La filière algérienne de la tomate industrielle a vu sa production passer presque au double entre janvier et la mi-août 2010, dépassant les 6,6 millions de quintaux (mq) contre 3,8 mq durant la même période en 2009. Cette performance signe une relance de cette d'activité après des années de crise, durant lesquelles beaucoup de conserveries ont jeté la clé sous le paillasson. C'est ce que révèle un bilan du ministère de l'Agriculture et du Développement rural. La récolte qui va se poursuivre jusqu'à fin septembre a été réalisée sur une superficie cultivée de 38.000 ha (32.000 ha en 2009), dont 17.420 ha pour la tomate industrielle contre 11.699 ha en 2009. La production en 2009 a dépassé en valeur les 16 milliards DA. 216.860 tonnes de tomates fraîches ont été transformées. Le total équivalent du double concentré de tomate (DCT) a atteint 40.220 tonnes en 2010, contre 20.912 tonnes en 2009, mais reste loin de satisfaire les besoins nationaux évalués à 80.000 tonnes. Les professionnels attribuent ces performances au soutien technique et financier accordé par l'Etat à cette filière, ce qui a «redonné confiance» aux producteurs et agriculteurs après la longue crise qui a affecté cette filière depuis cinq ans. «Les producteurs sont de plus en plus rassurés grâce à la stabilité des prix et aussi à l'amélioration des capacités de transformation», a affirmé le directeur de la conserverie Amor Benamor (CAB) de Guelma, M. Brahim Benamor, cité par l'APS. Une aide de 2 DA/kilogramme est accordée aux producteurs de la tomate industrielle disposant d'un contrat avec un transformateur visé par la Direction des services agricoles (DSA) et la Chambre d'agriculture de wilaya. Une incitation financière, à raison de 1,5 DA/kg, est aussi accordée à la transformation de la tomate à condition que l'unité de transformation en contrat avec un et/ou des agriculteurs produisant de la tomate industrielle, fonctionne à 100% avec la tomate de production nationale durant la campagne allant du 1er juillet à fin septembre. Ces aides sont financées par le Fonds national de régulation de la production agricole (FNRPA). Un autre facteur ayant favorisé la hausse de la production concerne le rendement à l'hectare qui a plus que doublé durant ces trois dernières années, selon M. Benamor. Cet industriel soutient aussi que l'abondance de la production enregistrée cette année a permis aux entreprises fermées de reprendre l'activité. C'est le cas de trois unités à Guelma. «Cette année, c'est une bonne relance de la filière», constate-t-il. «Si la cadence de la production de cette année continue à ce rythme, nous pouvons prédire que d'ici deux ans, la filière arrivera à satisfaire largement les besoins nationaux», prévoit cet industriel. La crise de la filière est apparu en 2005, quand les prix de la tomate ont chuté drastiquement jusqu'à 3 DA/kg sur le marché alors que d'énormes quantités ne trouvant pas preneur ont moisi dans les caisses. Face à une abondance du produit, les transformateurs se trouvaient incapables d'écouler le surplus, en raison de difficultés financières. La crise s'est aggravée quand l'Etat avait décidé d'ouvrir le marché à l'importation, en suspendant la taxe protégeant la production nationale. Sur les 17 unités que compte la filière, seule une douzaine continuent à fonctionner avec une capacité de 10.000 tonnes/jour, selon le ministère de l'Agriculture. A El-Tarf qui couvre avec Annaba 50% de la production nationale de tomate industrielle, les superficies cultivées ont été réduites à 500 ha à partir de 2005 contre 9.000 ha auparavant. Le chiffre d'affaires des conserveries algériennes tournait autour de 15 milliards de dinars avant de chuter, à compter de 2005, au profit des importateurs. Cette filière compte près de 100.000 emplois a ainsi été en proie à une crise sans précédant. Avant 2005, l'Etat avait soutenu les prix à hauteur de 7,50 DA pour éviter la faillite des producteurs qui avaient contracté des prêts de campagne. Une année plus tard, les agriculteurs ont préféré jeter leurs récoltes plutôt que de les vendre au prix de 4,50 DA/kg imposé par les transformateurs. Autre fait marquant pour la filière: 13 conserveries ont tour à tour fermé leurs portes à l'est du pays. La cause: une concurrence insupportable de l'importation. Trois banques publiques ont, en effet, financé des opérations d'importations du concentré de tomates. Des crédits ont été accordés à des conserveurs qui importent de Chine, d'Egypte et de Turquie, au détriment d'une production locale complètement sinistrée. Les unités de transformation réclament depuis les années 2000, le concours des banques et des pouvoirs publics pour se relancer dans l'activité. Cette industrie a été victime, dans les années 1990, d'une perte de change qui a entraîné un important préjudice sur le capital investissement injecté par les opérateurs.