Les urnes ont parlé. L'opposition libanaise n'est pas devenue la majorité. Le groupe du 14 mars est reconduit. La question des armes du Hezbollah reste au centre des disputes La victoire des forces du 14 mars est nette : 71 sièges pour les forces du 14 mars contre 54. La coalition menée par Saâd Hariri conserve sa majorité et améliore même son score déjouant ainsi les pronostics qui tablaient sur une avancée de l'opposition. Les dirigeants de l'opposition, Nabih Berri, chef du mouvement Amal, et le Courant du futur du général Michel Aoun ont pris acte de leur échec. Nabih Berri, président sortant de la Chambre, a accepté sans réserve les résultats en déclarant que le «Liban a déjoué tous les pronostics de chaos et désordre et a confirmé une nouvelle fois son existence et sa réputation comme pays démocratique». Le Courant du futur du général Aoun a été le maillon faible de l'opposition. Ses résultats ont été franchement mauvais dans les fiefs chrétiens comme Zahlé et Achrafieh. Le général Aoun faisait il est vrai l'objet d'intenses attaques pour son alliance avec le Hezbollah. Le patriarche maronite Nasrallah Sfeir avait ostensiblement pris position à la veille du scrutin contre le général Aoun en incitant les électeurs chrétiens à soutenir le camp du 14 mars à faire face aux «dangers qui menacent l'identité du Liban et identité arabe». Cette pression religieuse qui s'est ajoutée aux mises en garde américaines a principalement fonctionné sur l'électorat chrétien qui a boudé les listes du général Aoun. La reconduction de la majorité et même l'élargissement de son poids a donc été principalement celui de l'échec du Courant du futur. Le groupe du 14 mars - composé notamment du Courant du futur de Saâd Hariri, de Walid Djoumblatt, chef du parti socialiste progressiste, et des deux partis chrétiens, le Parti phalangiste et les Forces libanaises - se retrouve désormais en position de force. Il devrait en toute logique demander à l'opposition de faire partie d'un gouvernement d'union nationale sans pour autant lui concéder le «tiers bloquant». L'écart en terme de sièges est tellement net qu'il affaiblit l'exigence de l'opposition, menée par le Hezbollah, d'avoir un droit de veto sur les grandes décisions du gouvernement. La majorité va reconduire le Premier ministre Fouad Siniora, à moins que Saâd Hariri ne décide de prendre directement en main le gouvernement. Si elle est en mesure de rejeter l'idée d'une minorité de blocage, la majorité devra néanmoins impérativement trouver un terrain d'entente avec l'opposition. L'offre de participation à un gouvernement d'union nationale sera sûrement mise sur la table, mais les éléments de la «dispute» politique libanaise qui existaient avant le scrutin de dimanche sont toujours là. Le plus important, en termes géostratégiques, est celui des «armes de la résistance». La question était une des causes principales de la crise vécue par le Liban et elle risque de l'être encore. Si le Hezbollah a reconnu sans trop tergiverser la victoire du groupe du 14 mars, il a très rapidement signifié la ligne à ne pas dépasser par la majorité. Le député du Hezbollah, Mohammad Raad, l'a clairement exprimé : «Il faut que la majorité s'engage à ce que la Résistance soit un sujet non négociable et qu'elle considère que ses armes sont légitimes» et qu'«Israël est un ennemi». Certaines composantes de la majorité veulent en effet régler la question des armes du Hezbollah. Le responsable du Hezbollah a estimé que si la majorité remettait sur la table des discussions la question des armes de la résistance, cela signifierait que le bras de fer qui dure depuis quatre ans allait se poursuivre. «Numériquement parlant, les résultats montrent que la crise fait du surplace, sauf si la majorité change de comportement», a estimé M. Raad. Le pire n'est cependant pas sûr. La victoire du groupe du 14 mars est une bonne nouvelle pour les Américains - dont le vice-président Joe Biden s'était directement impliqué dans le jeu libanais en incitant les électeurs à ne pas mal voter -, les Saoudiens et les Egyptiens. La tendance au niveau régional est, hormis Israël, dans une tendance à l'apaisement relatif avec les gestes de l'administration américaine en direction de la Syrie et de l'Iran. L'Arabie Saoudite, parrain de Hariri, a repris langue avec la Syrie. Le contexte géopolitique donc, à moyen terme du moins, n'est pas de nature à aiguiser les tensions. Mais la question de la résistance libanaise et de son statut va rester au centre des débats. Walid Djoumblatt a estimé qu'il faudra «intégrer, lentement mais sûrement, les armes du Hezbollah à l'armée libanaise et la décision de guerre ou paix ne saurait être prise que par l'Etat libanais». Entre le Hezbollah qui n'entend pas discuter des «armes de la résistance» et une majorité qui cherche à lui imposer le désarmement, le Liban reste dans le statu quo. On se souvient que la tentative du gouvernement de brusquer ce statu quo avait entraîné une réaction énergique du Hezbollah à Beyrouth qui reste encore dans tous les esprits.