En visite surprise à Baghdad vendredi, veille de l'Indépendance Day, fête nationale américaine, le vice-président des Etats-Unis, Joe Biden, a menacé les autorités irakiennes du «désengagement politique de son pays si la violence confessionnelle ou ethnique reprenait en Irak». Sa déclaration a fait réagir le Premier ministre Nouri El-Maliki, qui l'a qualifiée «d'ingérence» dans les affaires de son pays. Plutôt qu'une manifestation d'ingérence, le propos de Joe Biden nous apparaît prémonitoire du comportement à la «Ponce Pilate» que l'administration Obama se prépare à adopter en prévision de l'aggravation de la situation sécuritaire et politique qui se profile en Irak après la passation de relais en matière de gestion de la première donne entre le corps expéditionnaire américain et l'armée et les forces de sécurité irakiennes. «Joe la Gaffe» a en effet tancé les autorités irakiennes en faisant sous-entendre qu'elles sont en train de laisser l'Irak replonger dans la violence que les troupes américaines seraient parvenues à juguler avant de leur en remettre la gestion. Or, ce qui se passe actuellement au pays des deux fleuves n'est nullement une «reprise» mais un continuum que l'engagement direct et total des forces américaines n'a nullement cassé et encore moins fait cesser. Cette violence, dont l'Amérique de Joe Biden veut manifestement se laver les mains, a pour origine et cause son intervention militaire, laquelle a ouvert la boîte de Pandore en Irak et libéré ainsi le champ aux affrontements de toute nature qui se déroulent dans ce pays depuis 2005. A décrypter le message délivré par Biden, il apparaît que les Etats-Unis sont dans un autre ordre de préoccupation que celle de veiller à ce que l'Irak ne s'effondre pas. Le vice-président américain l'a cyniquement fait comprendre en affirmant que son pays «n'a aucune volonté de recoller les pots cassés encore une fois si, par l'action de certains, l'Irak devait s'effondrer». Et de préciser que «cela ne serait pas dans l'intérêt du peuple américain». Par conséquent, c'est, selon «Joe la Gaffe», aux Irakiens de recoller ces pots cassés. Lequel omet tout simplement de prendre en compte que si l'Irak est dans la tragique situation où il se trouve, c'est à l'Amérique qu'il le doit. Ce que le vice-président américain a déclaré craindre, à savoir la «reprise de la violence confessionnelle ou ethnique», dont il fait de la survenance la justification du désengagement politique de son pays, est inscrite dans «l'héritage» que l'intervention américaine laissera à l'Irak. Que celui-ci explose en entités ethniques ou confessionnelles n'est pas pour remettre en cause le but stratégique que les Etats-Unis se sont fixés dans ce pays et au Moyen-Orient de façon globale. Sous les apparences d'approches divergentes quant à la politique que l'Amérique doit avoir dans cette région, George Bush et Barack Obama se rejoignent indiscutablement sur la finalité, qui est qu'il faut empêcher que l'Irak retrouve son unité et sa cohésion. La solution pour laquelle semble avoir opté Obama, pour que cela ne se produise pas, est celle du «désengagement» de son pays, à la suite duquel les Irakiens seront «laissés libres» de s'étriper au nom de la confession et de l'ethnie.