«Qui desiderat pacem praeparet bellum» ou «Si vis pacem para bellum», autrement dit «Si tu veux la paix prépare la guerre». Cette sentence est de Végèce, un historien romain du IVème siècle, qui a écrit notamment un «Traité sur l'art de la guerre» comme le Chinois Sun Tzu plusieurs siècles avant lui, auteur au VIème siècle avant J.C du premier traité connu de stratégie militaire. Depuis que le monde est monde, la guerre est présente dans la vie des hommes. Et le commencement n'est pas le logos mais le fratricide de Caïn contre Abel. Selon l'Ancien Testament, Yahweh prend lui-même part aux combats contre les armées de Pharaon pour sortir les fils d'Israël, tenus en esclavage, d'Egypte. Le Coran aussi relate l'intervention d'Allah pour sauver la Kaaba qu'Abraha, l'homme à l'éléphant, voulait détruire. Homère, 800 ans avant J.C, raconte dans «L'Iliadeet L'Odyssée» la guerre de Troie que l'enlèvement d'Hélène par Pâris a déclenchée. Entre les guerres médiques qui opposent les Perses aux Grecs, la guerre du Péloponnèse que rapporte Thucydide en 431 avant J.C entre Sparte et Athènes qui dure près d'une trentaine d'années et les guerres puniques que Rome livre à Carthage pendant un siècle, la loi du monde semble être, plutôt, le polemos. «La guerre est le père de tout, et le roi de tout (...)», disait Héraclite dans ses Fragments. L'histoire est, en effet, faite de guerres et de conquêtes qui ont détruit des peuples et des nations et en ont créé d'autres. La «nation» américaine elle-même est le produit de la guerre au XVIIIème siècle et de l'extermination des Indiens au XVIème siècle. Les Etats-Unis d'Amérique ne se sont, pratiquement, jamais donné le temps de la paix après celui de la guerre, selon la parole de l'Ecclésiaste. Depuis qu'ils sont nés, les Etats-Unis ont fait la guerre aux autres peuples. Par exemple, à Tripoli pour ne plus payer le droit de passage de leurs navires et au Mexique pour s'accaparer de larges territoires comme la Californie ou l'Arizona devenus des Etats de l'Union. Les interventions militaires de l'Amérique à l'extérieur de son territoire sont tellement nombreuses que l'on peut penser qu'elle ignore le langage de la paix. Le prix Nobel que Barack Obama vient de recevoir moins d'un an après être devenu «le maître du monde» après Dieu et à quelques heures seulement de la tenue de son cinquième «Conseil de guerre» sur l'Afghanistan n'est pas plus fondé en raisons que ceux octroyés à ses prédécesseurs Theodore Roosevelt et Thomas Woodrow Wilson. L'un, non seulement soutient la rébellion du Panama pour creuser le canal du même nom mais défend la théorie de la guerre préventive pour préserver les intérêts des Etats-Unis dans le monde. L'autre, considéré comme un idéaliste pour avoir été un partisan du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et de la paix n'a pas hésité à recourir à l'intervention militaire dans de nombreux pays notamment chez son voisin mexicain et a menacé d'utiliser la force pour imposer le modèle américain. Le prix Nobel de la paix qu'Henry Kissinger obtient en 1973 pour la signature des «accords de Paris» qui organisent le retrait de l'armée américaine du Vietnam, est tout aussi déconcertant que Le Duc Tho, le négociateur vietnamien également nobélisé, le décline parce que les accords américano-vietnamiens n'avaient pas ramené la paix. La guerre se poursuivait, en effet, dans cette région du monde que les B52 américains n'avaient cessé de bombarder, larguant des tonnes de bombes sur les villes et les villages du Vietnam, jusqu'à l'offensive du mois d'avril 1975 qui aboutit à la libération de Saïgon. Henry Kissinger, prix Nobel de la paix, quitte, d'ailleurs, très rarement les Etats-Unis de crainte d'être arrêté et poursuivi pour crimes de guerre. C'est comme prix Nobel de la paix que le président Obama va, sans doute, renforcer le dispositif militaire américain en Afghanistan par l'envoi de dizaine de milliers de soldats supplémentaires et vraisemblablement intensifier la guerre dans ce pays déjà meurtri par l'invasion étrangère. Le président américain n'exclut pas, non plus, d'intervenir militairement en Iran qu'il menace de ses foudres si ce pays ne se conformait pas aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui recommandent à Téhéran d'abandonner son programme nucléaire alors qu'Israël qui envisage sérieusement de frapper les installations iraniennes dispose déjà de la bombe sans que Washington, Londres, Berlin ou Paris ne s'en préoccupent. Les pays qui ne parlent que de destruction mutuelle assurée (DMA) autrement dit «équilibre de la terreur» et qui continuent de développer des stocks impressionnants d'armes capables d'anéantir plusieurs fois la terre, s'érigent en gardiens de la morale et la sécurité internationales. Le prix Nobel de la paix décerné à Barack Obama n'augure pas la démilitarisation ou la résolution des conflits par des moyens pacifiques mais un encouragement à la formation d'une «gendarmerie mondiale» qui frappe au nom de la paix comme Végèce le préconisait. *Analyste politique