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« Djezzy et ota ne sont pas à vendre »
Rencontre avec Naguib Sawiris, PDG d'Orascom Telecom Holding
Publié dans El Watan le 26 - 10 - 2008

Quelle mauvaise nouvelle ! L'Algérie et l'Egypte sont dans le même groupe. » L'homme au visage jovial a subitement affiché une grande déception en évoquant les éliminatoires de la coupe du Monde de football. Naguib Sawiris aurait tant aimé ne pas avoir à choisir entre son pays, l'Egypte, et l'Algérie, pays qu'il a adopté et auquel il prédestine un bel avenir.
Le Caire (Egypte) : De notre envoyé spécial
Sawiris, en bon Egyptien issu d'une vieille famille copte, va, bien entendu supporter l'équipe des Pharaons. Mais l'humour naturel de Sawiris reprend vite le dessus lorsque Farid du quotidien El Khabar lui rétorque : « M. Sawiris, vous allez jouer mieux que nous, mais désolé, c'est nous qui allons être qualifiés. » La rencontre avec Naguib Sawiris, le « big boss » d'Orascom, mercredi dernier dans la capitale égyptienne, a été souvent ponctuée de rires. Pourtant, au-delà de ce moment de détente, il y avait dans l'air une certaine gravité.
Naguib Sawiris, à la tête d'un empire industriel de plusieurs milliards de dollars, devait avoir un motif très sérieux pour inviter près d'une vingtaine de journalistes algériens représentant quasiment tous les organes de presse en Algérie qui sont hébergés dans un des meilleurs hôtels du Caire. L'opération médiatique menée en coordination avec la cellule de communication de Djezzy que dirige Abdelhamid Grin, avait pour but d'apporter une certaine clarification quant aux intentions d'Orascom vis-à-vis du marché algérien. Elle avait pour but également d'exprimer une certaine inquiétude quant au développement et à l'accroissement de l'investissement étranger en Algérie. Naguib Sawiris a tenu d'abord à affirmer que Orascom Télécom Algérie (ota) et Djezzy ne sont pas à vendre. Certains journalistes présents étaient surpris, voire soulagés. C'est que la rumeur selon laquelle la maison mère d'OTA ambitionne de vendre ses sociétés de téléphonie mobile s'était largement répandue. Cette rumeur, selon Sawiris, a pris ses fondements dans la dernière opération financière réalisée par Orascom dans la filière de la fabrication du ciment. Nous avons ainsi appris que Orascom construction est entrée dans le capital de Lafarge et est devenue l'un des trois principaux actionnaires de ce troisième grand producteur mondial de ciment.
La réussite de OTA et de djezzy est une fierté
Orascom a même tenté d'être l'actionnaire majoritaire du français Lafarge, mais a rencontré une farouche résistance. L'absorption du producteur d'acier, le français Arcelor par l'indien Mittal Steel est encore vivace dans les esprits. Donc, il ne s'agit pas d'une opération de vente classique, comme nous l'expliquera plus tard le frère cadet, Nassif Sawiris, le pdg d'Orascom construction. La preuve, rien n'a changé dans le fonctionnement et l'encadrement des usines de ciment de M'Sila ou de Sig qui travailleront désormais sous un label connu et reconnu. Capitaliste convaincu, « de la tête jusqu'aux pieds », Naguib Sawiris ne reste pas en Algérie pour des considérations démagogiques vides de sens, c'est de la pure hypocrisie. Pour lui, il n'y a que le profit qui peut rendre un pays attractif aux yeux des investisseurs.
La réussite financière de OTA et Djezzy est un motif de fierté pour lui, car cela a contredit tous les pronostics pessimistes qui ont suivi l'entrée d'Orascom dans le marché de la téléphonie en Algérie. Sawiris a rappelé comment il a été raillé par ses concurrents pour avoir mis dans la balance plus de 700 millions de dollars, c'est-à-dire le double de ce qu'ils avaient eux-mêmes proposé. « On m'a traité de fou et d'inconscient », se rappelle Sawaris, avec toujours ce sourire dans le coin et l'œil étincelant. « On me dit la même chose aujourd'hui pour avoir investi les marchés italien et canadien. » Une entité arabe qui concurrence les Occidentaux dans la haute technologie et sur leur territoire même, c'est une pilule qui ne passe pas. Avec plus de 14 millions d'abonnés, OTA/Djezzy, ambitionne d'investir dans la formation et le transfert de technologie.
Selon Naguib Sawiris, il est prévu la création d'un institut de formation dans les technologies de la commmunication, en étroite collaboration avec des intiltutions publiques. Globalement, Orascom aura investi en Algérie près de 4 milliards de dollars ; une somme colossale. Sawiris a placé la barre trop haut. D'où une relation excécrable, « Zay Ezift », comme dit Sawiris, avec la concurrence, laquelle dénonce l'hégémonie de l'opérateur égyptien. Heureusement, l'ARPT, le régulateur public, était là, estime Sawiris. Sur ce chapitre, Sawiris n'a pas tari d'éloges à l'endroit des autorités publiques, notamment du temps de Amar Tou, l'actuel ministre des Transports, qui ont fait échec à toutes les velléités de freiner l'élan d'Orascom Algérie. Cependant, Naguib Sawiris a exprimé quelques craintes quant à un changement dans l'orientation économique du pays.
Le visage de Sawiris se ferme, le sourire qu'il affichait en permanence disparaît. Cette éventualité que l'Algérie puisse un jour revenir à l'économie dirigée et abandonner l'économie de marché, le fait frémir. La nouvelle disposition dans la loi de finances 2008 qui réduit à 49% le taux de participation de l'investisseur étranger dans une société mixte, au lieu de 51% est, selon Sawiris, un mauvais signal pour les investisseurs potentiels. D'autant que nous sommes pratiquement en phase d'entrer dans une récession mondiale, après le dernier effondrement financier qui aura pour conséquence une importante limitation des crédits bancaires. L'autre fait marquant et qui suscite des interrogations, c'est le fait de remettre dans le giron de l'Etat la gestion des EPLF, promotions publiques dans l'immobilier. Ce retour de la gestion centralisée obéit à quelle logique ? s'interroge Sawiris.
Projet d'usine de ciment à constantine
Pourtant, en homme qui a dû affronter les effets de la plus grande bureaucratie du monde, l'égyptienne bien sûr, il ne veut absolument pas accabler les autorités politiques du pays. Malgré toutes les sollicitations des journalistes pour l'amener à émettre une « petite » critique sur le pouvoir algérien, niet ! Désespérant. « J'ai une confiance sans limites », ne cessait-il de dire pour clore le débat à ce sujet. Sawiris nous quitte, un autre rendez-vous l'attend. « He is very busy », s'excuse Sabrina, sa directrice de communication. Le lendemain, la délégation de journalistes algériens se retrouve au pied de la tour d'Orascom Construction. Le bureau de Nassif Sawiris, le frère cadet de Naguib, est au 25e étage. Nassif Sawiris a moins de charisme, mais il apparaît comme un solide manager qui a une grande maîtrise des dossiers. Le jeune Sawiris nous expliquera longement l'opération d'entrée d'Orascom dans le capital de Lafarge. « Nous avons tout expliqué aux autorités algériennes, le but et les bienfaits de cette opération boursière. » Alors pourquoi a-t-on mal présenté cette information ? Nassif hausse les épaules en signe d'incompréhension.
Nous avons ainsi appris que Orascom construction allait réaliser un projet d'une enveloppe de deux milliards de dollars pour la construction d'une usine de production d'engrais azotés, la plus grande d'Afrique. Nassif Sawiris nous a appris également que l'usine de production de ciment, qui devait être installée initialement en Afrique du Sud, sera implantée en définitive à Constantine. Elle entrera en production avant la fin de 2011. Selon Sawiris, le marché algérien est déjà excédentaire de plus 1,5 million de tonnes de ciment, destiné à l'exportation.


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