Sur le papier, la réponse est négative : pas de lot de terrain industriel. Vu d'avion, cela ne manque pas d'espace où des projets industriels peuvent voir le jour. Une note de conjoncture de l'Agence nationale d'intermédiation et de régulation foncière (ANIREF) lève un peu plus le voile sur le mystère du manque de lots de terrain à usage industriel à travers le pays. En réalité, les disponibilités de lots de terrain à usage industriel sont très importantes dans beaucoup de régions du pays, à l'est comme à l'ouest et au sud, même au centre, en dépit des rapports alarmistes faisant état d'une grave carence en foncier industriel. C'est en somme le constat étonnant établi par une étude assez exhaustive de l'ANIREF, qui dépend du département de M. Abdelhamid Temmar. Le constat de l'ANIREF, qui s'est basée sur l'étude des disponibilités foncières de chaque wilaya par rapport à la création d'entreprises, ainsi que les intentions d'investissements, fait ressortir un important portefeuille foncier pouvant être mis en place pour encourager les investissements nationaux ou d'opérateurs étrangers. C'est en réalité un nouveau contexte juridique mis en place par le gouvernement en 2008, qui permet dorénavant de jouer sur la disponibilité du foncier économique. Il s'agit d'abord d'un nouveau régime de la concession foncière qui constitue, désormais, la règle en matière d'accès au foncier économique relevant du domaine privé de l'Etat, et la mise en place du mode des enchères publiques de mise en marché des concessions. A partir de ce moment, les choses deviennent plus claires: la disponibilité est là, alors que jusqu'à présent, c'est pratiquement la 'croix et la bannière» pour trouver un terrain d'assiette dans une zone industrielle ou d'activités pour installer son usine. Selon une note de conjoncture de l'ANIREF effectuée durant l'été 2009, certes, il y a une répartition inégale des disponibilités, mais celles-ci existent bel et bien. Ainsi, la région ouest concentre à elle seule 45% des superficies, dont Oran (18%), Tlemcen (11%) ou Tiaret (15 %). Dans le centre, si la situation à Alger est particulière, avec une quasi raréfaction du foncier économique, les disponibilités sont pourtant évaluées à 24 % dont 21 % pour la wilaya de Blida. Alors qu'à l'est du pays le portefeuille foncier affecté à l'investissement industriel est évalué à 28 %, dont 10 % à Constantine et 9% à Annaba. Globalement, le portefeuille foncier national recensé à travers les zones industrielles est estimé par l'ANIREF à 9.310 hectares répartis en 6.104 lots dont 4.521 lots ont été attribués, et un excédent donc de 1.098 lots non attribués au niveau des zones industrielles. Même constat au niveau des zones d'activités avec 7.351 lots vacants sur 26.319 lots, alors que la superficie totale est de 640 hectares. «L'importance des lots non attribués (18% dans les zones industrielles et 28% dans les zones d'activités) met en évidence un stock de disponibilités appréciable», estime l'ANIREF à travers sa note de conjoncture, qui relève que «s'agissant des disponibilités du foncier relevant du domaine privé de l'Etat destinées à la réalisation des projets d'investissement, confiées en gestion à l'ANIREF, elles se composent des actifs résiduels, des actifs excédentaires des entreprises publiques et des lots disponibles dans les zones industrielles». Et, ces disponibilités de lots de terrain devant servir d'assiette à des projets d'investissements dans le secteur industriel sont ainsi 'assimilés dans le nouveau dispositif législatif et réglementaire à des actifs excédentaires», estime encore l'agence. L'ANIREF «tord ainsi le cou» à beaucoup de préjugés construits depuis les années 1990 selon lesquels le foncier industriel a été pratiquement bradé, liquidé, et que les futurs projets d'investissements industriels auront bien du mal à trouver des terrains d'assiette. Ainsi, le nombre de lots de terrain disponibles dans les zones industrielles est de 277 totalisant près de 1.675.633 m². Par régions, les disparités en matière de disponibilité de lots de terrain dans les zones industrielles sont assez éparses, mais offrent quand même une grande élasticité en corrélation avec le nombre de création de projets entre 2002 et 2008 (6.873 dont 384 créés par des étrangers). Au centre, et à l'exception des wilayas de Tizi Ouzou et de Médéa, la région présente des équilibres précaires ou des déficits. La wilaya d'Alger constitue un cas atypique, avec une quasi absence de disponibilités et une demande potentielle très élevée. A l'Est, poursuit la note de conjoncture de l'ANIREF, la région présente une situation nuancée avec de faibles disponibilités dans les wilayas de Bordj Bou-Arréridj, Jijel et Guelma et des disponibilités élevées dans d'autres. La région se caractérise aussi par une faible dynamique de création d'entreprise, à l'exception des wilayas de Sétif et d'Annaba. A l'Ouest, et hormis Mostaganem, les disponibilités du foncier sont supérieures à la demande potentielle. Les wilayas d'Oran et Tlemcen présentent de légers excédents, constituant un équilibre précaire. Selon l'agence, «les autres régions du Sud et des Hauts Plateaux se caractérisent par une très faible dynamique de création d'entreprises. La disponibilité du foncier économique n'est pas problématique dans ces régions.» Et, cerise sur le gâteau, l'ANIREF a réussi à établir les premiers grands éléments d'une future mercuriale des prix du foncier industriel. L'enquête de l'ANIREF pour établir une sorte de barème des prix des terrains à usage industriel, a été faite sur la base de l'étude de 1.064 transactions, mais seules 813 transactions ont été retenues. Ainsi, la fourchette des prix des terrains à usage industriel varie de 4.000 dinars par mètre carré à plus de 25.000 dinars. Et, ce qui étonne comparativement au dynamisme économique des régions, c'est que par exemple dans la wilaya de Sétif le prix de cession est en moyenne de moins de 4.000 dinars, alors qu'il flambe à Béjaïa (entre 10.000 et 15.000 DA), Blida (5.000 à 10.000) ou Tipaza, alors qu'à Alger les niveaux sont de plus de 20.000 dinars par mètre carré. Pour autant, le marché du foncier industriel reste important, et l'ANIREF, pour mieux gérer ce portefeuille, suggère la mise en place d'un système de vente par enchères publiques des terrains faisant partie du domaine économique de l'Etat. Mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'ANIREF vient ainsi démontrer que les disponibilités en lots de terrain pour des investissements importants dans les différents secteurs industriels sont plus importantes que ce que les urbanistes et aménageurs pensaient. Certes, la proximité des grands centres urbains est un facteur crucial dans la mise en place d'un projet d'investissement, mais cela ne reste pas, selon cette étude de l'ANIREF, un facteur déterminant pour la création d'entreprises.