Ce genre d'agitation s'en va et revient avec la fréquence régulière d'un métronome. Passent un, deux ou trois mois au maximum et, soudain, apparaît sans crier gare une polémique liée à l'Islam en France. Cette fois-ci, l'affaire concerne le port de la burqa. Tout a commencé avec le député communiste de Vénissieux (Rhône), André Gérin, qui a demandé une commission d'enquête parlementaire sur le port du « voile intégral », expression qui désigne indéfiniment la burqa, le niqab ou je ne sais quelle autre variante. L'initiative du parlementaire a reçu le soutien immédiat d'une soixantaine de députés, toutes familles politiques confondues, et nombre de ministres du gouvernement Fillon se sont déclarés pour une loi interdisant le port du voile intégral. De son côté, Nicolas Sarkozy a déclaré, lors de son discours devant le Congrès (sénateurs et députés réunis), que la burqa n'est pas « la bienvenue sur le territoire de la République française ». Voilà pour le, bref, résumé. C'est donc une nouvelle tchaqlala dont la France a le secret ! Que serait en effet ce pays sans toutes ces polémiques qui embrasent ses élites et ses médias le temps d'une saison ? Nous savons tous que le soufflet va vite retomber en attendant d'autres confrontations et colletages qui, le plus souvent, sont sans risques pour les bretteurs. La dernière fois que l'on a parlé de la burqa, c'était il y a un an lorsque la nationalité française a été refusée à une Marocaine qui la portait. A l'époque, l'agitation n'a duré que quelques jours, juste de quoi échauffer les esprits avant le grand départ pour les vacances d'été. Commençons par une nécessaire mise au point. Rien dans l'islam ne justifie ou n'autorise que l'on couvre une femme de la tête aux pieds. La burqa ne devrait pas exister. Elle est la négation de l'être vivant, un symbole d'arriération mentale et d'incapacité civilisationnelle. C'est une insulte à la femme mais c'est aussi une insulte à une religion de paix et de respect entre les filles et les fils d'Adam. Et, regardons les choses en face, la burqa est aussi un symbole d'oppression masculine de la femme. On me dira ce que l'on voudra, mais je ne pense pas que les femmes qui la portent de par leur propre choix sont nombreuses. Cela étant, il est toujours difficile d'évoquer cette question de la burqa sans donner l'impression de s'en prendre à l'islam ou de rejoindre le camp des néoconservateurs islamophobes. Il y a toutefois une bonne manière de résoudre ce problème. Il faut tout simplement dire et répéter que la burqa n'est pas l'islam. De plus, c'est une pratique vestimentaire que la majorité des populations musulmanes de France ne peuvent revendiquer comme un héritage culturel. La burqa ne vient ni du Maghreb, ni de l'Afrique sub-saharienne ni même du Machrek. Mais là n'est pas le sujet de cette chronique. L'essentiel est d'admettre que cette question de la burqa ne peut être résumée à une simple manifestation d'islamophobie française. Pour bien le comprendre, il faut se mettre à la place d'un peuple qui, en moins de quinze ans, voit se multiplier ces costumes qui n'ont rien à voir avec ses traditions et ses usages. Il faut aussi comprendre que la vision de la burqa impressionne pour ne pas dire qu'elle fait (très) peur. Il se dégage d'ailleurs de l'allure des femmes qui la portent un halo fantomatique qui explique pourquoi elles sont parfois comparées à Belphégor. Autrement dit, la burqa constitue pour nombre de Français et de Françaises une agression, une intrusion difficilement supportable dans leur quotidien déjà alourdi par le poids des discours sécuritaire et identitaire. Cela ne veut pas dire pour autant qu'ils sont islamophobes ou racistes, mais tout simplement que cet affichage vestimentaire les effraye et leur déplaît plus qu'on ne le pense. Et c'est leur droit de dire que la burqa leur déplaît et qu'ils n'en veulent pas ! Il n'est même pas nécessaire de s'embarquer dans le débat sur la République et la défense de la laïcité : la burqa, dans les rues de Paris, de Roubaix ou de Vénissieux, c'est, l'entrée en force d'un autre monde dans l'univers français. C'est, pour certains, l'impression qu'une mutation non désirée est en train de s'accomplir. On me dira que celles qui la portent sont souvent de nationalité française. Nous savons tous que cela ne veut rien dire et que ce port de la burqa est aussi une manière de signifier à la France que l'on n'a guère de respect pour elle et certaines de ses traditions notamment laïques. Pour autant, il ne faut pas être dupe. Dans le lot de critiques à l'encontre de la burqa, il y a bien sûr une grande dose d'opportunisme voire d'islamophobie. C'est une belle occasion pour ressortir un discours stigmatisant à l'encontre de communautés musulmanes vivant en France qui n'ont pourtant jamais considéré la burqa comme faisant partie de leur foi ou de leur culture et qui se retrouvent aujourd'hui obligées de se positionner vis-à-vis de cette question. Nous vivons dans un monde de communication où ceux qui cherchent à exister médiatiquement ont besoin de leviers. Critiquer les manifestations rétrogrades de l'islam fait partie des plus puissants de ces leviers. La burqa... Quelle belle diversion. Et quel beau concert d'hypocrites, que ces politiques qui se parent soudain du voile (sans mauvais jeu de mot) de la vertu ! Quelle belle occasion pour faire oublier la crise financière, l'avenir incertain des retraites, la françafrique, le scandale des commissions jamais versées à des responsables pakistanais, la corruption galopante à tous les étages de la République, etc... Et puis, on ne peut s'empêcher de penser au prochain coup. Quoi d'autre après la burqa ? Que va-t-on nous sortir, l'index tendu, le reproche lourd et l'injonction de se justifier insistante ? Interdiction de la barbe pour les hommes ? Interdiction des « prénoms musulmans » comme le rêvait il n'y a pas si longtemps l'extrême-droite ? Dénonciation du Ramadan ? Campagne contre la construction de mosquées ? Attaque en règle contre la circoncision (là, il y a moins de risque puisque cela ne concerne pas que les musulmans...). On verra bien. De toutes les façons, il n'y aura guère à patienter longtemps pour le savoir.