Militant à louer, je suis de gauche comme je peux basculer à droite. Démocrate ou indécrottable républicain, je suis un islamiste convaincu doublé d'un pilier de bar. Nationaliste et détenteur de deux passeports, je suis également inodore, incolore et apolitique. Je mange à tous les râteliers, aux waâdi, aux réceptions et je connais par cœur les noms des bienfaiteurs de la République. Je suis natif de l'Ouest, marié à une fille de l'Est, habitant le Sud et travaillant au Centre, je suis à 100% algérien, de naissance, de mère et de père et surtout de carte d'identité. J'habite le rez-de-chaussée mais j'aspire à grimper au deuxième étage pour être près des étoiles. Je travaille pendant les campagnes électorales, sinon j'essaye de survivre en dehors des rendez-vous des urnes. Bouteflika est mon président, Hanoune mon syndicat, Touati ma surprise, Rebaïne mon favori (je plaisante), Younsi mon idole (je plaisante toujours), Mohamed Saïd, lui, franchement, je ne connais pas, donc ! Je m'habille de drapeau lorsqu'il faut être vu à la télé, de baskets lorsqu'il faut marcher dans les défilés, j'ai une voix rauque lorsqu'on me demande de jouer au crieur et je maîtrise aussi bien tahya Djazaïr qu'Allah ou Akbar. J'ai des mollets d'acier, des paumes en béton et je peux à moi tout seul remplacer un millier de militants. Je ne demande pas beaucoup pour mes déplacements à l'extérieur de la wilaya. Un sandwich omelette-fromage et de quoi me payer des clopes. J'accepte des engagements pour une journée de militantisme comme pour un contrat de trois semaines pour coller les affiches, déchirer celles des concurrents, applaudir dans les rencontres et chahuter les autres meetings. Je suis photogénique pour être à la Une des journaux, sympathique pour passer au jité et j'ai la tête de n'importe quel Algérien pour apparaître plusieurs fois dans différents meetings. Je suis un opportuniste professionnel, toujours aux côtés du plus fort, un mouton parmi le troupeau et un loup implacable pour les ennemis de mon maître. Je suis un militant en activité depuis l'avènement du nationalisme d'apparat. Le costume noir plein de pellicules est mon habit de prédilection et je transpire à grosses gouttes pour faire comme tout le monde. Dans ce monde, ne pas transpirer est un signe de mauvaise foi et gare aux purges ! J'ai combattu avec l'Emir Abdelkader et Lalla N'soumeur, fait la guerre de Novembre, applaudi pour Ben Bella et participé au coup d'Etat de Boumediène. J'ai mangé des bananes sous Chadli et voté FIS. J'ai pleuré Boudiaf, écouté Zeroual et cautionné Bouteflika. J'ai revoté Bouteflika. J'ai été et je suis et je serai tant que l'Algérie aura besoin de mes semblables. Tant qu'il y aura des militants à louer à la journée. Tant que le pays fera semblant de croire à la démocratie et aux militants en carton-pâte.