«Vous ne pouvez pas me couper l'électricité !»,clame une mère de famille en larmes après que les équipes d'intervention de la direction de distribution d'électricité et de gaz d'Es-Sénia eurent décidé de passer à l'action. Les agents d'exploitation ont tenté de sensibiliser cette mère de famille aux cinq factures impayées, qui, après hésitation, a simplement annoncé qu'elle n'avait pas de quoi payer. «Si vous coupez l'électricité, mes filles universitaires seront contraintes de recourir à des bougies», ajoute-t-elle en sanglots. Le responsable du service n'avait pas d'autre alternative que de tenter de calmer cette femme en la rassurant qu'elle pouvait régler au moins deux factures sur les cinq impayées. Les services concernés disent devoir atteindre leurs objectifs de recouvrement. Dans la localité de Chteibo, où les créances impayées ont atteint les 47 millions de dinars, l'opération de recouvrement avait mobilisé, mardi dernier, 13 équipes, plus six entreprises de sous-traitants, ce qui totalise une trentaine d'agents qui ont été chargés d'assurer le suivi de cette campagne devant cibler 27.000 «mauvais payeurs». A neuf heures, les agents d'exploitation et ceux du service commercial étaient déjà présents à l'intérieur de la sous-caisse de Chteibo. Chacun attendait son carnet ou son bordereau de coupures. Un document comportant la liste des abonnés «mauvais payeurs». On saura du responsable technico-commercial que cette action va cibler les abonnés qui ne se sont pas acquittés de deux factures, soit 7.000 dinars et plus. Même si tous les objectifs escomptés n'ont pas été atteints, le programme d'action doit être finalisé dans sa globalité, ajoute le même responsable. Après la désignation des sites et leur délimitation par les dix releveurs ou attachés commerciaux (des agents assermentés relevant de la direction d'exploitation d'électricité et de gaz d'Es-Sénia), les équipes étaient sur le terrain. Un véritable désastre ! A la cité des 500 logements, le constat est alarmant. Les agents viennent de découvrir un véritable désastre avec des habitations de deux à trois étages branchées illicitement à des poteaux électriques. A vrai dire, toutes les faces externes des supports en échelle (poteaux électriques) ont été carrément cimentés. D'autres ont procédé à l'installation de plaques en zinc au lieu du ciment. Un procédé qui empêchera les agents contrôleurs d'accéder au poteau et par conséquent de couper ces branchements illicites. Nos interlocuteurs précisent que la dégradation du réseau continue à causer des pertes sèches à l'entreprise. Au lotissement 132, une quinquagénaire perplexe hésita une ou deux secondes et puis interrogea un agent sur l'objet de sa visite. Celui-ci lui apprit qu'elle n'avait pas réglé ses factures depuis trois ans. Insouciante, l'abonnée n'affichait aucune colère quant aux mesures prises dans de telles situations. Pour les agents de Sonelgaz, il s'agit d'inciter et de convaincre les clients à régler au moins la moitié de leurs factures avant de procéder à la coupure. Car, en cas de sanctions sévères, ces derniers pourront toujours recourir aux branchements illicites, ce qui n'arrange évidemment pas les services de Sonelgaz. Dans cette cité, beaucoup parmi les «mauvais payeurs» ont des activités commerciales (boulangeries, ateliers de mécanique, bains maures, entre autres). En traversant la ruelle adjacente, les agents découvrent un autre client n'ayant pas réglé ses factures depuis cinq ans, ce qui indique que cet abonné recourt à la fraude, nous signale-t-on. En effet, toutes les maisons sont branchées illégalement aux différents poteaux électriques, même si les compteurs individuels sont installés à l'intérieur des maisons. Une situation qui déroute davantage les services d'intervention. Fraude massive Au quartier de la brocante, connu par le quartier de la ferraille, c'est le même scénario: fraude massive d'énergie électrique. Dans ce site, les habitants se sont donné le mot. «Nous avons fait plusieurs réclamations et même demandé un échéancier de paiement», disent certains d'entre eux. «Mais où sont ces réclamations ?», s'interroge le chef d'équipe. « C'est de la mauvaise foi, car s'il y a procédure, il y a automatiquement une preuve», explique-t-il. La majorité des abonnés ciblés par le contrôle avaient des factures qui dépassaient les 50.000 dinars, allant jusqu'à 150.000 dinars. En plus de l'agression répétée des réseaux électriques, viennent s'ajouter d'autres entraves, dont l'état déplorable des chaussées, ce qui rend l'accès difficile aux différentes zones ciblées par le contrôle. Dans certains quartiers, un des agents a été carrément agressé par un citoyen lors du lancement de l'opération, en début de semaine écoulée. Contestant la coupure d'électricité, l'abonné a mal réagi en agressant le contrôleur qui a dû quitter les lieux. Ces incidents, fort heureusement, n'ont pas été enregistrés mardi dernier. Sonelgaz impuissante En vue d'éviter des désagréments, ils étaient nombreux les abonnés à se rapprocher de la sous-caisse de Chteibo afin de s'acquitter de leurs factures. Les initiateurs de cette opération coup-de-poing ont mis l'accent sur l'ampleur de la fraude d'énergie dans cette zone, qui atteint les 7 milliards de centimes. Au niveau de la direction de distribution d'Es-Sénia qui, pour rappel, coiffe 24 communes, les pertes en 2009 ont été évaluées à 80 milliards de centimes et 35 postes transformateurs ont été endommagés. Des chiffres en hausse qui ne cessent d'inquiéter les services de Sonelgaz et par conséquent interpellent les pouvoirs publics à instaurer un cadre juridique pour l'application de sanctions à l'encontre des fraudeurs, souligne-t-on. Des préjudices qui laissent la direction de distribution impuissante malgré les différents appels de sensibilisation lancés à l'attention des citoyens, les prêches du vendredi et les campagnes initiées dans les établissements scolaires, note-t-on. Un projet d'une carte détaillée retraçant les zones à fraude est en cours d'élaboration, le tout dans le but d'identifier ces localités et prendre les mesures qui s'imposent. Même le ministre de l'Energie et des Mines a été interpellé dans le cadre de ce dossier de fraude qui pénalise à la fois les abonnés et la Sonelgaz, ajoute-t-on. Une carte pour les branchements illicites Les branchements illicites sont relevés dans les zones de Haï Ksab, dans la localité de Misserghine, Aïn El-Beida, Kara 1 et 2, Gdyel et d'autres localités. Pour le premier responsable de la direction, cette campagne, prévue pour huit jours, va se poursuivre à travers les quatre agences commerciales de Aïn El-Turck, Arzew, Gdyel et Es-Sénia. Un recouvrement de 1,2 milliard de centimes a été réalisé de samedi à mercredi par la direction concernée, dont 680 millions de centimes dans la seule localité d'Es-Sénia. Pour la seule journée de mardi, les agents ont pu recouvrer quelque 150 millions de centimes uniquement à Chteibo. Les mauvais payeurs totalisant un solde d'abonnés ordinaires (550 millions de dinars) représentent plus de 60% du solde global des créances. Par ailleurs, plus de 5.000 abonnés clients sur un total de 70.000 ont fait l'objet de coupure d'électricité et de gaz, selon un premier bilan de l'opération coup-de-poing lancée depuis samedi par les services de la distribution d'Es-Sénia.