Parce que les stigmates de l'infortune, des malheurs et des chances ratées se sont tellement incrustées dans les âmes, qu'elles se sont érigées insidieusement en systèmes de pensées morbides et défaitistes pour nombre d'Algériens. Ajoutez à cela le fatalisme qui caractérise nos concitoyens, le mélange ne peut qu'avoir des conséquences néfastes sur leur psychologie. Celle-ci se trouve incroyablement dévoilée lorsqu'ils communiquent, ou tentent de le faire. Ils ont appris un langage sans couleur, où le noir domine, et où leurs frustrations côtoient un sens de l'humour qui frise un cynisme désarmant. Quant aux sujets qui renferment ces traits, ils représentent la source, à juste titre, de cette absence de couleurs, reflet de leurs vies anachroniques. Cela est «normal», le sort n'a pas été tendre avec eux. Mais, un jour peut-être, le monde tournera plus rond pour les Algériens. Plus de chemins escarpés, ni de passages tortueux, mais un bon cercle à 360 degrés pour un retour vers une orbite plus régulière, pour redéfinir un nouveau point de départ, prendre un nouvel élan qui leur ferait oublier le temps des vaches maigres et celui des frustrations. Le bonheur quoi! Ils ne tourneront plus autour deux-mêmes, abandonneront la politique de l'autruche et auront des objectifs bien tracés. Ils s'assoieront, à l'occasion, autour d'un thé à la menthe, entre amis, débarrassés de leurs opprobres d'indigènes, de ces frocs misérables, ces manteaux de plomb, trop lourds, trop longtemps endossés. Ils enlèveront leur nouvel habit, taillé et cousu sur mesure par les tisseurs de fables, inspirés de contrées et de temps lointains, dans un drap trempé dans le sang, la magouille et la misère, le pétrole aussi. Avec un peu de chance, ils seront absous de leurs «crimes» les plus graves, la fierté, le nationalisme, l'impulsivité, ainsi que de leurs rêves démesurés de paix et de grandeur. Des rêves dont l'alchimie fera renaître la volonté et éteindra les feux des passions ardentes et destructrices, de faux messies. Leur destin ne s'appellera plus fatalité, mais renaissance. Ou, plus modeste, des rêves de vies simples, d'une place au soleil, polychrome, sirotant leur appartenance, la vraie, celle détournée par les apprentis sorciers du nouvel ordre. Un jour, peut-être, ils seront tous des réhabilités, avec, en prime, une histoire authentique à léguer à leurs progénitures. De quoi remplir les manuels scolaires désertiques, et meubler les longues soirées d'hiver. Un jour peut-être... car l'espoir est toujours permis.