L'UE ne traverse pas uniquement une crise politique et institutionnelle; elle affronte également une crise économique qui n'augure rien de bon, tant pour ses citoyens que pour le reste du monde. Après 24 heures de discussions, les dirigeants européens se sont séparés sans grand espoir. Jeudi soir, vers 1h du matin, le président en exercice du Conseil européen, le Slovène Janez Jansa, accompagné du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso ont, au cours d'une conférence de presse, laissé apparaître toute la difficulté qu'éprouvaient les 27 chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE à trouver un espoir de sortie de crise, générée par le «non» irlandais au mini-traité constitutionnel. «Nous ne pouvons encore vous dire les conclusions définitives, avant demain (hier)», déclarait le président du Conseil. M.Barroso, lui, s'est plus étalé sur l'accord de principe de l'Union pour une aide aux pays pauvres touchés par la crise alimentaire. Aucun chiffre n'a été donné, ni volume ou délai. Etonnés, les journalistes découvraient que l'UE pratique, à sa manière, la langue de bois au plus au haut niveau de ses responsables: montrer une unanimité de façade alors que, rarement, Sommet européen ne fut si dispersé, voire désuni sur tout. A commencer par les remèdes à la flambée des prix du pétrole: les 27 partenaires se sont séparés en se disant «que chacun se débrouille» comme il l'entend. A la proposition du président français Nicolas Sarkozy de puiser dans les revenus de la TVA pour amortir les prix du gazole au profit des pêcheurs, agriculteurs et transporteurs, la chancelière allemande Angela Merkel répond «Niet!» Et elle n'est pas la seule. Aussi, en laissant le champ libre à chaque Etat membre d'imaginer des solutions locales pour ses citoyens, le Conseil risque de remettre en cause les fameux «critères de convergence» qui limitent les déficits publics des Etats à moins de 3% du PIB. Autrement dit, le respect des règles prudentielles et de concurrence ne sera plus un obstacle pour les spéculateurs économiques et financiers. La construction européenne va-t-elle dans le sens d'un ultralibéralisme sauvage et incontrôlé? Est-ce le sens donné au vote négatif des Irlandais au mini-traité constitutionnel? Là aussi, le Sommet de Bruxelles n'a pas de solution. A l'heure où nous mettons sous presse ce vendredi, en fin de matinée, le communiqué final n'était pas encore tombé. Les 27 chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE souhaitent (ils n'ont pas le choix) laisser le temps qu'il faudra à l'Union, comme aux Irlandais, de proposer une sortie de crise. D'emblée, la formule d'un deuxième référendum, comme en 2005, est exclue. Sauf à modifier le contenu du traité de Lisbonne pour y inclure des garanties sociales et économiques aux populations les plus vulnérables. Le «non» irlandais du 12 juin dernier a conforté par exemple la République tchèque dans ses réserves sur le traité réalisé en décembre dernier dans la capitale portugaise. Son Premier ministre Mirek Topolanek, a rappelé que son pays ne souhaite pas ratifier le traité, du moins pour cette année. Pas de date butoir. C'est dire que la France, qui prendra le relais de la présidence tournante de l'UE, le 1er juillet prochain, n'aura pas la tâche facile. Nicolas Sarkozy qui pensait que les problèmes institutionnels de l'Union seront réglés sous sa présidence, devra désormais s'en tenir à limiter ses ambitions à sauver, au moins, le statu quo sur lequel fonctionne l'Union à ce jour. Entre la pression de leurs opinions publiques et les lois d'un marché économique dominé par la spéculation financière internationale, les dirigeants européens ont-ils une marge de manoeuvre? C'est là toute la difficulté. Inutile de chercher des réponses du seul côté des producteurs de pétrole. C'est la thèse des USA de George W.Bush. Ils sont en Irak et la crise économique américaine n'est pas pour autant réglée.