Il y a un mois, les cadres syndicaux UGTA de la zone industrielle de Rouiba ont organisé un rassemblement devant le siège de l'union locale pour dénoncer les décisions annoncées à l'issue de la tripartite de début décembre 2009 et ont du même coup fait savoir qu'ils désapprouvent la position de leur centrale qui a consisté à entériner ces décisions. La fronde contre ces mêmes décisions et la centrale UGTA s'est à nouveau exprimée dans cette zone sensible, avec pour acteurs les cinq mille travailleurs du complexe véhicules de la SNVI. Ils ont déclenché, dimanche, une grève spontanée qui a paralysé l'immense complexe. Leurs revendications se résument à deux points: rejet catégorique des accords passés entre l'UGTA et le gouvernement lors de la dernière réunion tripartite et exigence du maintien de l'actuel système de départ à la retraite. Ce pourquoi leur mouvement n'est pas banal en ce temps où la contestation sociale fuse un peu partout, c'est qu'il s'est produit dans une entreprise censée être syndicalement dans l'orbe de l'UGTA, et en dehors du canal sur place de celle-ci. C'est là le signe que l'organisation que préside Sidi Saïd est en train de perdre pied dans une zone où elle a régné sans partage syndicalement et dont elle puisait une bonne part de sa légitimité en terme de représentation du monde du travail. Parce que venu de Rouiba et spécialement du complexe SNVI qui est en effectifs de travailleurs le plus important pourvoyeur local d'affiliés à l'UGTA, le coup de semonce est rude pour la centrale de la place du 1er Mai. Il est en effet la démonstration que la désaffection dont elle fait l'objet de la part des salariés s'exprime et se manifeste même dans ses fiefs traditionnels réputés pour lui être inconditionnellement fidèles. La fronde anti-UGTA qui s'exprime à Rouiba n'est pas à prendre à la légère par Sidi Saïd, d'autant que sa centrale vient de sortir d'une cuisante déconvenue que lui ont infligée ses affiliés syndicaux dans le secteur de l'Education nationale, en prenant fait et cause pour la grève générale organisée récemment par les syndicats autonomes et dont elle s'était démarquée. La nouveauté à la base syndicale de l'UGTA est que ses adhérents font fi de sa discipline organique et passent outre ses orientations et instructions. Preuve s'il en est qu'ils ne se reconnaissent plus dans une organisation qu'ils accusent ouvertement «de livrer les travailleurs à l'injustice et à l'exploitation en cédant sur leurs droits». A Rouiba, dans ce qui est censé être toujours une citadelle syndicale de l'UGTA, Sidi Saïd réussira-t-il à enrayer le mouvement de désagrégation qui affecte son organisation ? Rien n'est moins sûr, car le ras-le-bol qui agite cette zone industrielle a pour cause des raisons dont la centrale et son secrétaire général sont en partie responsables pour avoir opté pour le soutien inconditionnel à la politique économique et sociale gouvernementale. Or la «protesta», dont les travailleurs du complexe SNVI ne sont que les premiers protagonistes, est adossée sur une radicalité des revendications qui ne permet aucun faux-fuyant au patron de la centrale UGTA. Il pourrait à la limite la calmer momentanément en promettant de faire valoir celles-ci auprès de «qui de droit». Mais la supercherie de l'échappatoire fera vite long feu, car «qui de droit» n'est pas disposé à revenir sur les décisions arrêtées pour sauver la mise à l'UGTA.