Le documentaire «L'autre 8 Mai 1945», de Yasmina Addi, a été projeté jeudi à la cinémathèque d'Oran en présence de la réalisatrice. Ce film d'une heure a su, par sa brièveté, aller à l'essentiel et confirmer, en s'appuyant sur des documents inédits, la véracité de la répression barbare commise par l'armée coloniale sur le peuple algérien. En ce 8 mai 1945, des Algériens, gagnés par la liesse populaire, étaient sortis massivement dans les rues célébrer la victoire sur le nazisme. Parmi la foule nombreuse, d'aucuns ont pu distinguer, ici et là, des manifestant portant un tout nouveau drapeau. Le drapeau algérien. Mais contre toute attente, l'armée coloniale a tiré sur un des porte-drapeaux. Cet acte de violence a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. « Ils sont venus avec un message pacifique et on leur a tiré dessus ! », dit l'historien Pascal Blanchard dans le documentaire. Ce film, tourné à la fois en Algérie, en France, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, rassemble à lui tout seul des témoignages de moudjahidine, de journalistes de cette époque, ainsi que des historiens algériens et français. Durant le débat qui a suivi la projection du film, le public a posé des questions à Yasmina Addi. L'une des questions récurrentes concerne le nombre exact de morts algériens pendant cet événement. Pour la version officielle, il y a en tout 45.000 morts. Selon le documentaire, les documents disent que le nombre varie entre 10, 20, voire 30.000 morts. Là dessus, Yasmina Addi n'y est pas allée par quatre chemins. « On ne pourra jamais connaître le vrai chiffre, a-t-elle tonné, et cela importe peu. On dit qu'il y a eu 45.000 morts. Il y en a eu peut-être moins, comme il y en a eu peut-être plus. L'essentiel est de dire qu'un mort est déjà un mort de trop ». Effectivement, a-t-elle continué, pour les victimes françaises lors de cet événement, leur nombre est bien spécifique : il est de 102 morts. Tandis que pour ce qui concerne les morts «indigènes», on butte seulement sur des estimations ». La réalisatrice a ensuite présenté à la salle l'historien Boucif Mekhaled, auteur notamment de « Chronique d'un massacre », livre sorti en France en 1995, à une époque où ce sujet était encore tabou de l'autre côté de la Méditerranée. Yasmina Addi affirme que son livre a été et est une référence pour tous les historiens. Par ailleurs, elle regrette le fait qu'on ne parle pas assez, sinon jamais, des évènements qui ont eu lieu en cette même période, mais à l'Ouest. A Tiaret, Saïda, Béchar, Bel-Abbès ou encore Oran. Elle espère néanmoins que prochainement, des historiens auront à se pencher sur les évènements qui ont secoué ces régions pendant la même période, et qu'ils ne seront alors plus négligés, pour ne pas dire occultés. Par ailleurs, on apprend que ce film sera primé le 7 juin prochain à Paris parmi les trente meilleures oeuvres documentaires réalisées au monde en 2008. Il sera primé par l'Etoile de la SCAM (Société civile des auteurs multimédias). C'est le deuxième prix qu'obtient Yasmina Addi, après le prix de Turin (Italie) en juin dernier, à l'occasion du 13e Festival international du documentaire et du reportage méditerranéens.