La justice soudanaise s'est donné un mois de plus pour décider si Loubna Ahmed Al-Hussein sera soumise au supplice du fouet pour avoir osé porter le pantalon. Officiellement, il s'agit de vérifier si, en raison de son statut d'employée au service de la communication de l'Onu, elle ne bénéficiait pas d'une immunité diplomatique. L'embarras du système soudanais est clair quand on sait que la dame en question a démissionné de son poste à l'Onu pour ne pas bénéficier de l'éventuelle immunité que cela peut lui apporter. Elle est dans une posture de combat en portant son respectable pantalon. Elle pense qu'elle porte des vêtements décents et elle le dit. On la croit. Ce n'est pas elle, mais le système qui la juge qui exhibe sa nudité. Et le spectacle n'est pas beau à voir : un mélange d'ignorance, de bigoterie et d'instrumentalisation cynique des «valeurs» et de la «morale». Loubna a, en le voulant sans doute, braqué les lumières des médias sur la stupidité qui prétend l'accuser d'indécence. Et on comprend que ses juges, qui se retrouvent dans le rôle d'administrateurs du fouet et non de la justice, cherchent désespérément à lui trouver une immunité. Il faut cacher cette Loubna qui montre ce qui ne devrait pas être vu. Mais ce qui ne devrait pas être vu, c'est cette religiosité fruste, sans spiritualité, réduite à la surveillance maladive des femmes. Les problèmes ne manquent pas au Soudan et il serait fastidieux de les énumérer. Et pourtant, à en croire les pratiques en cours, le port du pantalon par les femmes est la question la plus déterminante de la vie de la nation. On serait tenté de le croire puisqu'il y aurait 20.000 jeunes filles qui ont été arrêtées dans ce très «moral» pays pour des raisons vestimentaires et beaucoup d'entre elles ont subi, silencieusement, le supplice du fouet. On comprend volontiers la quête éperdue des juges d'une exemption onusienne qui les débarrasserait de cette effrontée de Loubna qui porte encore son pantalon et invite le monde à contempler les pratiques dégradantes commises contre les femmes au nom d'une fausse morale des apparences. On devine bien ce qui déplaît aux juges et à tous ceux qui se servent de la morale religieuse comme moyen de compensation de leur gestion incompétente et de leur corruption : c'est le fait que les médias en parlent. Il faut donc continuer à en parler. Aujourd'hui, demain et dans un mois, quand les juges décideront si elle doit recevoir quarante coups de fouet. Il faudra continuer à suivre la très sobre Loubna pour décrire l'indécence d'un système absurde qui n'a rien de spirituel, mais qui se sert de la religion pour organiser une pression intolérable sur les femmes. L'article 152 du code pénal prévoyant 40 coups de fouet pour quiconque «commet un acte indécent ou un acte qui viole la moralité publique ou porte des vêtements indécents», est une honte. Il est obscène. Des Soudanaises ont manifesté devant le tribunal, avant d'être dispersées à coup de grenades lacrymogènes. Loubna a choisi d'engager son combat en comptant sur la médiatisation de son affaire. C'est une juste cause. Tous les médias du monde arabe devraient participer à cette médiatisation. Devant les échecs lamentables des systèmes en place, le moralisme religieux sert d'instrument de diversion. La misogynie est l'exutoire de systèmes impuissants à affronter les vrais défis socio-économiques. Dans ce domaine, tout le monde arabe est concerné et trouve dans la tenue vestimentaire féminine le diable qui réside dans son sous-développement.