Sur le site de Maghreb Emergent, des lecteurs algériens ont réagi avec humeur aux propos du patron d'Orascom Télécom qui s'en prenait à la «faiblesse de l'Etat de droit» dans des pays comme l'Algérie, ce qui dissuaderait l'investissement. Naguib Sawiris, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a choisi un forum londonien pour dire «quelques vérités» qui peuvent très facilement être retournées contre lui. Quand on déclare que pour réaliser un investissement dans un pays de la région du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, il faut avoir la «bénédiction du numéro 1», il n'est pas sorcier de comprendre que le milliardaire égyptien baigne parfaitement dans cette culture arabe, et très égyptienne, où les affaires se montent avec l'appui du politique. Et pas uniquement pour déblayer des terrains minés par les bureaucraties. M. Sawiris est certes en conflit potentiel avec le gouvernement algérien qui a décidé d'exercer un droit de préemption sur la vente de Djezzy, mais les lecteurs algériens, parmi les plus critiques au monde à l'égard de leur gouvernement, sont très peu sensibles à l'image qu'il cherche à se donner : celle de l'entrepreneur qui fait des choses et qui serait en butte à des politiques qui le jalouseraient. Trop simple. En réalité, les présumées «difficultés», qui sont assez récentes, ne sont qu'une application stricte des règles auxquelles les entrepreneurs algériens - qui ne vont pas dans les forums internationaux - ne peuvent échapper. Cela signifie que durant les années précédentes, celles qui ont permis à la «success story» Djezzy de se faire et de donner une dimension planétaire à la marque Orascom, son groupe a bénéficié d'une très grande souplesse de la part des autorités algériennes. Le patron d'Orascom Télécom - c'est humain ? - a tendance à oublier ces années fastes, et très juteuses, où les autorités en charge du secteur, comme l'ARPT, ont davantage compté sur la «bonne foi» que sur la rigueur des contrôles. Face à la dispute, probable, sur l'estimation de la valeur de Djezzy, Sawiris croit que c'est de bonne guerre de taper sur le gouvernement algérien. Il arrivera peut-être à convaincre à Londres. Mais ici, ceux qui s'intéressent à la chose économique n'en tirent qu'une conclusion : l'application stricte des règles ne lui sied pas. Ceux-là n'ont pas attendu l'épisode de la cession de Lafarge et la colère qui en a résulté au plus haut niveau de l'Etat pour considérer que l'Algérie n'a rien gagné - et beaucoup perdu - dans le choix de partenaires de qualité médiocre dans des créneaux très visibles. De leur point de vue, l'épisode de la cession de Lafarge, apprise par le gouvernement algérien après son annonce à la Bourse, n'était pas un accident mais la quintessence même de ce genre d'entrepreneurs. Qui aiment beaucoup les faiblesses du «Rule of Law» quand cela les sert et n'apprécient pas quand les lois s'exercent. M. Sawiris a beaucoup contribué à déconsidérer l'investissement étranger en Algérie et son comportement d'affaire a largement inspiré les réponses législatives algériennes. Trop sans doute. On peut se demander en effet si la réponse législative, qui est devenue dissuasive pour tous, n'est pas excessive. Et qu'elle masque le fait que les responsables algériens ont mal choisi les partenaires qui entreraient réellement dans une démarche économique mutuellement profitable. Il est difficile de croire, dix ans après, qu'Orascom Télécom était un bon choix.