L'affaire des malversations commises, durant la période 1992-1998, au niveau de l'agence Aïn El-Turck de la Banque algérienne de développement rural (BADR) ayant causé une saignée de près de 17 milliards de centimes était, hier, devant le tribunal criminel d'Oran. Six personnes, dont deux ex-directeurs de cette succursale et trois clients comparaissaient au box des accusés pour répondre des chefs d'accusation de dilapidation de deniers publics, émission, acceptation et escompte de chèques sans provision.'atterrissage de ce dossier sur le terrain de la justice remonte au 26 mai 1996 avec le dépôt d'une plainte par la direction générale de la BADR auprès du parquet d'Aïn El-Turck. L'action a été déclenchée sur la base d'un audit interne ayant mis à nu un manque à gagner béant, incombé au directeur de l'agence, H.N., soupçonné d'être au coeur d'un trafic bancaire, de connivence avec certains clients. Il lui était reproché l'octroi d'alléchants crédits à une cohorte de clients sans aucune garantie et l'acceptation de chèques sans provision, violant ainsi la réglementation monétaire. Le préjudice «partiel» a été estimé alors à près de 11 milliards de centimes. Lors de son audition par le juge d'instruction, le chef d'agence a reconnu les griefs retenus contre lui, notamment d'avoir ordonné l'escompte de quatre chèques d'un montant global de 6,8 milliards de centimes, au nom d'un client B.K. au profit d'une entreprise dénommée CMI. Il s'est avéré que ces chèques étaient sans provision. Il a également avoué avoir escompté un chèque de 180 millions de centimes pour le compte de la même entreprise. Quelques jours après, le chèque est retourné avec la mention «sans provision». Le responsable réitérera le même artifice, escompte d'un chèque sans provision, avec un autre couple tireur-tiré, un certain L.Kh. et une entreprise nommée Ghiab, portant sur un montant de 217 millions de centimes. Un des clients mis en cause, A.A., a déclaré dans le bureau du magistrat instructeur que le directeur de l'agence lui a accordé des privilèges inédits dans le cadre de transactions commerciales avec ses partenaires. Ce client recevait de la part du directeur de l'agence des chèques en blanc, les remplissait lui-même en portant des montants fictifs, pour les remettre ensuite au directeur. Son compte était par la suite suralimenté. Ce jeu habile et astucieux d'approvisionnement perpétuel du compte visait à couvrir les opérations frauduleuses, a reconnu A.A. En juillet 1997, le juge d'instruction a demandé une enquête complémentaire avec à la clé une expertise comptable. Le rapport de l'expert a conclu que les pertes qu'a subies la banque consistaient principalement en un montant de 15,4 milliards de centimes incombé à l'entreprise CMI et un autre montant de 16,5 milliards de centimes au seul client A.A. Ficelé par le juge d'instruction et transmis à la chambre d'accusation, et alors qu'il était en instance devant cette juridiction de droit, ce dossier a coïncidé avec un autre, qui concernait le détournement de fonds et faux et usage de faux de la même agence BADR d'Aïn El-Turck mais mettant en cause, cette fois-ci, son directeur précédant, H.A. En gros, il était reproché à ce banquier l'octroi de crédits extravagants à un proche (son oncle maternel), sans aucune contrepartie, le virement de compte à compte, y compris vers son compte personnel. Dans son réquisitoire, le procureur Gnaoui Omar a rappelé que cet ancien dossier a basculé dans la nouvelle loi de février 2006 relative à la prévention et la lutte contre la corruption. Le procureur général a requis 3 et 5 ans de prison contre les six accusés. A l'issue des délibérations, les deux ex-directeurs d'agence et un client H.A. ont été condamnés à 5 ans de prison. Deux autres clients ont écopé de 10 mois avec sursis.