Journée nationale de la Commune    Derbal pose le bilan 2024 et poste les grandes attentes de l'année 2025    Des clusters pour répondre aux besoins du marché national    Le soutien à la femme rurale au centre des priorités    Le décryptage… (Partie 1)    Trump commencera à expulser les migrants des Etats-Unis après son investiture    Le Président sud-coréen a décidé de participer aux sessions de la Cour constitutionnelle    JSK : Mehdi Boudjemaâ signe pour deux ans et demi    Trois défaites, une élimination et des questions    MC Saïda : Omar Belkhira rejoint le club égyptien «Ceramica Cleopatra»    Une bande de cambrioleurs neutralisée    La sécurité routière en période d'intempéries    Des centaines de familles coincées sur les routes de montagne ont été secourues par la Gendarmerie nationale    Comment faire pour lire plus de livres ?    Le Caftan coLe Caftan constantinoisnstantinois    Le Président Tebboune assure les cinéastes de son soutien    Le président de l'ONSC reçoit l'écrivaine française Isabelle Vahé    L'Armée sahraouie cible des bases des forces d'occupation marocaines dans le secteur de Farsia    Conseil de la nation : poursuite des réunions du groupe de travail chargé de l'examen des deux avant-projets de loi relatifs aux partis et aux associations    Assises nationales sur le cinéma : le président de la République souligne la nécessité de sortir avec des recommandations permettant au cinéma algérien de retrouver son lustre d'antan    Jijel : Algerian Qatari Steel a exporté 700.000 tonnes de produits sidérurgiques en 2024    Mohamed Meridja distingué par l'Union africaine pour son engagement indéfectible envers le judo    Sonatrach prend part au Sommet économique et énergétique de la Libye    Assises nationales sur le cinéma : M. Ballalou met en avant le rôle de l'Etat dans la promotion du paysage culturel    Oran : réception de la station de traitement des eaux usées d'Aïn El-Bia au second semestre 2025    Réhabilitation et extension du Barrage vert : des progrès satisfaisants concrétisés depuis la relance du projet    Conservation des forêts d'Oran : recensement des oiseaux migrateurs aquatiques dans huit zones humides    La 5e édition du "Ramadhan au Palais" du 4 au 26 mars au Palais des expositions    Sport scolaire: création de dix ligues de wilayas dans le sud du pays    Le président de la République préside la cérémonie d'ouverture des travaux des assises nationales sur le cinéma    Guterres demande le retrait de l'armée sioniste du Liban "dans le délai convenu"    Ghaza: 9 martyrs et plusieurs blessés dans des bombardements de l'armée sioniste    Pétanque/concours national: la triplette de Tlemcen sacrée à El Oued    Caravane de formation sur les opportunités d'investissement et d'entrepreneuriat au profit des jeunes    Journée nationale de la commune: un nouveau système de gestion des collectivités locales en 2025    Le ministre présente ses condoléances suite au décès du Moudjahid Mohamed Hadj Hamou,        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Camus, une perte algérienne
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 07 - 01 - 2010

Il y a quelques semaines, réalisant une enquête sur Camus et les écrivains algériens contemporains, j'ai entendu l'un d'eux me faire remarquer que «l'Algérie avait perdu Camus» (*). A ce moment-là, j'ai été tenté de lui faire remarquer que c'était plutôt l'inverse. Comme le souligne l'historien Benjamin Stora, il est très vraisemblable que l'auteur de «L'Etranger» a basculé dans le camp de l'Algérie française après la bataille d'Alger, abandonnant de lui-même son engagement pour une troisième voie que la presque totalité des nationalistes algériens de l'époque avaient fini par juger irréaliste (**). Qu'on le veuille ou non, Camus fait partie de ceux qui ont perdu l'Algérie parce que justement il ne pouvait se résoudre à la voir devenir indépendante ou, du moins, séparée de la France.
Certes, on ne peut réécrire l'histoire ni l'inventer. Il est impossible d'imaginer ce qu'auraient été les relations d'Albert Camus avec l'Algérie indépendante s'il n'était pas mort sur une route de France le 4 janvier 1960. Se serait-il «réconcilié» avec les Algériens, notamment les intellectuels qui le critiquaient avec férocité ? Aurait-il décidé de vivre en Algérie, lui, «l'Algérien», que le petit milieu littéraire parisien n'a jamais accepté parce qu'il était né pauvre et de l'autre côté de la Méditerranée ? Et d'abord, comment aurait-il vécu l'indépendance ? La folie meurtrière de l'OAS et le départ massif des pieds-noirs ? J'ai lu nombre d'essais sur cet écrivain mais je n'ai pas trouvé d'interrogations de ce genre. Peut-être sont-elles inutiles, peut-être sont-elles futiles. Il n'empêche, cette mort accidentelle quelques mois avant le cessez-le-feu et l'indépendance de l'Algérie me semble constituer une trame symbolique qui mériterait d'être explorée.
Mais revenons à cette affirmation : l'Algérie aurait perdu Camus. Effectivement, à l'indépendance, les choses étaient claires : «Camus restera toujours un étranger pour nous», avait déclaré un haut responsable de l'époque. Terminé, baissez le rideau, il n'y avait plus rien à dire, à moins de provoquer le soupçon des gardiens de la révolution. Oui, mais voilà, comment expliquer ce retour en force, cette passion «camusienne» qui saute aux yeux dès lors que l'on rentre dans une librairie d'Alger ? Et je ne parle pas du nombre impressionnant de colloques et de travaux de recherche autour de l'oeuvre de cet écrivain. N'est-ce pas là une démarche de réappropriation ? Si c'est le cas, il faut convenir que l'on ne cherche à se réapproprier que ce que l'on a perdu. Je note au passage que c'est peut-être en Algérie où l'on a le plus parlé de Camus ces dernières années et où l'on n'a pas attendu la date du 4 janvier pour se souvenir de lui...
Cela étant, la question qui consiste à se demander si Camus était Algérien est peut-être légitime — c'est elle qui passionne nombre de chercheurs et d'écrivains — mais il est possible qu'elle nous entraîne sur de fausses pistes. Et je ne sais même pas s'il est possible d'y répondre de manière définitive. Il est évident qu'il sera difficile de réconcilier les deux camps : ceux qui, comme jadis Kateb Yacine, lui reprochent d'avoir nié dans ses écrits littéraires les indigènes, et ceux qui retiennent à la fois sa fidélité à sa terre natale, ses engagements intellectuels et la force de ses écrits.
Ce qui m'importe, ce n'est pas de savoir si Camus doit être considéré comme algérien ou non. Tôt ou tard, il y aura une rue dans le pays qui finira par porter son nom, peut-être même un lycée, voire une bibliothèque ou un centre culturel. Il y aura certainement des protestations de la part de certains membres de la famille révolutionnaire héréditaire, mais cela se tassera. Les Algériens savent aujourd'hui qu'apprécier Camus et lui rendre hommage (sans verser dans l'hagiographie intéressée, comme le font certains écrivains algériens installés en France) ne signifie pas une adhésion au hizb França, ni une remise en cause de l'indépendance. Après tout, Camus n'était peut-être qu'un Algérien qui ne pensait pas comme nombre de ses compatriotes...
En réalité, la vraie question, c'est de savoir ce qu'il représentait et ce que, par conséquent, nous avons perdu avec sa disparition, mais aussi sa mise au ban. Et pour répondre à cette question, il faut s'attarder un peu sur le cheminement intellectuel de l'écrivain. Un cheminement fait d'engagements mais aussi de nuances, d'hésitations, de faux pas et de contradictions aussi. En somme, ce que nous avons perdu avec Camus, c'est le refus du manichéisme, le refus d'accepter les vérités assénées, les principes érigés en dogme, les certitudes humaines transformées en lois suprêmes.
C'est une banalité que de l'écrire mais l'Algérie indépendante aurait gagné à s'inspirer du mode de pensée de Camus. Et dans le rejet persistant vis-à-vis de lui réside, non pas la dénonciation de son ambiguïté par rapport à l'ordre colonial, mais plutôt le refus d'un mode de raisonnement plus ouvert, moins dogmatique, moins définitif.
A bien des égards, s'interroger aujourd'hui à propos de Camus et des Algériens permet de se rendre compte que, finalement, les choses n'ont guère changé. L'unanimisme officiel ne supporte ni réserve ni critique et le questionnement personnel, la nuance dans le propos et l'introspection systématique sont assimilés à de la faiblesse, ou pire, à de la trahison. En fait, nous avons perdu Camus parce qu'il nous est encore interdit de réfléchir comme lui.
(*) Le temps de l'apaisement.
(**) L'emblème d'une Algérie plurielle. Entretien avec Benjamin Stora.
Ces deux articles ont été publiés dans Télérama, hors-série : Camus, le dernier des justes, décembre 2009.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.