Pas d'excuses, dans le fond et dans la forme, du ministre français de l'Intérieur, Brice Hortefeux, sur ses déclarations racistes lundi lors d'un F'tour à Paris organisé par le CFCM (Conseil français du culte musulman). Il y a eu juste des regrets forcés, sibyllins et qui ne dénotent pas outre mesure d'une quelconque volonté de l'Etat français, de ses représentants de s'excuser. Lors de la polémique sur les propos de Hortefeux, il y a eu pratiquement un large soutien des plus hauts responsables français, à commencer par le président Nicolas Sarkozy qui n'avait pas de temps à perdre avec des faux débats. Bref, lundi donc, le ministre de l'Intérieur français, qui est également en charge du culte, dont celui musulman, confesse à la table à laquelle étaient également conviés les représentants du CFCM et des autres cultes, qu'il a des regrets, sans vraiment les faire ressentir. 'Je suis ému de penser que du fait d'un certain tohu-bohu médiatique et d'une interprétation totalement inexacte, des personnes - peut-être parmi vous - ont pu être blessées dans leur être ou leurs convictions, a-t-il lancé. Je veux donc dire mes regrets. Au-delà de cette polémique inutile et injuste, je veux exprimer mon respect pour tous les Français et tous ceux qui vivent sur notre sol, quelle que soit leur religion et quelles que soient leurs convictions», a-t-il dit devant un parterre de plus de 200 personnes principalement des représentants du CFCM. «L'islam a aujourd'hui toute sa place aux côtés des autres grandes religions du Livre dans notre maison commune : la République», a-t-il assuré, en précisant : «La République doit être plus que jamais une école de tolérance et de dignité. C'est un combat de tous les jours, et j'y veillerai.» Les propos de Hortefeux, qui tentait visiblement d'éteindre gauchement le feu qu'il avait allumé en faisant une remarque de nature raciste sur un jeune militant de l'UMP (c'est notre petit arabe), n'ont pas convaincu ceux qui lui tiennent rigueur, autant à gauche de l'échiquier politique français qu'au sein des associations de défense contre le racisme, notamment le MRAP. Au sein du CFCM, c'est un climat délétère qui règne. Pour éviter de faire un trait sur l'incident, le président du CFCM, Mohammed Moussaoui, l'avait peu avant accueilli à son arrivée pour le F'tour en des termes élogieux, reconnaissant en M. Hortefeux «un interlocuteur toujours respectueux de notre communauté». «Lors de la profanation de la mosquée de Toul, en août, il a été le premier à nous manifester son soutien», a confié M. Moussaoui à un quotidien parisien. «Cette affaire de la vidéo, c'était un procès d'intention, et le CFCM n'a pas à s'impliquer dans ce type de polémiques», a aussi défendu Chems-Eddine Hafiz, l'un des vice-présidents du CFCM. Pour autant, au sein du CFCM, le climat n'est pas au beau-fixe entres les membres, et certains auraient voulu que la réponse soit plus ferme, en tout cas plus en rapport avec les propos du ministre. D'autant qu'entre les membres du CFCM, cela n'est un secret pour personne, des rivalités existent et ont toujours miné, sinon bloqué le bon fonctionnement de l'organisme. Et puis la 'petite rixe verbale'' entre deux membres influents du CFCM a accentué le malaise qui règne au sein du conseil après les propos racistes du ministre de l'Intérieur. Mais, si les responsables du CFCM se montrent plus ou moins conciliants envers le ministre français de l'Intérieur, d'autres personnalités religieuses en France n'hésitent pas à le stigmatiser. Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon, estime que 'cette affaire montre une fois encore que les musulmans n'ont pas assez de poids pour se faire respecter». «Les propos nauséabonds (de M. Hortefeux) dénotent une image dégradée de l'islam en France», a également estimé la sénatrice (PS) de Paris, Bariza Khiari, soulignant que «les regrets du ministre prouvent au moins qu'il a pris la mesure de l'humiliation de la communauté». Pour autant, le mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) a réuni, avant-hier lundi, son bureau exécutif et décidé «de faire citer devant le tribunal correctionnel le ministre de l'Intérieur du chef de diffamation à caractère raciste». Le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, est cité «pour les propos profondément humiliants et attentatoires à la dignité et la considération des personnes d'origine arabe», écrit le MRAP. Une position tranchée par rapport à celle conciliante du CFCM, englouti dans des guerres de tranchées qui lui font parfois perdre de vue ses missions envers la communauté musulmane de France.