La photographie, grâce aux nouvelles technologies s'installe. Les expositions photo se bousculent. Depuis, la fin de la peinture à vocation représentative est annoncée par quelques «pressés». Mais l'histoire nous enseigne qu'aucun mode d'expression ne s'est développé sur le cadavre d'un autre. Les œuvres plastiques actuelles cherchent leur statut en faisant appel à la notion sémiologique de «message» et, dans certains cas, en faisant retour à la tradition des arts premiers, celle du signe. Chérif, cet autodidacte, se faufile là pour évacuer les questions embarrassantes et donner libre cours à son imagination et aux délires d'interprétation. Ses travaux projettent l'ombre d'une formidable énigme, plus qu'ils ne définissent un territoire ou un sens. Signes du passé qui feront son destin. Fils de l'indépendance, né à Mdina Jdida il y a 46 ans, en ville nouvelle, dans le village nègre d'Oran colonisée, c'est en 1994 qu'il marque ses premières lignes de fuite. Une incursion artistique au rotring d'abord, puis la gouache et de signes spontanés, naissent des formes. En 1998, il a déjà réalisé plus de cent toiles hésitations première exposition qui a duré deux mois au Palais de la culture et première vente. C'est la galerie Alpha qui décide de faire sa promotion. Deux de ses œuvres ont été acquises par l'attaché culturel de l'ambassade d'Italie. Bon signe. Le mot signe viendrait de «signum» qui désignerait primitivement une marque faite par incision sur un objet ou un corps : un signe particulier sur la peau qui distingue un homme. Ne sommes-nous pas là, dans louchem ? Oui, c'est louchem revitalisé, répondra-t-il, le «néo-louchem». Mais que vient faire Chérif Belzina, ce technicien supérieur en hygiène, cet inspecteur sanitaire à l'APC de Gdyel, dans la cour bien gardée des « beauzaristes qui n'ont pas hésité d'encourager et d'adopter » cet intrus autodidacte ? Quels besoins a poussé Chérif à se diriger vers la texture et le grattage à la recherche d'une expression par le signe ? C'est sans doute son algérianité profonde qui a pris le dessus sur son cursus scolaire, l'installant au pied des reliefs sur toiles pour exprimer les signifiants latents d'une berbérité qu'il ne soupçonnait pas. Qu'il nous propose. C'est ainsi qu'en 2003, il est convié par le mouvement pictural « Tadiaret » pour participer à une exposition collective au Centre culturel français. Tadiaret, c'est le «beau» en tamazigh. Pour l'anecdote, la ministre de la Culture, au vu des toiles de Chérif, convaincue de ses origines kabyles, lui demandait de quelle région il était. «Vous êtes d'où ?» Très doux, le peintre lui répondait qu'il était oranais et de Mdina Jdida. Même qu'une ruelle de ce quartier porte le nom d'un de ses oncles tombé au champ d'honneur lors de la guerre de libération. C'est la rue Moulay Mohamed. Inépuisable, il enchaîne ainsi recherche sur recherche. Il tente de concilier travail et création. C'est son salaire qui alimente les «intrants» pour ses toiles et non ses toiles qui gonflent ses revenus. C'est dire que la peinture comme art de masse n'est pas pour demain. Il lui a fallu dix ans pour commencer à vendre. Découragé ? Plutôt boosté, Picasso le happe, voilà qu'il s'essaye à un cubisme algérianisé. Il participe avec 40 autres artistes à une journée «peinture en live». Ce n'est pas très évident d'improviser, en public. Il profite pour s'éclater et se démarquer par un travail qui a fait l'unanimité. On le retrouve aussi dans l'édition illustrant le roman de Madame Fatmi «mon enfance à Kristel». Touche-à-tout, il se met à la sculpture moderne utilisant des matériaux de récupération. Chérif Belzina est présent dans différents espaces. Une partie de ses toiles est exposée actuellement dans «l'Espace Lotus», un crochet par cette galerie risque de vous accrocher, n'hésitons pas, cela vaut le détour car le travail de Chérif ne se propose pas comme le croisement d'une proposition et d'un effet visuel, non, ses signes et toiles sont posés comme appartenant au domaine de l'émotion. A la nature et la nature est belle.