En dépit de la décision de justice ayant déclaré «illégale» leur grève et les mises en demeure à reprendre le travail qu'ils reçoivent de l'administration de la SNTF, les cheminots poursuivent leur action. Il sont d'autant plus déterminés à la continuer qu'ils ont reçu le soutien de la centrale UGTA, dont le secrétaire général, Abdelmadjid Sidi Saïd, a, contre toute attente, clairement pris leur défense en déclarant leurs revendications «légales et logiques». La centrale ne semble pas s'en être tenue à cette seule déclaration de son patron. Elle aurait par ailleurs adressé une correspondance au ministre des Transports, Amar Tou, dans laquelle elle impute la responsabilité du «clash» intervenu à la SNTF à la direction générale de cette entreprise, accusée «d'avoir transgressé la loi en refusant d'appliquer les clauses de la convention collective». A priori donc, il suffirait que la direction générale de la SNTF s'engage à respecter les clauses de la convention collective pour qu'il y ait reprise du travail, comme l'affirment les cheminots grévistes. Sauf que, et Sidi Saïd le sait bien, cette décision n'est pas du ressort de cette direction générale. Il lui faut pour cela l'aval de la tutelle ministérielle, laquelle elle-même doit en référer à plus haut. C'est ainsi que se gèrent les questions sociales dans le pays. La Fédération nationale des cheminots (FNTA), qui a pris le «train en marche» du mouvement de grève et à laquelle les cheminots ont confié la mission de négocier avec leur direction générale, n'a pas tort par conséquent d'avoir lancé un appel aux pouvoirs publics leur demandant «d'intervenir pour désamorcer cette situation qui va vers le pourrissement». Autant qu'il le peut, c'est dans ce sens qu'agira Abdelmadjid Sidi Saïd auprès des véritables centres de décision. Il tentera de leur arracher le feu vert pour la direction générale de la SNTF à satisfaire la revendication des cheminots. Cela parce qu'il est conscient qu'une tout autre issue au conflit rompra définitivement le lien entre sa centrale et la corporation des cheminots. Une rupture qui peut avoir un effet de domino. Les travailleurs des autres secteurs, que ce soit dans la fonction publique ou la sphère économique, n'ignorent pas la place et le rôle qui sont ceux des cheminots dans l'organisation syndicale UGTA et tireront inévitablement de leur éventuelle rupture organique avec celle-ci la conclusion qu'il n'y a plus rien à atteindre d'elle au plan de la revendication sociale. L'empressement de Sidi Saïd à prendre parti pour les cheminots grévistes, en dépit du fait qu'ils aient déclenché leur mouvement contre l'avis de la FNTA, instance représentative de son organisation dans le secteur, est symptomatique de sa hantise de voir l'UGTA perdre pied dans celui-ci. Cette fois donc, le patron de la centrale va devoir encore faire le «pompier», non pas pour voler au secours des pouvoirs publics, mais pour sauver les meubles de son organisation, déjà mis à mal par l'érosion qu'ils ont subie suite à la lente mais irréversible occupation du champ syndical par les organisations autonomes.