Le tribunal de Sidi M'hamed près la cour d'Alger a rendu hier sa décision dans le bras de fer opposant les cheminots en grève illimitée depuis dimanche dernier et la direction générale la Société nationale des transports ferroviaires (SNTF). La justice ordonne, après une saisine de la SNTF, « l'arrêt du mouvement de grève et la reprise immédiate du travail ». La décision du tribunal s'appuyait particulièrement sur le caractère « illégal » du débrayage. C'est ce qu'a révélé Dakhli Nourdine, directeur des ressources humaines à la SNTF, joint hier par téléphone. « Notre premier souci est d'assurer notre mission de service public à travers le transport des voyageurs et des marchandises », précise-t-il, en appelant les travailleurs à adopter la voie de la sagesse. « Nous appelons les travailleurs à reprendre leur activité. La concertation avec le partenaire social est toujours en cours. Et nous espérons trouver des solutions Incha Allah », affirme ce responsable. La SNTF a engagé dans un premier temps des pourparlers, sans résultat, avec la Fédération nationale des cheminots. Ce syndicat, qui n'a pas annoncé son approbation au débrayage, a également appelé les grévistes à reprendre le travail en les assurant que « les négociations se poursuivront » avec leur employeur, souligne M. Dakhli. Les protestataires pour leur part, restent mobilisés et ne comptent pas faire marche arrière pour autant. « La justice a tranché en faveur de l'administration. Nous estimons que nous sommes lésés dans notre droit le plus légitime. Maintenant, s'ils veulent suspendre 10 000 travailleurs, qu'ils le fassent. Nous sommes grévistes et nous le resterons jusqu'à l'obtention de notre droit », tonne Abdelhak Boumansour, porte-parole de la cellule de crise composée des représentants syndicaux des quatre régions du pays. Selon lui, la justice devrait au préalable faire la part des choses. « La première infraction relève de l'administration, en refusant l'application de l'article 52 de la convention collective de branches. Pourquoi ces gens ne sont-ils pas inquiétés », s'interroge-t-il. « L'administration a violé la loi » Les protestataires, de plus en plus déterminés, ne veulent plus entendre parler des « arguties » de l'administration de la SNTF. Cette dernière avance, ajoutent-il, « l'alibi » d'une situation financière critique pour ne pas augmenter les salaires des cheminots. Les grévistes n'ont d'ailleurs aucune confiance en leur employeur. « Ils nous invitent à reprendre le travail avant de se mettre à la table des négociations. Ils veulent nous rouler dans la farine. Nous en avons marre des promesses sans lendemain. Nous demandons des engagements signés », soutient un syndicaliste. De nombreux cheminots affirment ne pas pouvoir joindre les deux bouts. C'est pourquoi ils exigent seulement l'application de l'article 52 de la convention collective de branches stipulant que « le salaire de base ne peut en aucun cas être inférieur au SNMG », lit-on sur une déclaration remise a la presse. D'après eux, la grille des salaires des cheminots est restée inchangée et le niveau A1 demeure coté à 12 480 DA. S'appuyant sur la force de la loi, les grévistes citent l'article 149 relatif au droit du travail : « Tout employeur qui rémunère un travailleur à un salaire inférieur au SNMG ou à un salaire minimum fixé par la convention ou l'accord collectif du travail est puni d'une amende de 1000 à 2000 DA multipliée par autant de fois qu'il y a d'infractions. En cas de récidive, la peine est de 2000 à 5000 DA multipliée par autant de fois qu'il y a d'infractions. » La justice devrait, selon leur propos, appliquer aussi la loi, dans toute sa rigueur, quand il s'agit de réprimander ce genre d'infraction au droit du travail. « L'administration de la SNTF a violé la loi en matière de droit du travail. Elle a illégalement lésé les travailleurs », affirment des syndicalistes. Il va sans dire que le conflit entre la SNTF et les protestataires risque encore de perdurer. La grève initiée par la base syndicale a encore paralysé, hier, le transport ferroviaire sur l'ensemble du territoire national. La mobilisation est à son comble. « Pas de reprise du travail sans gain de cause. » C'est à peu près la conviction de nombre de grévistes rencontrés à la gare d'Agha, quelques heures avant la décision de la justice. Par ailleurs, certains grévistes ont été destinataires de mises en demeure de la part de la direction générale de la SNTF. Une procédure qualifiée « d'illégale » par un syndicaliste. « Au lieu d'adresser ces mises en demeure avec accusé de réception ou par le biais d'un huissier de justice, la SNTF a recouru aux chefs de gare. C'est une infraction à la loi. Ces pratiques condamnables veulent semer la zizanie dans les rangs des cheminots », dénonce-t-il avec véhémence. Face aux menaces de l'administration, les travailleurs de la SNTF réitèrent le fait qu'ils sont « dans la légitimité et c'est la direction générale qui n'a pas respecté ses engagements ».