"Analyse des filières et des marchés des grands produits agricoles" est le chapitre d'un ouvrage sur l'agriculture algérienne qui va paraître incessamment signé par Abderrahmane Iddir, un ingénieur consultant à la retraite.Dans ce chapitre, l'auteur présente l'évolution des grandes filières agricoles et leurs marchés au cours des années 90 et 2000, après leur passage à l'économie de marché tout en examinant précieusement la situation des céréales, pomme de terre, lait, viandes et huiles végétales. Des produits qui connaissent aujourd'hui une flambée des prix. Pour les céréales, l'auteur explique que si la consommation a évolué au rythme démographique, passant globalement de 3 à 6 millions de tonnes entre 1970 et 2006, la production a, quant à elle, suivi les fluctuations de la météo, variant bon an mal an entre 2 MT et 3,5 MT. Pour cette denrée stratégique, les pouvoirs publics n'ont jamais appliqué de politique efficace pour réduire la dépendance croissante du pays de l'importation. A l'amont, la production de céréales, qui n'a pas attiré l'investissement privé ou public, n'a bénéficié que des quelques aides accordées par le FNDRA pour soutenir les agriculteurs céréaliers. Ceux-ci ont bénéficié aussi du soutien des prix à la production, mais les aides octroyées n'ont finalement pas changé significativement ni les rendements agricoles ni les niveaux de production. Pour la pomme de terre, l'ouvrage souligne que contrairement aux céréales, les agriculteurs se sont intéressés à la culture de pommes de terre et développé cette culture de manière significative depuis les années 80 et surtout les années 90, caractérisées par l'ouverture économique mais aussi par la restructuration des domaines agricoles et la restitution des terres nationalisées à leurs propriétaires. Cet engouement des agriculteurs pour la patate et généralement pour tous les maréchages qui ont enregistré des progrès de production, n'est pas fortuit. Il est dû à une demande solvable en croissance continue. Ainsi, la production est passée de quelque 6 millions de quintaux en 1980 à 11 MQ en 1998. Parallèlement, les rendements sont passés de 77 q/ha à 160 q/ha. Dans les années 2000, le bond en avant réalisé (20 MQ en 2006, un chiffre difficile à contrôler tant il contredit la réalité du marché, est à inscrire au crédit du PNDRA qui a encouragé les agriculteurs. Toutefois, cette performance s'est révélée bien fragile après l'éclatement de la crise de la pomme de terre à l'été 2007 pour des raisons ayant trait à l'importation de semences (40 à 50%). S'agissant de la filière lait, avec le passage à l'économie de marché, le secteur privé, profitant des crédits offerts par les banques et par le FNDRA dans les années 2000, a investi massivement dans la construction de laiteries. En effet, quelque 80 laiteries ont été édifiées entre 1995 et 2005, d'une capacité de conditionnement de 2,5 milliards de litres par an, qui s'ajoute à la capacité existante du secteur public estimée à 1,5 milliard de litres, soit une capacité totale de l'ordre de 4 milliards de litres, bien au-dessus des besoins du pays estimés à plus de 3 milliards de lites /an. En revanche, la filière se retrouve dans la même situation que celle des céréales où l'Etat a encouragé l'investissement dans la transformation plutôt que dans la production ce qui est nuisible à la filière, dans la mesure où le secteur privé, bien mieux armé, va prospérer sur les décombres du secteur public. Et de fait, les usines du groupe public Giplait ont dû réduire leur cadence de production et, par conséquent, leurs effectifs sous l'effet de la nouvelle concurrence les poussant à la privatisation dans un marché en manque de repreneurs, saturé par la surproduction de lait à partir de la poudre importée. Les laiteries publiques et privées ont toujours été alimentées principalement par de la poudre de lait importée, à hauteur de 60 à 70% et de fait, l'Algérie a importé au cours des dernières années pour 600 à 700 millions de dollars de poudre de lait. En 2007 cette facture devrait dépasser le milliard avec le doublement du prix de cette denrée. La collecte de lait cru par les conditionneurs-transformateurs a toujours été problématique pour plusieurs raisons. Outre la poudre, on importe les vaches laitières, l'aliment de bétail et les médicaments vétérinaires. Même la production locale de fourrages demeure encore problématique. Concernant la production de viande, l'auteur de l'ouvrage souligne qu'en dépit des progrès réalisés depuis les années 80, l'élevage ne s'est pas amélioré sur les parcours steppiques. Ni les capacités nourricières de la steppe ni les techniques d'élevage n'ont connu de progrès significatifs qui permettent le développement de la production de viande, de laine et de peaux. Au contraire, la dégradation de la steppe s'est accentuée au cours des dernières décennies à la faveur du réchauffement climatique et le prix de la viande de mouton n'a pas cessé de grimper pour devenir une fois et demie plus élevée que celui de la viande importée.