L'UE donne des signes d'abandon du premier principe sur lequel elle s'est construite : la solidarité de ses membres. Le 2 avril prochain, elle se présentera en ordre dispersé au Sommet du G 20. Les 27 chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE, réunis jeudi et vendredi à Bruxelles, se sont accordés sur deux décisions : pas de nouveau plan de relance économique commun pour réduire les effets de la crise mondiale et l'octroi sur le budget de l'Union d'une enveloppe de 4 milliards d'euros au secteur de l'énergie, ainsi qu'un milliard d'euros pour le développement du haut débit de l'Internet. Plus globalement, censé aboutir à un consensus autour d'une position commune de l'UE en vue du Sommet du G 20 prévu le 2 avril à Londres, le Sommet européen de ce printemps 2009 a mis en évidence les antagonismes, d'abord entre les Etats de l'Union sur la façon d'affronter la crise, ensuite entre l'UE et les USA, le Japon et le Canada. Parmi les arguments évoqués, les Européens estiment qu'il faut laisser le temps au premier plan de relance économique, d'un montant de plus de 400 milliards d'euros, de se répercuter sur l'économie réelle, ainsi que de limiter les déficits publics qui se situent aux environ des 3,3% du PIB de l'Union. Dans de telles circonstances, le Sommet du G 20 de Londres ne peut être qu'un remake de celui de novembre 2008 tenu à Washington. Il énoncera les grands principes de la moralisation du système capitaliste mondial, à savoir une plus grande transparence dans la gestion de la finance mondiale (les paradis fiscaux par exemple) ; un contrôle accru des agences de cotation des banques ; une régulation des flux financiers par un meilleur contrôle des Etats... En somme, rien de nouveau par rapport au précédent G 20. A Bruxelles, ce sont les positions des premiers contributeurs au budget européen qui ont prévalu, soit celles de l'Allemagne, la France, l'Italie... Du coup, les pays d'Europe centrale et orientale, qui ont rejoint l'UE en janvier 2004 (10 pays) et janvier 2007 (Roumanie et Bulgarie), ressentent comme une «mise à l'écart», eux qui ont le plus besoin de la solidarité de l'Union en ces moments de crise. De leur côté, les pays du nord de l'Europe, tels le Danemark et la Suède, ont alerté sur la gravité en rappelant que le «creux de la vague» de la crise est encore à venir. «25 millions de chômeurs supplémentaires sont prévus vers la fin 2009/début 2010», a relevé le Premier ministre danois Paul Rasmusen. En adoptant une telle attitude, l'UE manifeste des réflexes protectionnistes au moment même où les USA et le FMI appellent à un second plan de financement de l'économie mondiale. Les économistes avertis redoutent que l'attitude de l'UE ne conduise à l'abandon de grands projets structurants (le gazoduc Nabucco par exemple) ; à l'effritement des politiques communes ; à la baisse de la croissance et à l'explosion du chômage endémique. Ainsi, l'UE se trouve face à un vrai dilemme : faire appel à la planche à billets avec les risques d'une inflation galopante ou mener une politique d'austérité financière avec ses retombées sur l'emploi et la consommation. Dans les deux cas, l'ultime chapitre de la crise, celui social, est inévitable. Il est paradoxal de constater que ce sont les champions du capitalisme financier, c'est-à-dire les USA, le Japon, le Canada, qui appellent à la solidarité internationale, alors que l'UE, qui prône des politiques de justice sociale, rechigne à mettre la main à la poche. Par ailleurs, en cas d'échec du Sommet du G 20 le 2 avril, et c'est ce qui semble s'annoncer, le risque de voir les économies américaines et asiatiques se replier sur elles-mêmes (protectionnisme) est grand. Les conséquences seraient désastreuses pour le reste du monde, particulièrement dans les pays pauvres et en voie de développement. C'est tout le pari de la prochaine rencontre de Londres.