Au Liban où il avait effectué une «visite surprise» la veille du scrutin des élections législatives dans ce pays, en Irak où il s'est annoncé le jour de l'Independance Day des Etats-Unis, en Ukraine et en Géorgie où il a pointé peu après la visite de Barack Obama en Russie, le vice-président américain Joe Biden a tenu des propos qui sèment le doute sur la cohérence de la politique étrangère de la plus grande puissance du monde. Le président russe s'est fait le porte-voix de cette interrogation en s'inquiétant publiquement de savoir «qui fixe la politique étrangère des Etats-unis, le président Obama ou les respectables membres de son équipe». Au vu des dissonances très nettes décelables dans les déclarations du président américain et de son second, il est manifeste que l'on tire à hue et à dia à Washington dans le domaine de la politique étrangère. Tout se passe comme si, dans ce domaine, Obama fait l'objet d'un marquage visant à l'obliger à renoncer à opérer la rupture avec la ligne et les objectifs qui ont été ceux de l'administration Bush. Il n'y a pas que Joe Biden qui est à la manoeuvre pour cette opération. Plus subtilement que «Joe la Gaffe», Hillary Clinton, la secrétaire d'Etat, y met du sien aussi. Pour preuve, sa récente sortie par laquelle elle a tancé les dirigeants arabes en leur exigeant de faire «maintenant et immédiatement» des gestes de normalisation avec l'Etat sioniste. Cela quand le président Obama s'exerçait lui à faire pression sur cet Etat pour l'amener à reconsidérer la politique de blocage qu'il a adoptée à l'égard de sa solution au conflit israélo-palestinien, bâtie sur le principe des deux Etats. D'aucuns voient dans cette «cacophonie» au plus haut sommet de la superpuissance, une subtile répartition des rôles et en aucun cas la manifestation de divergences de fond entre les principaux acteurs de la diplomatie américaine. Les réactions internationales quant à cet état de fait montrent en tout cas qu'il suscite de sérieuses inquiétudes et fait douter des engagements pris par le nouveau président américain sur les principaux dossiers internationaux. Une étude récente réalisée au plan international par un institut de sondage américain montre que depuis qu'il est à la Maison-Blanche, Barack Obama a redoré l'image des Etats-Unis auprès du monde, puisqu'elle serait redevenue «aussi positive» qu'au début des années 2000, autrement dit avant l'arrivée au pouvoir de George W. Bush. Le cafouillage intentionnel ou involontaire qui s'exprime présentement dans la politique étrangère américaine risque de ruiner ce résultat. Parce qu'il démontre que le néoconservatisme, qui a été la matrice du comportement étatsunien dans les relations de l'Amérique avec le reste du monde, est toujours aussi présent dans les centres de décision à Washington. Ce n'est pas une vue de l'esprit de voir dans les dissonances que manifestent les prises de position de Joe Biden et Hillary Clinton avec celles du président Obama, le reflet d'une vraie lutte pour l'appropriation du pouvoir de définition de la politique étrangère américaine et la détermination de ses choix stratégiques, entre le courant que celui-ci représente et celui néoconservateur qui a enrôlé dans ses rangs le vice-président et la secrétaire d'Etat.