La campagne a été vive, la participation massive (80%) mais le résultat est sans appel: Mahmoud Ahmadinejad a été réélu pour un deuxième mandat à la présidence iranienne en devançant largement, selon les chiffres officiels, son principal rival, l'ancien Premier ministre Mir Hossein Moussavi. L'écart est net, le président sortant recueillant, après le dépouillement de 38 millions de bulletins, près de 62,6% des voix contre 33,75% à Mir Hossein Moussavi. Les deux autres candidats, l'authentique réformateur Mehdi Karoubi, et Mohsen Rezaie, ancien chef des Gardiens de la Révolution, enregistrent des scores anecdotiques. La «vague verte» annoncée par les partisans de Mir Hossein Moussavi n'a pas eu lieu. Ce dernier a dénoncé une «manipulation» du scrutin dont il s'estime vainqueur alors que ses partisans ont manifesté des velléités de contester les résultats officiels dans la rue. L'accusation de manipulation des urnes a beau plaire aux médias occidentaux qui détestent cordialement Mahmoud Ahmadinejad, elle laisse dubitatifs les observateurs. L'écart entre les deux hommes est tellement grand que même des corrections substantielles ne pourront changer le cours du scrutin. La déception des partisans de Moussavi qui ont organisé hier des manifestations à Téhéran montre à quel point l'attente d'un changement était forte, chez une partie, minoritaire il faut bien l'admettre, de l'électorat iranien. L'attente d'une défaite de Mahmoud Ahmadinejad était encore plus forte en Occident où, sans aucun inventaire, Mir Hossein Moussavi, un homme du sérail, a été décrété «réformateur». Et donc moins «mauvais» président iranien pour les Occidentaux et Israël. Une contestation a priori sans avenir Les partisans de Moussavi ont-ils été intoxiqués par la forte médiatisation qui a été accordée en Occident à celui qui était déjà présenté comme le «tombeur» d'Ahmadinejad ? C'est une hypothèse dans une élection à nulle autre pareille et qui a suscité une des plus grandes participations électorales depuis l'avènement de la révolution islamique. Les contestations post-scrutin ne semblent guère avoir d'avenir, le guide de la révolution, l'Ayatollah Ali Khamenei, appelant les Iraniens, y compris les candidats battus, à soutenir le vainqueur officiel de l'élection et mettant en garde contre tout «comportement provocateur». Le «président choisi et respecté est le président de l'ensemble de la nation iranienne et chacun, y compris les rivaux d'hier, doit lui apporter un soutien unanime», a déclaré le guide. Moussavi qui conteste avec vigueur le résultat de l'élection est-il prêt à engager le bras de fer après la prise de position de l'Ayatollah Ali Khamenei ? Il sait qu'une contestation dans la rue qui s'est ébauchée hier à Téhéran sera réprimée par les autorités. S'il s'y engage ce sera, davantage que sa défaite qui n'était guère imprévisible, la plus grande surprise de ce scrutin. Le plus probable est que cette contestation n'ira pas très loin. Le régime, soumis à de fortes pressions occidentales au sujet de son programme nucléaire, ne le tolérera sans doute pas. «Je suppose que des ennemis comptent supprimer la douceur de l'élection avec leur provocation hostile», a averti l'imam Ali Khamenei. La lutte des classes au pays des Mollahs Le premier enseignement de ce scrutin, en dépit de la frustration compréhensible des partisans de Moussavi, est celui d'un taux de participation exceptionnellement élevé. La vivacité de la campagne y aura sans doute contribué. Mais globalement, le régime a tendance à voir dans cette participation la preuve de l'attachement des Iraniens à la République islamique et sa démocratie sous contrôle du Guide. Le second enseignement, probablement le plus important, est que les Iraniens ont fait un choix fondé sur des préoccupations de politique intérieure et non sur les dimensions géostratégiques. Les Occidentaux, Israël et même les pays arabes de la région ont beau avoir souhaité la victoire du «modéré» Moussavi - lequel d'ailleurs n'entendait pas transiger sur le programme nucléaire de son pays -, les Iraniens ont voté à partir de leurs positions et de leurs attentes sociales. Mahmoud Ahmadinejad est apparu de facto comme le candidat des déshérités, des mostadh'afine, Moussavi celui des nantis et du bazar. L'erreur des partisans de Moussavi a été de croire qu'une augmentation de la participation serait mécaniquement en leur faveur. A l'évidence, les pauvres qui ont profité d'une politique de redistribution populiste d'Ahmadinejad se sont fortement mobilisés pour faire barrage au candidat des riches. Le vote a été en quelque sorte une illustration de la lutte des classes au pays des Mollahs. Il s'est bien joué sur des considérations internes.