Le Sahara algérien, qui commençait à redevenir la destination la plus prisée des touristes étrangers risque fort de faire les frais du regain de terrorisme enregistré dans la région sahélo-saharienne depuis juillet dernier. Plusieurs gouvernements étrangers recommandent à leurs ressortissants d'éviter ou de ne pas se rendre dans cette zone, et les tour-opérateurs abondent, en général, dans le même sens. L'assassinat en juillet dernier de 11 gardes frontières algériens à Tinzaouatine, dans la wilaya de Tamanrasset, près de la frontière algéro-malienne, était déjà un signe de l'existence d'un risque sécuritaire. Revendiqué par le groupe terroriste de l'ex-GSPC, rebaptisé depuis 2007 «Al Qaïda au Maghreb islamique» (Aqmi), cet assassinat a créé un climat d'incertitude qui s'aggrave maintenant avec l'enlèvement depuis quelques semaines, au Niger voisin, de sept étrangers. La tournure prise par les évènements a fini par faire baisser les bras des opérateurs parmi les plus résistants à l'image de «Point Afrique». La société présidée par Maurice Freund a été à l'avant-garde de la relance du tourisme saharien après notamment le kidnapping de 32 touristes étrangers en 2003. La destination «Sahara algérien» avait alors complètement chuté. «Point Afrique» renonce La prise en main du secteur du tourisme par Chérif Rahmani avait alors donné un coup de fouet à l'activité. Le tourisme saharien a été inscrit comme une priorité dans le cadre du Schéma Directeur d'Aménagement Touristique (SDAT). Le sud du pays a été divisé en quatre centres régionaux du tourisme : Tamanrasset, Djanet, Timimoun et Ghardaïa. De grands projets adaptés au Sahara ont été retenus, dont la modernisation de neuf hôtels et la réhabilitation de la boucle dite des Oasis. Dans le même temps, avec le concours d'Air Algérie, du ministère algérien du Tourisme, «Point Afrique» spécialisée dans le tourisme solidaire s'est impliqué dans l'organisation de circuit à des prix abordables pour des touristes venant notamment de France à partir notamment de Paris ou de Marseille. Ni «Point Afrique», ni les services algériens du tourisme n'ont, pour le moment, évalué numériquement et économiquement ce flux touristique. Après l'enlèvement de sept étrangers au Niger le mois dernier, Point Afrique a annoncé qu'il se voyait «contraint de stopper complètement son activité (vols et circuits) en Algérie, dans le nord Niger (Agadez) et le nord Mali». Il ne maintient que des vols sur Mopti (Mali) et de l'activité touristique en pays dogon (Mali) mais il «suspend ses vols vers la Mauritanie jusqu'à Noël». Motif de ces décisions qui mettent en péril l'existence même de «Point Afrique» : «la récente dégradation des conditions de sécurité dans le Sahara central». S'exprimant sur son site, le président de «Point Afrique» se confie : «voici quelques mois, nous nous battions pour rester présents dans ces zones fragiles et déshéritées... Notre stratégie reposait sur une forte conviction: le tourisme peut être une arme pour la paix!». Aujourd'hui, Maurice Freund est dépité : «Inutile de vous décrire ma profonde révolte et l'impuissance de Point-Afrique à faire face à la situation actuelle. Nous avons perdu une bataille contre Aqmi». «Le risque Aqmi» De l'aveu même de Maurice Freund, il existe encore une demande pour la destination Sahara. D'ailleurs d'autres tour-opérateurs étrangers n'ont pas renoncé à la promouvoir pour cette saison 2010 qui commence. Personne ne sait si la demande résistera à ce que certains opérateurs appellent «le risque Aqmi». Pour le moment, hormis Point Afrique, il y a une offre d'autres voyagistes en Europe, dont le sort pourrait se jouer en fonction de l'évolution de l'affaire des sept otages, de sa forte médiatisation et de ses effets sur l'opinion publique. Si l'on en juge par les informations, diffusées notamment par Internet, selon lesquelles les groupes terroristes labellisés «Al Qaïda» seraient plus nombreux et qu'ils se déplacent aisément à travers les déserts mauritanien, nigérien, malien et algérien, cela n'incite pas à la randonnée pédestre au Sahara ! A priori, c'est une saison touristique morte qui s'annonce au détriment de la vie économique de milliers de personnes, touchées directement ou indirectement dans toute la zone sahélo-saharienne. En 2009, le «nombre d'arrivées de touristes en Algérie a atteint près de 2 millions de touristes», a indiqué récemment à Alger, Smaïl Mimoun, le ministre du Tourisme et de l'Artisanat. Il a ajouté que les recettes du tourisme sont estimées à 330 millions de dollars. Le ministre n'a pas fourni de précisions au sujet de la nature des touristes accueillis, ni leur destination finale, ni sur la durée de leurs séjours. Mais selon des sources informées, il s'agit en majorité de personnes venues en Algérie pour du tourisme d'affaires dont le séjour relativement court se déroule généralement dans le nord urbain du pays.