Ils ne sont pas près de baisser les bras mais comptent aller jusqu'au bout de leur revendication salariale. Comme ils nous l'ont déjà dit : “Les cheminots qui ont bravé le terrorisme peuvent faire face à toute sorte de pression.” C'est ainsi que le recours à la justice ne les a pas perturbés outre mesure. Et, contre tout attente, l'appel, voire l'obligation de reprendre le travail en application de la décision du tribunal de Sidi M'hamed près la cour d'Alger qui a ordonné mercredi l'arrêt du débrayage qualifié “d'illégal”, arguant le non-respect des procédures réglementaires, n'a pas eu lieu. Les travailleurs n'ont pas rejoint leurs postes et ne comptent pas le faire avant la satisfaction de leur revendication. Ils font fi de la décision de justice et des mises en demeure que l'employeur leur a adressées mercredi et comptent sur la forte mobilisation et soutien indéfectible de tous les travailleurs du secteur, y compris les retraités venus en force pour les soutenir. “Les cheminots de l'est du pays étaient prêts à venir avec nous à Alger en famille”, avoue un des représentants syndicaux. “Ils m'ont demandé de leur rapporter la coupe”, raconte un autre. Les grévistes se sentent également forts par le soutien du responsable de la centrale syndicale et de la Fédération nationale des cheminots qui ne sont pas les instigateurs du mouvement mais n'ont d'autre choix que de les soutenir. Car, explique le chargé de communication du syndicat, “les cheminots forment une seule famille solidaire”. Une cellule de crise constituée de représentants syndicaux des travailleurs des quatre régions du pays est mise en place pour superviser le débrayage. “Nous n'allons pas reprendre”, lancent en chœur les nombreux travailleurs que nous avons rencontrés jeudi au siège de la Fédération nationale des cheminots. Et d'insister : “Il n'y aura pas de reprise jusqu'à ce que l'article 52 de la convention collective soit appliqué à la lettre.” Les travailleurs n'abdiquent pas et semblent déterminés à tenir à leur direction générale. Ils refusent même de dialoguer avec l'entreprise. “Il n'y a rien à négocier. Il ne peut pas y avoir dialogue car notre revendication est claire : appliquer l'article 52 notre droit”, persistent les membres de la cellule de crise. Et d'ajouter : “Les pouvoirs publics qui se tournent vers la justice pour faire appliquer les lois sont les premiers à les piétiner.” Les travailleurs de la SNTF donnent l'exemple de leur propre direction générale pour qui tous les moyens étaient bons en vue de casser la grève, y compris la violation des textes de loi. “Les travailleurs ont reçu leurs mises en demeure par le biais de leur chef de gare et non par voie postale ou par huissier de justice et en mains propres, tel que stipule l'article 214 de la convention collective”, fulminent les travailleurs. Et d'ajouter : “La direction générale a poursuivi en justice la Fédération nationale alors qu'elle sait qu'elle n'est pas derrière l'appel à la grève. Le débrayage a été décidé par les travailleurs, la base que les hauts responsables dénigrent”, insistent-ils avant de poursuivre : “Si les pouvoirs publics veulent ester en justice 10 000 cheminots, qu'ils le fassent.” Question : qui est derrière cette grève ? Les cheminots exhibent le message de vœux du 1er Mai adressé par le DG aux travailleurs où il rappelle qu'“en dépit de la situation financière de la SNTF, les négociations salariales ont pu aboutir à la hausse du régime indemnitaire en 2008 et, en 2009, à la mise en place du nouveau système de gestion des ressources humaines qui a engendré une hausse conséquente du salaire de base”. Des propos contradictoires que les cheminots n'ont pu passer sous silence. “C'est ce document qui a mis le feu aux poudres”, fulminent les travailleurs qui n'arrivent pas à comprendre “pourquoi le manque d'argent n'est mis au-devant que pour refuser notre revendication. Car, quand il s'agit d'acheter de l'équipement ou de lancer un projet qui ne voit jamais le jour, l'argent coule à flots”. Par ailleurs, dans son communiqué qui a suivi le verdict de la justice, la cellule de crise a appelé les cheminots “à rester unis et vigilants jusqu'à l'aboutissement de leurs revendications”. Pour ce qui est “des mises en demeure adressées à certains travailleurs par la DRH, les travailleurs de la SNTF réitèrent la légitimité” de leur action “et que c'est la DG qui n'a pas respecté ses engagements”. C'est-à-dire l'application de l'article 52 de la convention collective signée en 1997. Intervenant à son tour, le chargé de communication de la Fédération nationale des cheminots dira : “Le programme de relance de l'entreprise prévoit une enveloppe de 75 milliards de dollars. Nous ne demandons que 1 milliard pour les travailleurs. Sinon, ce projet risque de connaître le même sort que celui de la zone franche de Bellara.”