendait. Et flip et flap et pique et poque, en quatre coups de bec elle vous entrelaçait des brindilles, des brins de paille, des tiges sèches, et déjà sa case prenait forme. Deux fenêtres, une porte, un toit de chaume — percé d'un trou de fumée au milieu — et voilà ! la case était prête. — Clic, clac, doc. Cloc, clac, clic. Claa, clii. Poule était fière d'elle. Le nuage montait, de plus en plus noir. — Grenouille, dit la poule. Vite, il est encore temps. Aide-moi à préparer un bon lit ! Mais Grenouille chantait, goguenarde : Koua, kouo, koui Pourquoi faire un lit ? Koua, kouo, koui Mon trou me suffit ! — A ton aise, je me passerai de toi. Et Poule fit son lit toute seule. Un peu de paille, un peu d'herbe. Elle s'assit dessus pour l'essayer. Il était parfait. — Oh ! clic, clac, cloc. Cloc, clac, clic. Claa, clii. Le nuage avait noirci encore. — Grenouille, dit la poule. Vite, il est encore temps. Aide-moi à faire provision de mil ! Mais Grenouille se contenta de chanter : Koua, kouo, koui Pourquoi faire du mil ? Koua, kouo, koui Une mouche me suffit ! — A ton aise, je me passerai de toi. Alors la poule, vite, vite, réunit tout le mil qu'elle put trouver. Elle l'entassa près de la cheminée et trouva même le temps, ensuite, de rouler deux ou trois potirons sur son toit. Après quoi, toujours à toutes pattes, elle courut dans sa case et tira le verrou. Il était temps ; l'orage éclatait. Blam-bam, palam ! Blam-bam, palam ! Le tonnerre grondait, le sol tremblait, les arbres agitaient leurs branches. Grenouille se faisait secouer dans son trou. Mais ça ne l'empêchait pas de chanter. Koua, kouo, koui ! Koui, kouo, koua ! Et puis l'averse se déchaîna - des bœufs les cornes en bas. Poule mit le bec à sa fenêtre pour mieux voir. Grenouille, dressée dans son trou, chantonnait une devinette : Les enfants dansent comme des fous, La maman ne bouge pas du tout ; Qui donc est cette famille ? Si vraiment tu ne trouves pas, Tant pis, donne ta langue au chat. La maman est un tronc d'arbre Et les enfants ses ramilles. Poule haussait les épaules. C'était bien le moment de chanter ! (à suivre...)