Les axes de progrès de demain sont ceux qu'on finance et développe le mieux aujourd'hui Tout le monde s'accorde à dire que la maîtrise de la technologie est un passage obligatoire pour acquérir une autosuffisance durable des biens communs et pour pouvoir s'affirmer sans compter sur une expertise extérieure. Les technologies numériques, énergétiques et environnementales constitueront des axes de recherche et de développement stratégiques pour les prochaines décennies. Les spécialistes prévoient que les ressources d'énergie, l'acquisition des connaissances et le changement climatique seront les trois grands défis de demain : les biens communs, qu'il faut considérer comme patrimoines communs, doivent être gouvernés avec rationalité, sans gaspillage pour éliminer les inégalités. Ces défis à relever sont accrus et se manifestent par la complexité et la maîtrise de ces technologies, par la sécurité et la prise en compte du risque, par l'adaptation de ces technologies à la production industrialisée et enfin par la pérennité des ressources consommées. En octobre 2009, la Commission européenne a présenté un plan de financement de la stratégie de développement des technologies énergétiques, un investissement de 50 mds que l'Europe veut réaliser dans la recherche et le développement entre 2010 et 2020 pour être à la hauteur de ses ambitions. Par rapport à ce qu'a mis la Corée du Sud et les Etats-Unis, l'Europe est très loin d'être leader dans ce domaine de la R&D (recherche et développement). L'acquisition des connaissances, un préalable et un impératif pour tout développement. L'acquisition des connaissances, à travers la révolution du numérique, est garantie par une matière grise citoyenne et locale avant tout, disponible, stable, chouchoutée et captivée par les acteurs nationaux. Il faut une attractivité positive du marché et du climat des affaires pour favoriser cette acquisition. Il y a deux façons d'acquérir les connaissances, soit par une production nationale de la matière grise, soit par l'importation d'une expertise étrangère. L'Algérie est dans une situation indécente : elle produit plus de matière grise qu'elle n'en consomme, et sans atteindre l'autosuffisance. Au moment où les acteurs nationaux, publics et privés, paient au prix fort pour l'acquisition des connaissances et le transfert technologique, en faisant intervenir des experts étrangers avec un coût entre 200 000 et 500 000 dinars par jour en fonction du niveau d'expertise stratégique, tactique et opérationnel, en même temps, des milliers de cadres et d'universitaires quittent le pays. Les coûts excessifs des prestations et l'hémorragie de la «fuite des cerveaux» sont dus aux raisons suivantes : l pas de stabilité des institutions et des lois, manque de transparence, de clarté et de démocratie dans les institutions de l'Etat, l démarche opportuniste et opaque des affaires malgré l'énorme « potentiel business » de l'Algérie,l le manque de visibilité et de stratégie de développement favorise des partenariats Nord-Sud dépourvus de tout investissement durable et de tout transfert technologique: des investissements sans croissance et sans intelligence,l une prise en compte excessive du facteur risque : de 2 à 5 fois les prix standard,l une corruption qui s'additionne au coût déjà surfacturé,l des salaires les plus bas au Maghreb et paradoxalement avec le PIB le plus élevé en Afrique: ce fossé entre la richesse et le pouvoir d'achat s'explique par une corruption et un gaspillage ostentatoire,l le pire n'est pas uniquement le coût des prestations, mais aussi la qualité, la disponibilité et la continuité du service après vente (SAV): la dégradation du climat des affaires et/ou le manque de proximité et de règlementation du marché de l'offshoring fait que les prestataires n'assurent pas le SAV, et dans certains cas ce dernier est surfacturé. La situation de notre matière grise n'est pas grave, elle est suicidaire : le Canada, les USA et autres pays européens pleurent le manque de jeunesse et de main-d'œuvre; ils ont mis en place une armada de moyens et d'attractivités leur permettant de faire venir du Sud cette jeunesse à fleur d'âge, ayant soif de liberté et de démocratie et surtout faim de travail, de dignité et de respect. Si des chômeurs, des cadres et des universitaires quittent l'Algérie et partent, c'est une fuite des cerveaux, c'est conjoncturel et c'est dommage ; mais si le système continue à nier et à déformer la détresse de cette Algérie en quête de progrès économique et social, c'est le déclin sûr et la disparition de toute une nation multiculturelle et millénaire. La dernière sonnette d'alarme tirée par le FCE (Forum des chefs d'entreprise), montre, d'une part, un sponsor en détresse face à l'absence de dynamiques et de perspectives, et d'autre part, une société en ébullition entre immobilisme politique et glaciation économique. M. Abdelkader Boumessila (consultant, ancien P-DG de l'entreprise portuaire de Béjaïa et actuellement secrétaire général du groupe Cévital), une des voies expertes et lucides, est bien placé pour parler de compétitivité des entreprises portuaires algériennes: lors d'un petit-déjeuner-débat sous le thème «Quelles perspectives pour le système portuaire algérien?», organisé par le Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (CARE), M.A. Boumessila estime que, je cite: « Si notre système a évolué de manière très marginale par rapport aux changements intervenus au cours de ces vingt dernières années dans le monde des transports maritimes en général, il a accumulé fatalement d'importants retards à tous les niveaux ». Continuer à accumuler de tels retards, c'est croire que rien n'a changé sauf l'environnement autour ! La compétitivité, c'est la capacité de faire mieux, sinon au pire de faire comme les concurrents. Pour les entreprises de la rive sud de la Méditerranée, en général, il ne s'agit pas d'innover mais d'appliquer une démarche de « benchmarking » pour l'acquisition des connaissances et des savoir-faire : étudier et analyser les pratiques de gestion, les modes d'organisation des autres entreprises de la rive nord, et aussi des voisins (Maroc, Tunisie ) afin de s'en inspirer pour faire évoluer les pratiques internes à leur meilleur niveau. Deux cas d'école du défi « acquisition des connaissances » méritent d'être cités : il y a quelques décennies, on parlait du « Made in China » pour qualifier un produit de « pas cher » et de « bas de gamme »; il y a plus d'une décennie, on qualifiait la Chine d' « usine du monde » et de « photocopieur de marques »; il y a quelques mois, j'ai qualifié la Chine de « caméléon de la mondialisation »; aujourd'hui, je qualifie ce progrès technologique, et je pèse mes mots, de « réalisme chinois »: l décembre 2005 : signature d'un contrat pour la construction d'une usine d'assemblage d'Airbus en Chine avec un transfert de technologie, l septembre 2008 : Airbus inaugure son usine dans le nord de la Chine, l juin 2009 : le premier «Airbus chinois» entre en service chez Sichuan Airlines. La Chine et le Brésil ont la même stratégie d'acquisition des connaissances : à travers leur contrat avec Airbus et EADS, ils n'ont pas acheté des Airbus et des Rafale (en cours de négociation pour le Rafale avec la France), ils ont acheté des parts de marchés et un transfert technologique. Depuis le début des années 90, la Chine a incité ses entreprises à adopter les normes internationales et les référentiels de bonne gouvernance en matière de qualité et d'environnement: en 1995, environ 500 entreprises chinoises ont obtenu la certification ISO 9000 (Norme ISO « Systèmes de management de la qualité ») contre 52 595 certifications au Royaume-Uni; ce nombre passe à 57 783 nouvelles entreprises certifiées ISO 9000 durant l'année 2001, contre 12 en l'Algérie, 66 760 au Royaume-Uni et 20 919 en France (source www.ISO.org). Ces milliers de petites révolutions chinoises ont fait de la Chine le n° 1 en nombre de certifications ISO 9000 depuis 2002, le premier exportateur mondial depuis janvier 2010 et elle pourrait bientôt devenir la première puissance économique mondiale. La Chine a bien converti son modeste PIB, qui est de 1 963 $ ($ US constant 2000) par habitant en 2008 (contre 2 191 $ pour l'Algérie), en pouvoir d'achat, en connaissances et en savoir-faire. La Chine d'aujourd'hui, à travers sa performance économique, les Jeux olympiques de Pékin d'août 2008 et de l'Exposition universelle de Shanghai 2010, a fait de ses citoyennes et citoyens un peuple heureux et fier. Si les derniers séismes ont fait bouger l'axe de rotation de la Terre de 8 centimètres, la croissance chinoise a fait pivoter le centre de l'économie mondiale de 180°. Un autre cas d'école : un géant par sa démocratie et un génie par sa matière grise, c'est l'inde, avec Microsoft qui confie la gestion de ses services IT (Information Technology) à une SSII (Société de services en ingénierie informatique) indienne « InfoSys » (source www.zdnet.fr du 14/04/2010). Cette confiance du géant américain et mondial du logiciel au savoir-faire indien, témoigne d'une maturité des savoir-faire et des compétences indiennes. Cette maturité est financée, planifiée, encouragée dès le début des années 90 par une volonté politique ambitieuse, et une mise en œuvre de profondes réformes dont l'Inde avait besoin. La monté en puissance de l'Inde dans le secteur du numérique lui a valu le surnom de « bureau du monde », et elle ambitionne d'être l'« hôpital du monde ». C'est l'Université qui doit fournir à la nation algérienne les grands noms de l'Histoire de demain. Tous les pays émergents, sans exception, ont mis entre 10 à 20 ans pour produire et former une génération de citoyens capables de s'approprier les normes internationales et les meilleures pratiques de bonne gouvernance dans une mondialisation en perpétuelle évolution. Une nouvelle génération chouchoutée et captivée par des réformes lancées dès le début du processus d'amélioration de leur économie. Il faut que les valeurs et concepts d'éthique, de rigueur, de compétence, de citoyenneté, de progrès, d'efficacité soient au cœur de toute action d'entreprendre. Cette action doit être initiée, couvée, incubée et accompagnée par les entités d'acquisition des connaissances (université, institut, couveuse, incubateur, ) Il faut des hommes capables de penser, de porter et de mettre en œuvre les transformations politiques, économiques et sociales dont l'Algérie a besoin. C'est l'Université qui doit fournir à la nation algérienne les grands noms de l'Histoire de demain. L'université de Béjaia est l'une des entités du savoir qui œuvre dans cette optique de produire les bâtisseurs de demain. Dans une de ses correspondances, le recteur de l'université de Béjaia, M. Djoudi Merabet, fixe bien le cap: « Après le club université entreprise collectivité locale, le forum, etc., nous sommes en phase de réalisation du centre d'innovation et de transfert de technologie. Ce centre sera une véritable passerelle entre l'Université et le monde productif ». Il faut mettre en symbiose les entités d'acquisition des connaissances avec le tissu économique et industriel. Il faut former « des managers, des vrais ! Pas des MBA » (Master of Business Administration), titrait Henry Mintzberg, (principal représentant de lécole de la contingence, il est également à l'origine d'une typologie des organisations) dans un de ses ouvrages. Une chose est sûre, l'histoire écrira que l'Algérie est restée en marge de deux siècles d'industrialisation (essentiellement les technologies numériques et énergétiques). A nous, en ce début du 21e siècle, de nous approprier des défis de demain (Technologies numériques et environnementales). Nous devons faire le bon choix entre les stratégies d'hier, d'aujourd'hui et de demain , entre pétrole et photons du désert.