«Personne ne survit au fait d'être estimé au-dessus de sa valeur.», [Oscar Wilde], Ecrivain irlandais 1854-1900. Sans les moyens, l'EN serait une équipe anonyme. L'éclatante victoire de notre Equipe nationale de football face à la sextuple championne d'Afrique vient de démontrer, encore une fois, que rien n'est irréalisable surtout lorsqu'on érige les recettes adéquates et aussi, et essentiellement, en faisant confiance aux acteurs de cette nouvelle épopée qui commencent à se dessiner. Ce succès n'a laissé personne indifférent et a même ressuscité un espoir abandonné depuis deux décennies. Depuis 1990, jamais de mémoire d'Algériens, on n'avait vu autant de fans des verts déferler sur les rues algériennes avant et essentiellement après la fin du match, pas seulement aux abords du stade de Blida mais dans tout le pays. C'était une véritable liesse du peuple algérien. Cette victoire sur l'équipe d'Oum Dounia n'est pas le fruit du hasard, mais d'un travail de fourni, ces derniers temps, pour une réussite totale de la vitrine footballistique du pays. On sent qu'il y a une réelle volonté politique à rendre heureux les Algériens, d'oublier le temps d'un match les difficultés quotidiennes, procurer du bonheur qui manque énormément depuis belle lurette à nos coeurs. Ce résultat n'a donc été possible que grâce aux moyens matériels et financiers mis au profit de l'EN. La victoire sur l'Egypte n'a donc été que le couronnement de tout un ensemble de programmes appliqués à la lettre au sein du porte-drapeau de notre football. Mais tout cela n'est que superficiel tant qu'on ne s'est pas attaqué au fond des tourments qui rongent notre sport roi. Dans un précédent article(1), j'ai développé un grand nombre de ces maux. Le plus apporté par les joueurs pros Il y a quelques années, certains joueurs professionnels, au summum de leur carrière, comme par exemple tel joueur qui avait longtemps tergiversé avant de répondre favorablement à l'équipe nationale alors qu'il évoluait en capitaine d'équipe de l'Olympique de Marseille. De nombreux joueurs bi-nationaux espéraient, sans le dévoiler, un appel à une sélection du côté nord de la rive méditerranéenne avant de se fixer sur leur avenir sportif. Sur le plan sportif, c'est légitime pour Zidane qui aurait raté une carrière internationale s'il avait fait le choix d'évoluer avec ses frères en pleine dégringolade. Les Algériens lui ont pardonné et l'ont supporté énergiquement, tout au long de sa sublime carrière, en N°10 des bleus, de la Juventus de Turin et des Merengues du Réal de Madrid. Les autorités de notre pays l'ont même honoré avec beaucoup plus de considération que des joueurs algériens qui ont fait les beaux jours de l'EN et avec à la clé d'énormes sacrifices. En effet, Zizou, comme aime à le dorloter ses passionnés, a été accueilli en décembre 2006, dans le pays de ses ancêtres, comme une superstar à Alger, parce que son nom sonne bien de chez nous, pourtant il n'a jamais revêtu le maillot vert et blanc cher à Mekhloufi, Lalmas, Belloumi et Madjer. Si c'était à refaire, il aurait peut-être opté aujourd'hui pour l'équipe de ses origines car on sent qu'il y a un bon coup à jouer et une autre aventure qui s'annonce si l'on continue dans cette voie où chaque petit détail a son importance. C'est vrai que les moyens mis à la disponibilité de l'équipe algérienne n'étaient pas au beau-fixe, en plus de l'instabilité criarde au sein des instances fédérales. Maintenant que l'horizon s'est favorablement éclairci, des joueurs pros viennent en Algérie que pour assister en spectateur au dernier match Algérie-Egypte et soutenir les verts au milieu de ses fans, je voudrais ici bien sûr parler de l'Algérien Mohammed Dahmane, ex-avant-centre du club de Mons en Belgique et recruté cette année par le prestigieux club du FC Bruges ! Cela augure un bon avenir du club Algérie que de nombreux joueurs attendent avec impatience à rejoindre l'équipe s'ils reçoivent ce sésame d'invitation, titulaires ou sur le banc des remplaçants. La maison Algérie, un véritable tremplin pour les pros ? Comme tous ceux qui suivent l'activité sportive le savent, la FIFA vient de changer la loi qui obligeait les joueurs de double nationalité et ayant évolué dans les catégories des jeunes de faire le choix, avant l'âge de 21 ans, de l'équipe du pays dans laquelle ils souhaitent évoluer. En conséquence, avec ce nouveau amendement de la loi, ils auront toute la latitude pour le faire. Des joueurs comme Mourad Meghni du Lazio de Rome, Hassen Yebda du Benfica de Lisbonne ou de Mehdi Lacen du Réal Racing club de Santander ont déjà montré leurs intentions de rejoindre les nôtres, par le biais de certains quotidiens, s'ils reçoivent évidemment la convocation du coach national. L'équipe nationale renvoie aussi bien l'ascenseur à ces pros qui en font partie. Etre sélectionné est actuellement une référence à tout joueur international et autant une véritable rampe de lancement d'une série bloquée. Karim Ziani n'a-t-il pas déclaré un jour que c'est grâce aux matchs préqualificatifs que l'Algérie avaient livrés contre le Sénégal, le Libéria et la Gambie qu'il avait retrouvé de nouvelles sensations et toute la plénitude de ses potentialités ? Ce qui a relancé admirablement sa carrière à Marseille après avoir connu une sèche saison 2007/2008. Il faut savoir rendre la monnaie quand il le faut. Cette déclaration valorise davantage la présence dans le groupe de la maison Algérie qui était présumée comme pestiférée à peine quelques années avant. Si l'équipe d'Algérie attire autant de joueurs expatriés, c'est que quelque part, quelque chose a changé la donne. D'une équipe et d'un environnement de bricolage et d'amateurisme, les responsables de ce sport en Algérie sont passés incroyablement à une vitesse incroyable en quelque temps où tous les obstacles à la réussite sont élucidés. Ils ne lésinent point sur les moyens. Tant mieux, si cela s'avérera un impact et une réelle répercussion sur le niveau intérieur dans le pays. Une division I fade et lamentable mais pleine de transferts sensationnels à coup de milliards où les liasses de billets coulent à gogo. La violence a été la vedette numéro 1 dans les stades sans omettre les matchs truqués de fin d'années et dont un nombre impressionnant joués à huis clos. Toutes ces plaies ne plaident pas en faveur du développement local de ce sport dans notre pays à moins d'un sursaut. L'Equipe nationale continuera à cacher la forêt en attendant de meilleurs jours. L'indiscipline, ennemie number one Rappelons, dans l'équipe rentrante comme les Egyptiens, deux joueurs du cru figuraient seulement parmi les titulaires, en l'occurrence le gardien de but Lounes Gaouaoui et le milieu du terrain Khaled Lemouchia. Un joueur comme Lemouchia risquerait gros aujourd'hui s'il évoluait sur d'autres cieux. Même si les spécialistes disent que c'est un bon joueur demi-défensif, porter atteinte à un arbitre au cours d'un match du championnat national mérite quand même une suspension exemplaire. Personne n'est indispensable, c'est la politique de l'ensemble et seulement celle-ci qui doit primer. La sportivité et l'équité doivent régner sans quoi tout ce qu'on est en train de bâtir s'écroulera tôt au tard. Autre fait saillant, la « star » sétifienne Hadj Aissa qui se prend la tête en montrant son profond mécontentement à l'annonce de la composition d'équipe retenue pour affronter l'équipe adverse. L'entraîneur national ne gère pas l'humeur des uns et des autres mais celui du groupe qui doit garder le calme quelles que soient les circonstances et les événements à subir. Heureusement que le sélectionneur national Rabah Saâdane a pris les devants en le renvoyant, comme il se doit, à ses vanités. Sans une discipline de professionnalisme, la faillite serait à nos portes. Il est nécessaire de balayer devant son palier avant son arrivée funeste. C'est ce genre de zizanie, à déraciner, qui peut perturber la quiétude et la concentration des équipiers, à peine retrouvée. Je me demande si l'équipe nationale s'est pourvue d'un règlement intérieur rappelant les devoirs et les droits de chacun. Rappelons-le, c'est l'arme de la discipline, payante à tous les coups, que les Egyptiens avaient utilisé pour gagner 2 fois de suite la coupe d'Afrique. Le peuple, source et détenteur du sceau du patriotisme. Cette image de cette jeunesse algérienne brandissant les drapeaux vert, blanc constellés d'étoiles à 5 branches et de croissants rougeâtres, n'a pas connu pareille envie depuis fort longtemps. En tous les cas, des fêtes pareilles se comptent sur les bouts du doigt depuis l'indépendance du pays. Des journaux, à grands tirages, ont qualifié l'équipe nationale de plus grand Parti politique du pays. C'est énorme et édifiant qu'une équipe de football ait suscité autant d'intérêt et de passion du nationalisme. Un voisin mitoyen a orné toute notre ruelle de drapeaux nationaux à quelques instants du coup de sifflet initial du match. Ce n'est plus l'apanage de l'APC de lever les couleurs nationales à chaque événement mais ce sont de simples citoyens qui le font, démontrant leur amour profond du pays. Ce qui sort vainqueur, ce sont ces concrètes processions interminables et spontanées de la population détrônant ainsi l'apanage de certaines parties de vouloir s'approprier cette identité algérienne à sa source. Désormais, personne n'est le détenteur du patriotisme dans le pays. Je ne serais pas étonnée d'apprendre que parmi ces jeunes festifs, beaucoup sont candidats pour une harga. Ils renonceront à leur entreprise si on mettrait une politique adéquate. Une personne familière m'a dit textuellement : «Mais pourquoi ces jeunes ne font-ils rien pour le pays s'ils l'aiment autant ?». Je lui ai clairement répondu que cela pourrait changer si on les écoutera d'abord, en leur faisant ensuite confiance et en réfléchissant ensemble au devenir du pays. C'est tout un programme qu'il faut mettre en exécution pour sortir de l'impasse. Les moyens matériels existent, ce sont les exécutions de programmes qui font défaut. Aimer son pays, n'est pas seulement supporter son équipe nationale mais c'est aussi de bien faire son travail, protéger l'environnement, prendre soin de son quartier, appliquer avec rigueur le code de la route, participer à l'effort de l'éducation, faire des études sérieuses, développer la culture dans ce pays,... Une victoire non fructifiée sur l'Allemagne Par le passé, dommage que la victoire sur l'Allemagne n'a pas été capitalisée comme il le fallait. Nous avons vu ce qu'a fait l'équipe de France de football en gagnant haut la main la Coupe du monde en 1998 suivie de l'Euro dans la foulée, après avoir admis dans la mentalité des Français de souche, à être menés par des fils d'immigrés Beurs et Blacks. Un France multicolore qui a su relever le défi devant ces devancières. La France, qui était le dernier du lot des grands Européens, est entrée en 1998 par la grande porte surclassant tout le monde. Depuis lors, ses joueurs sont très demandés sur le marché des transferts européens. Bref, la victoire de l'équipe de France a donné un extraordinaire souffle et un formidable élan de fierté à ce pays en le tirant vers les cimes de la gloire dans de nombreux domaines. Le label français a acquis une notoriété sans précédent. L'Espagne est en train de suivre le même chemin et les prouesses sont là. La terre de nos ancêtres andalous est devenue un modèle européen à suivre non pas seulement en sport mais dans tous les domaines de la vie du pays. Pour les Algériens qui ont visité ce pays dans les années 80, il n'a rien à voir à celui des années 2000. Sans trop de chauvinisme, notre pays n'était pas assez loin du pays de Cervantès dans les années 80. Malheureusement, nos chemins avec les Ibériques se sont écartés dès lors qu'ils ont choisi une option lumineuse. Des primes conséquentes de normes correctes La victoire de l'EN n'est donc pas le fruit du hasard. Le président da la FAF, M. Mohammed Raourara, a décidé, tout de suite après le fameux match, de doubler la mise de la prime promise au staff de l'équipe nationale, passant ainsi à 5.000 Euros, d'autres journaux parlent de 8.000 Euros. Pourtant, le bureau fédéral ne s'est pas réuni tout de juste après la rencontre pour prendre une telle décision à moins qu'elle ait été prise dans le conditionnel. Le président de la FAF a peut-être usé d'une de ses prérogatives de Président. On ne parle plus en Dinars mais en Euros et c'est tout à fait logique pour des joueurs résidant et travaillant en Europe et en suivant les normes universelles. Le journal Elkhabar, dans son édition du mardi 16 juin 2009, parle de 100 millions de centimes par joueur s'ils remportent les 3 points du match de l'expédition zambienne ! Ces règles que les pouvoirs publics font la sourde oreille de les appliquer ailleurs. La démagogie part en fumée d'un seul coup ! La bureaucratie a sauté comme par magie. Ah ! si un ministère décidait de faire augmenter ses salariés en passant outre les verrous administratifs et bureaucratiques comme vient de le faire admirablement M. Raourara. La valeur du travail est ainsi valorisée sur le champ et payée cash juste après l'effort. Imaginons un instant si on appliquait ce concept de faire rémunérer l'emploi à l'identique. Beaucoup de tabous sauteront en l'air si cette notion arrive à être adopté. Ce sera une véritable révolution des esprits. C'est vrai que pour l'instant, on ne l'applique qu'en football, les joueurs locaux avec leur faible niveau, à part quelques très rares perles, sont transférés à coup de milliards et de surcroît avec l'argent du contribuable. Des chiffres rêveurs pour une certaine catégorie de fonctionnaires qui ne sont pas réhabilités à leur juste valeur. Des enseignants universitaires sont quasiment des mendiants devant les sommes miroitées par les présidents de club pour engager tel ou tel joueur ou entraîneur. De plus, les caisses de l'Etat sont là pour pallier à tout manquement des besoins des clubs, sans contrepartie ni contrôle. Des sommes considérables, s'il vous plaît en liquide, passent de mains en mains à chaque transfert. Pourquoi pas un retour des compétences en tous domaines ? On revient à cette victoire de ce 07 juin 2009, elle n'aura une conséquence tangible pour notre pays que si elle sera transposée à d'autres domaines scientifiques, éducatifs, industriels ou économiques et encore plus avoir un impact sur les champs politique, syndical et associatif. Certes, le football donne de la joie au peuple mais ne remplit malheureusement pas le ventre, comme disait ma grande-mère, l'Algérie a besoin de tous ses enfants et de sa matière grise pour se hisser au moins au niveau des pays en voie de développement. Comme chacun le sait, notre pays a perdu beaucoup de nombreux cadres justement à cause de la détérioration du niveau social des cadres pour beaucoup d'enseignants-chercheurs universitaires, de médecins, d'ingénieurs, d'informaticiens et de bien d'autres. La saignée continue, d'autres aptitudes en attente sont toujours candidates à l'émigration dans les pays développés tels que le Canada, les Etats-Unis, l'Australie, sans omettre les pays du Golfe. Si nous prenons le Canada comme exemple, une communauté algérienne, estimée à plus de 50.000 citoyens, s'y est installée avec femmes, enfants, cousins et cousines, tous métiers confondus, du simple pâtissier à l'éminent chercheur. Le Canada en redemande encore. La matière grise et vive n'a pas de prix. Si notre pays adaptait les mêmes principes que le football, on ne serait pas à cette situation d'hémorragie. Ces compétences ne postulent pas pour des salaires mirifiques des footballeurs, ne fantasment pas avoir de ceux des ministres et n'ont même aucunement le droit de rêver à acquérir les rémunérations des parlementaires, mais revendiquent simplement une vie décente due à leur rang. L'Algérie ne serait que prospère et brillante si elle arrive à faire changer d'avis les candidats à l'évasion en terre étrangère et à reconquérir ceux qui ont déguerpi. (*) Universitaire et syndicaliste. Références : (1): Mohammed Beghdad, « L'Equipe nationale de football, cet arbre qui cache la forêt », Le Quotidien d'Oran du 21 février 2009.