Une tentative d'attentat suicide, qui a tous les aspects de la signature de la branche d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), a été enregistrée dans la nuit de mardi à mercredi contre une caserne proche de la frontière mauritano-malienne, pratiquement au lendemain de la libération de deux humanitaires espagnols enlevés en Mauritanie en novembre dernier. Selon des sources militaires, l'armée mauritanienne a déjoué in extremis mercredi un attentat contre une caserne de Néma, neutralisant un kamikaze qui fonçait vers le bâtiment au volant d'une voiture bourrée d'explosifs. Les mêmes sources ajoutent que peu après minuit, un véhicule tout-terrain a refusé de s'arrêter malgré des tirs de sommation de l'armée au moment où il fonçait contre la caserne principale de la ville de Néma, à 1.200 km de Nouakchott, dans le sud-est de la Mauritanie, près de la frontière malienne. Les soldats ont alors tiré sur le véhicule, provoquant «une très forte explosion» du 4X4 qui était bourré d'explosifs, indique la même source, qui a précisé que le kamikaze a foncé vers la caserne, ignorant les tirs de sommation des militaires. Mais fort heureusement, les tirs ont fini par l'empêcher d'avancer et il a dû faire exploser sa charge à l'entrée de la caserne, à un moment où il n'y avait que trois hommes en faction». Le kamikaze a été tué et les trois soldats légèrement blessés par la déflagration qui a endommagé le portail de la caserne, ainsi que les maisons et commerces voisins. Le 4x4 qui a servi à cet attentat portait une immatriculation malienne, alors que le conducteur était «déchiqueté, presque non identifiable, mais il était de teint clair», selon des militaires mauritaniens. Par ailleurs, un second véhicule, qui aurait été aperçu dans la ville de Néma un peu plus tôt en compagnie de la voiture qui a explosé, était recherché par les militaires mauritaniens et la police locale, qui ont bouclé le quartier où se situe la caserne et ouvert une enquête. Face au risque potentiel d'autres attentats terroristes d'Aqmi contre des casernes ou des institutions publiques et représentations étrangères, l'armée mauritanienne a été placée en état d'alerte dans tout le pays, particulièrement dans les «zones de contact» avec Aqmi limitrophes du Mali où l'organisation dispose de plusieurs bases. Mardi déjà, le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz avait rencontré les responsables de l'armée pour les inciter à la vigilance et leur promettre de donner à l'armée les moyens nécessaires à sa mission pour faire face aux risques d'actions terroristes. Selon des observateurs, l'attentat de mercredi, qui n'a pas fait de victime autre que le kamikaze, porte la marque de fabrique d'Al-Qaïda, d'autant que les groupes qui opèrent dans cette large bande frontalière entre le Mali et la Mauritanie ont mal digéré l'intervention contre une de leurs bases des troupes d'élites françaises, avec l'assistance de l'armée mauritanienne pour une tentative avortée le 22 juillet dernier, de libération d'un otage français, Michel Germaneau, qui a fait sept morts dans les rangs des djihadistes. Aqmi avait revendiqué, trois jours plus tard, l'exécution de l'otage, tué, selon l'organisation terroriste, pour venger la mort de ses membres lors de ce raid. Le dernier attentat suicide en Mauritanie s'était produit en août 2009 à Nouakchott, à proximité de l'ambassade de France. Le 29 novembre 2009, trois humanitaires espagnols, Alicia Gamez, Albert Vilalta et Roque Pascual, avaient été enlevés sur la route reliant Nouakchott à Nouadhibou puis remis à Aqmi dans le nord du Mali. Alicia Gamez a été libérée en mars et les deux hommes lundi après la libération de leur ravisseur, un Malien surnommé «Omar le Sahraoui», qui avait été condamné par la justice mauritanienne à 12 ans de prison assortis de travaux forcés, accusé d'avoir agi comme «mercenaire» pour le compte d'Aqmi qui l'avait payé pour enlever les Espagnols. Et puis, l'attaque avortée contre la caserne de la ville de Néma, qui a occasionné beaucoup de dégâts, survient deux jours après la libération des deux Espagnols au Mali, avec une médiation malienne et contre une rançon de 8 millions d'euros, selon la presse espagnole. Difficile, dès lors, de ne pas faire des liens sur des relations troubles entre les groupes d'Aqmi et des milieux officieux au Mali, pays où campent en toute quiétude les groupes terroristes d'Aqmi, notamment ceux de Mokhtar Belmokhtar et Abou Zeid. Et fatalement, les spécialistes estiment surtout que la Mauritanie est devenue une cible potentielle d'Aqmi.