Les voiles baissées, les chalutiers et sardiniers ne quittent plus la darse des pêcheurs depuis déjà plusieurs jours et la sardine, le mets, le nec plus ultra de toute une population côtière se fait de plus en plus languir dans les ménages. Et pour cause, c'est la méduse qui est devenue, depuis déjà plus d'un mois, la maîtresse des lieux en Méditerranée mais surtout dans nos eaux territoriales, apprend-on à la chambre de Pêche de Ghazaouet. «Cela ne cesse de susciter l'inquiétude chez les pêcheurs, la crainte chez les écologistes ainsi que moult interrogations chez les chercheurs et scientifiques». Cet été encore, des variétés localement dénommées «Low-yamala» et «Morka» sont observées au large. Ces espèces s'y amassent, s'y déploient, créent de véritables marées gélatineuses et puis finissent vers août septembre, sur les plages de sidi Youcha, Bekhata, Baïdar et Marsa Ben M'hidi. Elles sont aussi à l'origine d'inflammation de la peau lorsqu'elles touchent de leurs longs filaments urticants les baigneurs dont elle devient la bête noire. Elle est aussi la cause de la fuite et de la dispersion du poisson. «Privant les pêcheurs de leur gagne-pain pendant des périodes de plus en plus prolongées, la répétition de ce phénomène a tendance à prendre les allures d'un véritable drame social puisque nul ne sait quand ces derniers (sardiniers surtout) pourront reprendre la mer. Le problème a agité le milieu professionnel pendant le mois de Ramadhan», nous dira M. Flitti Khaled, directeur de la chambre de Pêche de Ghazaouet. Pour le moment, on ne connaît pas de lutte efficace contre la marée gélatineuse, «la Morka» comme elle est appelée dans le milieu des gens de la mer. Concernant les facteurs favorisant sa prolifération, il s'agirait d'une combinaison de plusieurs paramètres, nous dit-on à la chambre de Pêche et d'Aquaculture: l'élévation de la température de l'eau, la croissance du plancton, le changement climatique, les pollutions, les activités de la pêche ces activités quand elles sont excessives réduiraient, à l'avantage des méduses, le nombre des espèces qui sont en compétition avec elles (méduses ndlr) pour la nourriture. La disparition des tortues marines qui constituent le prédateur principal des méduses est fortement signalée. Cette espèce serait décimée par la pollution majeure en mer: les sacs en plastique qu'elles avalent les prenant pour des méduses et qui les étouffent, nous dit-on. En ce qui concerne les variétés les plus répandues, les représentants de la chambre de Pêche nous apprennent que la région connaît la profusion de la méduse commune, appelée aussi aurélie, méduse bleue ou méduse lune (Aurelia aurita) et de la méduse commune, appelée aussi pélagie ou piqueur-mauve (Pelagia noctiluca). La première n'étant pas dangereuse pour la santé tandis que la seconde est très urticante. Pour ce qui est des impacts de la prolifération, on nous indique que quand ces bestioles pondent, chacune de leurs quatre glandes génitales déverse des dizaines de milliers d'œufs, ce qui aboutit à des densités de 50 à 200 méduses par m3. Des concentrations aussi importantes gêneraient, à fortiori, les activités de la pêche. D'abord en entraînant une détérioration des filets sous l'effet du colmatage ou en perturbant la détection des bancs de poissons par des échos et interférences parasites reproduit par le sondeur. Ensuite, il faudrait savoir qu'une fois qu'elles prennent possession des lieux, les méduses ne lâchent pas prise. Elles rentrent en compétition avec le poisson dont elles consomment les œufs et les larves. Remarquant qu'il s'agit d'animaux très gourmands qui mangent, par jour, des quantités dépassant de deux fois leur propre poids, M K. Fliti, directeur de la chambre, révèlera: «contribuant à la collecte de toute information à même d'une meilleure compréhension du phénomène, nous avons mis en place une banque de données basée sur les observations de pêcheurs pour l'identification et le recensement des différentes espèces concernées ainsi que déterminer les aires de répartition saisonnière aux environs de Ghazaouet, Honaine et Marsa Ben M'hidi. En attendant, les pêcheurs scrutent toujours l'horizon dans l'espoir de voir plus clair dans les eaux et pouvoir reprendre leurs activités.