Apparemment, l'Algérie n'est pas pressée d'adhérer à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). C'est du moins l'impression que l'on a quand on fait le bilan de plus de dix ans de négociations pour l'adhésion de l'Algérie à l'OMC. Et aujourd'hui encore, le ton n'est pas pour une ouverture dans la carapace commerciale algérienne, qui reste absolument blindée aux tentations d'une intégration à l'une des trois grandes institutions de Bretton Woods. Selon un des négociateurs algériens, Alger «n'acceptera pas des conditions non prévues par les accords de l'OMC», ajoutant que dès lors que ces accords touchent le volet de la souveraineté ou les intérêts nationaux, il y a automatiquement un refus net. «L'Algérie n'a aucun problème pour la question de conformité avec les accords de l'OMC (...), mais tout ce qui est en plus de l'accord est inacceptable, d'autant plus s'il touche à l'intérêt national», a souligné M. Saïd Djellab, cité par l'APS. Dès lors, on sent des réticences autant politiques que commerciales. «Notre adhésion à l'OMC est en fonction des intérêts de l'économie algérienne, à court, moyen et long termes», a-t-il souligné, précisant que les requêtes émanant de l'OMC susceptibles de nuire à une branche d'industrie ou d'agriculture sont négociées en fonction des intérêts du pays. En fait, l'Algérie tente de se soustraire à certaines pressions émanant de plusieurs pays membres ou groupes de pays influents au sein de l'organisation, l'UE et les Etats-Unis en tête. Il y a d'abord un groupe de pays au sein de l'Union européenne qui voudrait arriver à un démantèlement des mesures protectionnistes prises par l'Algérie pour son secteur agricole, peu performant, ainsi que le volet énergétique. Alger a averti que ce secteur et ses produits restent «non négociables», selon les termes des accords du GATT sur le volet énergétique et reproduits ensuite dans les accords finaux de l'OMC en 1994, à Marrakech. Certes, l'Algérie traîne les pieds et certains pays européens voudraient qu'Alger fasse un peu plus de concessions sur le volet également des services et de l'industrie. Selon un rapport officiel, l'Algérie est loin de l'accession à l'OMC. Beaucoup de choses n'ont pas été faites depuis le début des négociations. Ce rapport, établi en janvier 2008, relève qu'en dépit des progrès de l'Algérie concernant la réforme de son régime de commerce pour l'adapter aux règles de l'OMC, il lui restait encore beaucoup à faire dans plusieurs domaines. Le rapport cite à ce propos les domaines des entreprises d'Etat, le prix des hydrocarbures (gaz), les droits de commercialisation et présence commerciale, le régime fiscal, les subventions à l'exportation, les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), les obstacles techniques au commerce (OTC) et la propriété intellectuelle. Beaucoup de chemin reste ainsi à faire pour que les intérêts (économiques et commerciaux) de l'Algérie puissent coïncider avec ceux de l'OMC. Une question qui devrait être, sinon tranchée, du moins examinée avec le plus grand soin avec la venue très probable du Directeur général de l'organisation, le Français Pascal Lamy, à Alger au mois de mai prochain. C'est ce qui a été annoncé dans le sérail des opérateurs algériens, qui eux seront mis sur la sellette dès l'accession de l'Algérie à l'OMC. En fait, on s'attend à Alger à la venue de Pascal Lamy, autant comme Directeur général de l'OMC, mais également comme porte-parole des pays de l'UE qui pressent Alger de rejoindre les pays signataires des accords de l'OMC. Pour au moins une raison évidente : tirer profit au maximum des grands avantages qu'offre le marché algérien de l'énergie, du commerce et des services. Selon des experts, les instruments d'adhésion déposés par l'Algérie auprès de l'OMC restent encore non adaptés aux régimes douanier et commercial mondiaux, en constante évolution sous l'impulsion des Etats-Unis et de l'Union européenne qui ont engagé un bras de fer sur des volets sensibles pour l'Algérie, notamment le dossier agricole et les services, des dossiers qui restent en suspens et l'objet d'une féroce bataille dans le cycle de Doha. L'Algérie, qui bénéficie autant du soutien des Etats-Unis que de celui de l'UE dans son processus d'adhésion, est ainsi acculée à faire des concessions tarifaires bien avant son admission, estiment des économistes, selon lesquels les pays membres influents de l'OMC exigeront toujours davantage de concessions de la part des Algériens à un moment où la crise mondiale est suspendue à la reprise économique aux Etats-Unis. Mais du côté des organisations patronales comme de l'UGTA, les réticences à ces négociations restent vives. Si pour les organisations patronales, l'ouverture du marché algérien et le démantèlement tarifaire signifient la mise à mort de la production nationale, pour l'UGTA, il s'agit surtout de préserver des centaines de milliers de postes d'emploi. Et dans ces négociations d'adhésion, le binôme UGTA-patronat pourrait durablement influer sur ces négociations, à moins que cela ne se passe, comme pour l'accord d'association avec l'UE, loin de toutes turbulences syndicales et patronales. Nous n'en sommes pas encore là.