Les deux dernières «sorties» du vice-président américain, Joe Biden, la première sur l'Irak et la seconde sur l'Iran, sont-elles à mettre sur le compte de sa propension à commettre des bévues, qui lui vaut le sobriquet peu rassurant de «Joe la Gaffe», s'agissant d'un acteur politique maintenant aussi haut placé dans l'administration US ? Ou, comme le suggère notre excellent confrère K. Selim (édito du Quotidien d'Oran du lundi 06), de celui d'une distribution des rôles savamment planifiée entre lui et le président Barack Obama ? Pour notre part, nous en faisons une lecture beaucoup plus inquiétante. Il nous semble en effet qu'il faille exclure que sur des sujets aussi sensibles, le vice-président américain se soit laissé aller à disserter spontanément et donc à donner libre cours à sa verve souvent dérapante. Ou qu'il ait tenu ses propos pour offrir à Obama l'occasion de conforter son image de président «à la main tendue». Il nous apparaît que la préoccupation qui guide Joe Biden est celle de vouloir être perçu comme le chef de file des adeptes de la théorie «du chaos constructif», dont il signifie que leur influence n'a pas disparu des cercles de pouvoir aux Etats-Unis avec l'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche. En brandissant la menace du «désengagement politique» dans le cas de l'Irak et en couvrant «du droit souverain» celle qu'Israël entretient en préparant ostensiblement une intervention militaire contre l'Iran, Joe Biden a incontestablement pris ses distances avec les messages plus rassurants et moins permissifs que le président Barack Obama a délivrés sur les deux dossiers depuis son intronisation à la présidence des Etats-Unis. En fait, et c'est cela le plus grave, Joe Biden paraît avoir visé plus loin que d'affirmer des visions qui «ne collent» avec celles que développe Obama. En s'exprimant comme il l'a fait et en tant que vice-président des Etats-Unis, il cherche manifestement à forcer la main à son «patron». Il est notoire que «l'establishment» américain est loin d'être unanimement acquis aux changements et nouvelles orientations que Barack Obama a promis d'imprimer à la politique étrangère du pays. C'est le signal que Joe Biden s'est chargé de lui transmettre concernant l'Iran. Le président américain a rapidement réagi en niant que les Etats-Unis «accordent leur feu vert à une attaque contre l'Iran». Ce que pourtant Israël pourrait avoir déduit comme étant le cas à travers la déclaration ambiguë du vice-président américain. Ce qui ne rend que plus inquiétants les bruits multiples qui courent sur des préparatifs auxquels se livre l'armée israélienne en vue d'une agression contre l'Iran. N'est-ce pas que les dirigeants de Tel-Aviv ont reçu l'assurance qu'ils peuvent «foncer» et qu'ils n'ont pas à craindre le désaveu américain ? Toute la crédibilité dont bénéficie Obama depuis son investiture se joue sur sa capacité à démontrer qu'il est le «patron « de la superpuissance que sont les Etats-Unis. Et qu'il n'est pas le prisonnier des partisans du «chaos constructif», même si son vice-président s'en est fait le chef de file.