Les tentatives de médiation sous l'égi-de du Conseil de sécurité de l'ONU n'ayant pas abouti, c'est au tour des pays émergents de tenter de lancer des ponts entre la République islamique et la coalition occidentale. La visite qu'effectue aujourd'hui le président Lula da Silva à Téhéran constitue une étape importante dans le processus diplomatique destiné à épargner des sanctions supplémentaires à l'Iran et à prévenir une escalade guerrière très nettement suggérée par les discours occidentaux. Le Premier ministre turc Erdogan, qui devait rejoindre Lula à Téhéran, a décidé de faire faux bond à la dernière minute. Ankara, comme Moscou d'ailleurs, ne croit vraiment pas à la volonté iranienne de déroger à sa ligne de principe. Mais le Brésil et la Turquie, membres non permanents du Conseil de sécurité, souhaitent à la fois faire valoir leur nouveau rôle sur la scène diplomatique internationale et éviter un enchaînement aux conséquences très prévisibles. Les conditions techniques auxquelles les Occidentaux veulent soumettre l'Iran sont jugées inacceptables. Il s'agit de remettre son stock d'uranium à la France, un pays que l'Iran juge ouvertement hostile, et à la Russie pour un enrichissement «civil». L'Iran, qui s'estime l'objet de manœuvres d'encerclement, a beau jeu de pointer Israël, non signataire du TNP, qui dispose de plus de deux cents ogives nucléaires. Au-delà, se pose une question de fond. Les dirigeants iraniens considèrent que la maîtrise intégrale de la filière nucléaire est une prérogative de souveraineté et que leur programme atomique, de nature civile, est pacifique et ne menace nullement la paix du monde. Mais toutes les déclarations du régime des ayatollahs n'y feront rien : l'Iran est marqué au sceau de la suspicion. Aucun rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique ne peut y changer quelque chose. La diabolisation de l'Iran est l'un des axes fondamentaux de la propagande impériale, de ses relais et de son maître à penser israélien. Pour formelle qu'elle puisse paraître, la démarche de Lula se comprend mieux dans le contexte d'une montée des tensions et de spasme financier global et d'une reprise économique très fragile en Europe et aux Etats-Unis. L'histoire montre en effet que la guerre est souvent la solution à laquelle le capitalisme a recours dans ses phases de crise. Le régime islamiste iranien est désigné comme l'ennemi idéal pour une alliance atlantique en proie au doute. Les résistances au bellicisme occidental s'effritent au fil des manœuvres et des surenchères. Les pressions exercées sur Moscou ont fini par payer, Dmitri Medvedev et la direction russe s'alignent, bon gré mal gré, sur les désirs guerriers occidentaux. Seule la Chine continue de refuser la logique d'accentuation des sanctions, prélude logique à la guerre. Le Brésil, puissance nucléaire dont la constitution interdit les armes atomiques, bénéficie d'une crédibilité certaine. La question est de savoir si la détermination brésilienne aura raison de l'inflexibilité iranienne pour éviter l'escalade des rétorsions à l'égard de Téhéran. Après les fantomatiques armes de destruction massive imputées à l'Irak, l'hypothétique arme nucléaire iranienne pourrait être le prétexte à une nouvelle aventure. La mission que le président Lula s'est confiée est donc particulièrement complexe et ses enjeux très élevés.