En guise de noces de porcelaine, la poste tunisienne a émis un timbre-poste commémoratif, à l'occasion du vingtième anniversaire de la création de l'Union du Maghreb arabe. Le «minimum syndical», pourrait-on dire, pour célébrer un «événement» qui n'en est plus un depuis que ce gigaprojet, vieux de deux décennies, n'est plus qu'un... rêve en bois. Renfermés sur eux-mêmes, protectionnistes à souhait, peu enclins aux règles, pourtant universellement admises du libre-échange, les pays du Maghreb font face à une foultitude d'obstacles difficiles à «enjamber». Autant d'»arguments objectifs» qui se dressent en travers du chemin cahoteux de la construction maghrébine, la «septième plaie» du GMA demeurant forcément le lourd contentieux du Sahara occidental, considéré comme l'un derniers «cas non négociables» de décolonisation dans le monde. Pathétique pied de nez de l'histoire, la tournée maghrébine du nouveau représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU, Christopher Ross, correspond avec la célébration «à blanc» du vingtième anniversaire de la naissance de l'UMA. Ensemble régional «désintégré» pour des raisons multiples, à commencer par le déficit démocratique qui reste à rattraper dans les pays le composant, la communauté de destin, longtemps appelée des voeux de l'ensemble des peuples du Maghreb, reste, elle aussi, à construire. Justement, selon un rapport d'experts réunis à Tunis pour l'occasion, une quarantaine d'accords et de conventions, signés entre les pays du Maghreb, demeure à ce jour sans résultats sur le terrain. Face aux défis majeurs d'un monde qui se transforme en village planétaire, des pays puissants se regroupent en communauté de destin et d'intérêts, au moment où les pays maghrébins, aux potentialités et ressources naturelles énormes, tombent dans les travers dangereux de la désunion. Au-delà des clivages politiques et des «sensibleries» qui ne trompent plus personne, force est de constater que la dimension stratégique dans la construction maghrébine, à savoir la nécessaire intégration économique, demeure à un niveau insignifiant. Selon les dernières données, les échanges commerciaux entre les pays maghrébins sont en dessous de trois pour cent contre soixante-dix pour cent avec l'Union européenne. Un constat d'autant plus accablant que le patron du Fonds monétaire international, en visite dernièrement dans la région, avait exhorté les pays maghrébins à dépasser leurs «différends politiques» et leurs «vues courtes» au profit d'une meilleure entente sur le terrain de ce qui reste comme la plus grande des batailles : l'intégration économique et commerciale au sein d'un ensemble régional, supposé être le plus homogène (avec peut-être le Conseil de coopération du Golfe) de tous les regroupements régionaux partout dans le monde. Le gigantesque projet en cours de construction de l'autoroute est-ouest peut-il (juste pour l'exemple) avoir un sens ou même une rentabilité, économiquement parlant, avec la fermeture depuis quinze ans des frontières algéro-marocaines et le dialogue de sourds entre les pays membres de l'Union maghrébine qui n'ont plus tenu de sommet depuis trois lustres. Que dire alors des perspectives à venir comme celle d'un accord stratégique, souhaitable par tous, d'association UMA-UE avec tout ce que cela suppose comme retombées positives pour les pays maghrébins, qui doivent à tout prix éviter d'avancer en rangs dispersés, parce que le risque premier est justement celui de toujours regarder dans des directions opposées, lorsque les nouveaux défis (et le bon sens) exigent de tous de développer la même vision commune pour une région qui s'impose comme le véritable ventre mou de tout le bassin méditerranéen ? C'est pourquoi le rêve d'un Maghreb des peuples unis, au destin commun ou encore (comble du luxe) à la monnaie commune, apparaît, aujourd'hui, comme une image d'Epinal aux yeux des Maghrébins eux-mêmes.