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Entre le mimétisme et l'obligation
REFORME DE L'UNIVERSITE ET LMD 1ER PARTIE
Publié dans L'Expression le 13 - 07 - 2004

Les musulmans se répètent la phrase d'Abdelkader montrant en 1848, la planchette des écoliers arabes : «C'est le seul fusil qui nous reste».
Les maux qui gangrènent l'université algérienne demeurent : massification, détérioration des infrastructures, baisse du taux d'encadrement, inefficacité interne et externe, baisse des résultats de recherche et manque d'efficience. L'université continue à utiliser des méthodes d'enseignement et des modalités d'évaluation qui ne favorisent pas la réussite des étudiants. Elle forme des étudiants qui ont, certes, des connaissances, mais souvent peu de compétences.
La réforme LMD se propose comme une réponse à l'absence de pertinence de l'enseignement supérieur. Cette nouvelle architecture s'apparente, mondialisation oblige, au modèle anglo-saxon (Bachelor- Master- Ph. D) qui devient la norme internationale. Ainsi, 33 pays européens ont décidé suivant l'exemple des USA, et du Canada, d'appliquer le LMD. Ils le font dans le but d'assurer la compétitivité de leur enseignement supérieur. Aujourd'hui, en plus des pays anglophones, six pays africains francophones s'apprêtent à adopter le schéma LMD. Il s'agit du Maroc, de la Tunisie, du Burkina Faso, du Cameroun, de la Côte d'Ivoire, et du Sénégal. La réforme est avant tout une réforme pédagogique d'harmonisation des cursus différents en Europe. La logique qui la structure s'appuie sur deux principes : flexibilité et adaptation à la mobilité internationale dans un contexte de mondialisation. Cette architecture LMD a pour ambition de ne délivrer, à terme, que trois diplômes qui sont autant de grades : la licence, le master et le doctorat, d'où l'acronyme, LMD.
Les objectifs de la réforme en Europe
Depuis 1998, et le colloque des ministres européens de l'Education à la Sorbonne, la construction d'un espace européen d'enseignement supérieur à l'horizon 2010 est en marche. La construction européenne a tout récemment effectué des progrès très importants. Mais si pertinents que soient ces progrès, ils ne doivent pas nous faire oublier que l'Europe que nous bâtissons n'est pas seulement celle de l'Euro, des banques et de l'économie ; elle doit être aussi une Europe du savoir.(1).
«Nous devons renforcer, déclarent les ministres, et utiliser dans notre construction les dimensions intellectuelles, culturelles, sociales et techniques de notre continent. Elles ont été, dans une large mesure, modelées par ses universités, qui continuent à jouer un rôle central dans leur développement. Nous abordons une période de changements majeurs dans l'éducation, dans les conditions de travail, une période de diversification du déroulement des carrières professionnelles ; l'éducation et la formation tout au long de la vie deviennent une évidente obligation. Nous devons à nos étudiants et à notre société dans son ensemble un système d'enseignement supérieur qui leur offre les meilleures chances de trouver leur propre domaine d'excellence. Un espace européen ouvert de l'enseignement supérieur offre d'abondantes perspectives positives, tout en respectant, bien sûr, nos diversités, mais exige par ailleurs des efforts vigoureux pour abolir les barrières et développer un cadre d'enseignement, afin de promouvoir la mobilité et une coopération toujours plus étroite».
L'objectif général est de faciliter la mobilité étudiante au sein de l'Union européenne, assurer la flexibilité des parcours de formation : la nouvelle architecture comprend trois niveaux de formation. L'organisation : formations semestrielles composées d'unités d'enseignement, un système européen de crédits capitalisables : ECTS Deux cycles principaux - pré-licence et post-licence - sont reconnus pour faciliter comparaisons et équivalences au niveau international. Une grande part de l'originalité et de la souplesse d'un tel système passera, dans une large mesure, par l'utilisation de «crédits» (comme dans le schéma ECTS) et de semestres. Cela permettra la validation des crédits acquis par ceux qui choisiraient de conduire leur éducation, initiale ou continue, dans différentes universités européennes et souhaiteraient acquérir leurs diplômes à leur rythme, tout au long de leur vie. En fait, les étudiants devraient pouvoir avoir accès au monde universitaire à n'importe quel moment de leur vie professionnelle, en venant des milieux les plus divers.
La déclaration de Bologne reprend en élargissant la liste des pays à 29, notamment ceux qui ne sont pas encore dans l'Union, à l'exclusion du plus ancien candidat : la Turquie. Lisons les principes de la déclaration : «La construction européenne, grâce aux réalisations extraordinaires de ces dernières années, devient une réalité de plus en plus concrète et pertinente pour l'Union et ses citoyens. En même temps, nous assistons à une prise de conscience grandissante, dans l'opinion publique de la nécessité de construire une Europe plus complète et plus ambitieuse, s'appuyant notamment sur le renforcement de ses dimensions intellectuelles, culturelles, sociales, scientifiques et technologiques».
«Il est aujourd'hui largement reconnu qu'une Europe des connaissances est un facteur irremplaçable du développement social et humain, qu'elle est indispensable pour consolider et enrichir la citoyenneté européenne, pour donner aux citoyens les compétences nécessaires pour répondre aux défis du nouveau millénaire, et pour renforcer le sens des valeurs partagées et de leur appartenance à un espace social et culturel commun». (2).
Signalons aussi, le message a été adopté par 300 institutions européennes d'enseignement supérieur, à Salamanque, lors de la convention marquant la création de l'Association européenne de l'Université (EUA). Les institutions européennes d'enseignement supérieur réaffirment leur soutien aux principes de la Déclaration de Bologne et leur engagement en faveur d'un Espace européen de l'enseignement supérieur mis en place avant la fin de la décennie.(3).
Enfin, si on devait donner les raisons de cette harmonisation des systèmes d'éducation écoutons Jack Lang: «Pour des raisons de civilisation d'abord, nous ne pourrons préserver notre art de vivre et notre identité que par l'union. Face à la mondialisation, à la standardisation des modes de vie, l'Europe doit affirmer un modèle culturel alternatif. Ce modèle doit être fondé sur la mise en valeur de nos originalités et de nos diversités. Il doit reposer aussi sur les valeurs qui ont toujours été les nôtres en Europe, en particulier - et je veux l'affirmer ici avec force et détermination - l'éducation doit rester un bien collectif et non pas une marchandise. D'où notre attachement au service public. L'Europe est une grande puissance commerciale. Elle doit s'affirmer encore davantage, comme une grande puissance culturelle». (4).
«Dans le monde contemporain, les premiers investissements économiques d'un pays sont les investissements dans l'intelligence, dans la création, dans l'imagination, dans la matière grise. Ce sont des gisements d'emplois pour demain, c'est une source permanente de créativité...Comment préserver notre autonomie? Ou au contraire, choisissons-nous d'être à la traîne des Etats-Unis? La carte de l'Europe a toujours été dessinée par les guerres. Celle d'aujourd'hui unit des démocraties. Il faut que l'Europe devienne un espace naturel et non pas une construction abstraite. Pour redonner une âme à l'Europe, il est vital que l'homme européen - sédentaire ou voyageur - se sente plus que jamais partout chez lui sur notre continent. Tout doit être fait pour favoriser et encourager la diversité linguistique, Cela passe par la maîtrise, par tous, d'au moins deux langues vivantes en plus de la langue maternelle».
«Nous devons empêcher aussi que cette mobilité nouvelle des étudiants ne profite qu'à quelques-uns. Un effort nouveau est à entreprendre par l'Union européenne. Les échanges doivent également concerner nos chercheurs. L'Europe de la recherche est d'ores et déjà une réalité, chacun peut constater son dynamisme : de nombreux laboratoires de nos grands organismes et de nos universités entretiennent des relations nourries et constantes avec des laboratoires européens. Développer une Europe de la connaissance et de la culture, c'est aussi accroître les possibilités d'accueil des étudiants européens dans notre pays. Je suggère que l'ensemble de l'Europe devienne une immense Université d'été. Point n'est besoin, pour les pays d'Europe centrale d'attendre de satisfaire aux critères économiques et budgétaires nécessaires à leur entrée parmi les quinze». (4).
Voilà qui est clair, le LMD est avant tout une réforme pour les universités européennes pour assurer une meilleure fluidité des savoirs et une circulation optimale des étudiants européens. C'est dire, si la dimension circulation des étudiants et des enseignants est le pilier central de cette architecture. Ce n'est pas en fait, le saucissonnage des enseignements qui apportera une meilleure pertinence et efficacité à l'université algérienne mais la circulation des étudiants vers d'autres horizons.
Force est de constater que dans ce contexte, ce n'est pas les universités maghrébines ou africaines aussi sinistrées les unes que les autres, et toutes externalisant leur relation avec les anciennes métropoles plutôt que tentant loyalement de développer des relations avec les universités voisines que tout unit, l'histoire, la langue, la culture et que les pouvoirs en place par manque de vision de l'intérêt supérieur des peuples, ne trouvent pas encore le chemin de l'entente cordiale.
Le LMD : mode d'emploi
La réforme du LMD se fait autour de grands cadres. D'une part, trois grades correspondant à des diplômes reconnus partout en Europe ont été créés : la licence (3 ans), le master (incluant maîtrise et 3e cycle), et le doctorat. D'autre part, la pérennisation du système de transfert de crédits (ECTS). C'est ce que semblent vouloir les ministres européens lorsqu'ils affirment à Berlin «que l'enseignement supérieur est un bien public et une responsabilité publique». Il est également fondamental de fortement développer l'investissement des Etats dans l'enseignement supérieur. Cette carence est soulignée par le rapport de l'OCDE : 1,5% du PIB investi en Europe (et en France), contre 3% aux Etats-Unis.
Le diplôme est découpé en semestres (30 crédits/semestre). On valide un semestre et non plus une année. Une réorientation est possible en fin de semestre. Un étudiant qui n'aura pas validé un semestre sera autorisé, sous certaines conditions, à s'inscrire dans le semestre suivant. Une organisation en unités d'enseignement capitalisables et transférables. Le système est composé d'unités d'enseignement (UE) obligatoires et optionnelles. Chaque UE a une valeur en crédits européens proportionnelle au travail (cours, travaux dirigés, et/ou pratiques, stage, projet, travail personnel, etc.) que l'étudiant doit fournir pour obtenir son UE.
(A suivre)
(1). Déclaration des ministres de l'Enseignement supérieur en Allemagne, en France, en Italie et au Royaume-Uni. Harmoniser l'architecture du système européen d'enseignement supérieur Paris, Sorbonne, le 25 mai 1998.
(2). Déclaration commune des 29 ministres européens de l'Education. Bologne - 19 juin 1999.
(3). Message de Salamanque : 30/03/ 2001.
(4). Jack Lang, ministre de l'Education nationale : Pour une Europe des étudiants et des universités. Sommet interministériel de Prague sur l'enseignement supérieur - 18 et 19 mai 2001.


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