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Arabité et identité: réponse à Djamel Labidi
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 07 - 01 - 2010

Dans son édition du 2 janvier 2010, Le Quotidien d'Oran a publié une opinion virulente de Djamel Labidi suite à une chronique de Kamel Daoud où ce dernier remettait en cause l'arabité de l'Algérien.
Dans ce qui a été appelé la troisième mi-temps du match Algérie-Egypte, il y a eu, il est vrai, des dérives verbales de beaucoup de journalistes, mais il ne faut pas les prendre au premier degré.
Ce qui a déchaîné la passion de ces derniers, francophones et arabophones, ce sont les insultes des TV égyptiennes à l'endroit des martyrs de la guerre de libération. Exprimant une conviction partagée par toute la jeunesse, les journalistes considèrent le respect pour les martyrs comme la valeur suprême, comme la norme fondatrice de l'Algérie nouvelle qui donne sens au destin commun des Algériens. D.Labidi n'a pas vu cet aspect dans la colère de Kamel Daoud qui, après tout, a écrit une chronique, un « billet » d'humeur et non une réflexion sociologique sur l'arabité. K. Daoud est apprécié par les lecteurs du Quotidien d'Oran pour ses propos iconoclastes qui tournent en dérision l'Algérien, la société et le régime dans un souffle d'autocritique rafraîchissante et salvatrice. « Quand j'achète Le Quotidien d'Oran, m'avait dit un ami récemment, c'est cinq dinars pour le journal et cinq dinars pour Kamel Daoud ». La société a besoin de la critique et de l'autocritique, sinon elle se sclérose. Si l'on venait à multiplier les tabous, aucune discussion et aucun journalisme ne seraient possibles. Ce qui a fait effondrer l'Union Soviétique, ce sont les commissaires politiques du Politbureau qui, en gardiens du temple, n'admettaient aucune critique. L'Union Soviétique était le type même de société construite sur les tabous. Le seul tabou que nous devrions avoir est le respect de la vie humaine : Dieu seul donne la vie et Lui seul la reprend. Le reste, ce sont des constructions historico-culturelles sujettes à des transformations et des évolutions. Et, précisément, sous la plume de D. Labidi, l'arabité et la langue arabe apparaissent comme des tabous au-dessus de l'histoire des Algériens. Ce n'est pas mon avis.
L'arabité des Algériens est une construction algérienne
En 2010, il ne suffit pas d'affirmer que l'Algérie est arabe ; il faut montrer que ce sont les Algériens qui ont construit leur arabité avec le fond berbère, la langue arabe et l'islam. Que ce processus se soit déroulé dans la fausse conscience n'est pas important parce que le destin des hommes est de faire l'histoire avec des idéologies et la fausse conscience. L'essentiel est de montrer que l'Algérien a été acteur de son histoire, c'est lui qui la produit tout en créant une culture qui donne sens à son existence. Dans cette perspective, l'arabité de l'Algérie n'est pas un produit importé ni une culture imposée par une domination politique. Les Maghrébins ont participé de manière active à la civilisation arabo-islamique en fournissant des penseurs, des théologiens, des mystiques, des hommes de lettres et des guerriers. L'arabité des Algériens n'est pas subie ; elle est construite par eux avec leurs pratiques sociales, leur éthos et leur psychologie collective. Ce fondement historique de l'arabité autorise que nous la discutions, la questionnons pour l'enrichir et la dépasser. Il s'agit surtout de prendre conscience que l'identité collective est souvent le résultat d'un accident historique. J'évoquerais deux anecdotes à portée anthropologique pour éclairer le caractère historique de l'identité. Un jour, un collègue à moi, professeur de science politique à l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon, m'a posé la question suivante :
-Lahouari, pourquoi vous avez accepté les Arabes et vous avez refusé les Français ?
-Parce que les Arabes, j'ai répondu, en venant en Afrique du Nord, ne se sont pas appropriés les terres des autochtones ; ils ne les ont pas exclus de l'exercice du pouvoir politique ; ils n'ont pas établi une inégalité de race et surtout ils ont accepté de se fondre dans la population locale. Ce qui n'était pas le cas des Français qui avaient créé une société inégalitaire qui n'avait aucun avenir dans le long terme.
-Ce sont donc les colons, me dit-il, qui ont empêché que l'Algérie devienne en partie française ?
-Je te laisse la responsabilité de la conclusion, j'ai répondu.
Il faut ajouter que la revendication de l'arabité par les Algériens sous la colonisation est un effet dialectique de la domination coloniale. A force d'écrire et de répéter que les Algériens sont des primitifs et que leur société est archaïque, ces derniers ont mis en avant leur arabité pour dire qu'ils appartiennent à une riche civilisation.
L'autre anecdote, je l'ai vécue en été 1974, dans la wilaya de Mascara, où j'étais parti comme étudiant volontaire pour expliquer les textes de la Révolution agraire aux paysans. Lors d'une assemblée avec ces derniers, l'un d'eux posa la question suivante :
-Loukane el ‘akria [les paysans de l'Oranie appelaient la France el ‘akria en référence à la couleur kaki de l'armée française] avait marié ses filles à vos parents, est-ce que vous auriez pris les armes pour chasser vos oncles maternels ?
J'étais resté perplexe en entendant la question qui expliquait le caractère éphémère de la colonisation française en Algérie. Ce paysan de la région de Mascara, tout analphabète qu'il était, avait montré plus d'intelligence en matière de contact d'un peuple avec un autre que Robert Montagne, professeur au Collège de France, anthropologue de la conquête française au Maroc. Ces deux anecdotes sont instructives au sujet des processus identitaires et montrent que l'identité n'est pas une essence ou une substance anhistorique ; c'est une construction des acteurs eux-mêmes. Tout comme il y a un islam berbère caractérisé par les confréries et le soufisme, il y a une arabité maghrébine différente de celle du Machrek. C'est ce qui fait que le Maghrébin est différent de l'Egyptien ou de l'Irakien, et que la langue parlée aussi y est différente.
La question de la langue
D. Labidi soulève le problème de la langue classique avec la même démarche qui réifie la catégorie d'arabité vidée de son contenu historique. C'est ainsi qu'il vénère l'arabe classique - parlée nulle part dans le monde arabe qu'il le veuille ou non - tout en méprisant l'arabe parlé sur lequel il a des préjugés inacceptables de la part d'un sociologue, surtout de sensibilité de gauche. La langue parlée est celle du peuple, celle de la vie quotidienne de Mdine Jdida et Bab el Oued, celle avec laquelle il exprime ses joies et ses souffrances. Le mépris élitiste (el khassa) pour cette langue du peuple (el ‘amma) ne sied pas D. Labidi, ancien dirigeant de l'UNEA pour qui, comme étudiants, nous faisions grève pour le faire libérer des prisons de Boumediene. Avec d'autres, il fait croire que le dialectal est apparu à la suite de la domination européenne qui aurait appauvri culturellement la société. Pourtant le chi'r el melhoune (poésie orale) au Maghreb, qui s'exprime en darija, date au moins du 16èm siècle comme l'attestent les poèmes de Sidi Lakhdar Bekhlouf en Algérie et Sidi Abderahmane el Majdoub au Maroc. (Je renvoie aux travaux sur le turath de l'équipe de recherche du CRASC, Université d'Oran, menés par Ahmed Amine Dellai, Rahmouna Mehadji et Hadj Méliani, publiés dans Les Cahiers du CRASC n° 2 et 4, 2002, n° 10, 2005 et n° 15, 2006, consacrés à des auteurs du melhoun comme Sidi Lakhdar Benkhlouf, Abdelkader Khaldi, Mestfa Ben Brahim et d'autres encore. Outre les qualités littéraires des documents exploités (poèmes, contes, récits…), ce travail montre que l'arabe dialectal est antérieur à la colonisation, remettant en cause le mythe selon lequel il est une forme dégradée de l'arabe classique apparue au XIXème siècle). Le mépris pour cette langue permet à D. Labidi d'éviter le problème de la profonde diglossie dans les pays arabes : la langue écrite n'est pas parlée et la langue parlée n'est pas écrite. Tout le monde reconnaît que cette diglossie est le principal problème culturel des pays arabes. Et ce n'est pas en encensant la langue écrite et en méprisant la langue parlée que la question sera réglée. Cette question a été débattue dès la fin du XIXe siècle en Egypte et jusqu'aux années 1930, à une époque où ce pays avait des intellectuels dignes de ce nom. Lotfi Sayyid avait préconisé la voie nationale, c'est-à-dire la promotion de l'arabe égyptien en créant des mots nouveaux et en faisant des emprunts aux langues étrangères, après avoir formalisé la grammaire. Taha Hussein s'était opposé à cette perspective, craignant que l'Egypte ne se coupe du riche patrimoine de la civilisation arabo-islamique véhiculée par la langue classique. Il a alors proposé de rénover celle-ci, de la simplifier pour en faire un outil de la modernité et de la vie quotidienne. S'appuyant sur le travail qu'avaient déjà fourni les journalistes Syro-libanais qui avaient créé Al Ahram, il a appelé à la généralisation d'un enseignement moderne qui, à terme, aurait fait disparaître la diglossie.
C'est cette solution de Taha Hussein qui a été retenue par les mouvements nationalistes au Machrek et au Maghreb, rejetant la proposition de Lotfi Sayyid qui compromettait, pensait-on, l'unité future du monde arabe.
La langue arabe utilisée dans l'enseignement et par la presse est une langue moderne, capable de véhiculer les sciences les plus abstraites, mais elle a été desservie par les politiques culturelles des régimes arabes qui ne lui ont pas permis de véhiculer un savoir moderne, faute de traduction des grands penseurs de la modernité. Comptant 12 millions d'habitants, la Grèce traduit plus que le monde arabe qui en compte trois cents millions ! Kamel Daoud, que D. Labidi traite d'aliéné et d'auto-raciste, est né après l'indépendance et est le produit de l'école algérienne. Il faut s'en prendre à l'école et au bilan du régime du parti unique pour avoir dévalorisé la langue arabe auprès des jeunes. Déjà en 1970, Jacques Berque constatait que la manière avec laquelle l'Algérie menait l'arabisation survalorise la francité. La question de la langue arabe est celle du contenu qu'elle véhicule et qu'elle exprime. Djamel Labidi cite la France qui avait créé les Ecoles Normales pour former des instituteurs dont la mission était de « normaliser » la pratique linguistique des jeunes écoliers Français élevés dans différentes langues régionales. C'est juste, mais il oublie l'essentiel : dans les Ecoles Normales françaises, ce n'était pas Saint Augustin et Saint Thomas d'Aquin qui étaient enseignés, mais plutôt Descartes, Montesquieu, Rousseau… Ce qui a porté atteinte à la langue arabe, c'est le contenu qu'elle véhicule. La langue arabe, par sa beauté, est un patrimoine de l'humanité et les Algériens y sont attachés. Ils seront encore plus attachés à elle lorsqu'elle offrira à la jeunesse étudiante la pensée de Hobbes, Kant, Foucault, Geert… Les Algériens font partie de l'Humanité et leur élite a besoin de débattre des idées des plus grands penseurs de la modernité. Avec la langue arabe seule, ce n'est pas possible de mener une telle réflexion. A qui la faute ? A Kamel Daoud ? Non, la faute incombe au système du parti unique dont les effets néfastes se feront encore sentir pendant plusieurs années. La conclusion qui s'impose est que Kamel Daoud est attaché à son peuple et Djamel Labidi est encore sous le charme de catégories réifiées du discours nationaliste de la période coloniale.


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