La crise sécuritaire que connaît toute la région du Sahel risque d'ébranler sérieusement le tourisme saharien en Algérie. A peine entamée, elle est déjà compromise. La région vient de se voir propulsée encore une fois au-devant de la scène à travers la série d'enlèvements d'étrangers dans la région. Les opérations terroristes d'Al Qaïda au Sahel achèvent une destination déjà agonisante. Plusieurs gouvernements étrangers recommandent à leurs ressortissants d'éviter ou de ne pas se rendre carrément dans cette zone, et les tours opérateurs abondent, en général, dans le même sens. D'ailleurs, de nombreux tours opérateurs français ont annoncé l'annulation de circuits touristiques dans le Sahara, en raison de la situation sécuritaire qui y prévaut. L'assassinat en juillet dernier de 11 gardes frontières algériens à Tinzaouatine, dans la wilaya de Tamanrasset, près de la frontière algéro-malienne, était déjà un signe de l'existence d'un risque sécuritaire. Revendiqué par Al Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi), cet assassinat a créé un climat d'incertitude qui s'aggrave maintenant avec l'enlèvement depuis quelques semaines, au Niger, de sept étrangers. La tournure prise par les évènements a fini par inquiéter sérieusement les opérateurs à l'image des agences de voyages Allibert Trekking. En effet, suite aux récents enlèvements dans la bande saharo-sahélienne, les agences de trekking restent extrêmement prudentes et les voyageurs ne savent plus trop où ils peuvent s'aventurer en toute sécurité dans ces régions désertiques. L'agence Allibert Trekking tient très régulièrement au courant ses clients trekkeurs au fait de la situation, en publiant les informations via son site internet. «En Algérie, la sécurité dans les secteurs de l'Assekrem, de Djanet et du tassili n'Ajjer ne pose objectivement guère de problème en raison de la protection géographique et militaire. Cependant, en l'absence d'informations des autorités algériennes et dans l'attente de notre mission sécurité, nous avons décidé de suspendre nos départs jusqu'au 15 décembre. Une fois ces vérifications de terrain effectuées, nous referons le point sur la situation». C'est le message mis en ligne par ladite agence. Cette dernière précise également que «les récents enlèvements d'Occidentaux dans la bande saharo-sahélienne nous obligent à la plus grande prudence. Nous ne proposons aucun voyage dans les zones rouges : Nord-Mali, Nord-Niger et pointe nord de la Mauritanie, réputées non contrôlables et susceptibles d'abriter des camps de terroristes». Point Afrique contraint de stopper son activité Point Afrique, spécialisé dans le tourisme solidaire, s'est impliqué dans l'organisation de circuits à des prix abordables pour des touristes venant notamment de France à partir de Paris ou de Marseille. Après l'enlèvement des sept travailleurs d'Areva au Niger le mois dernier, Point Afrique a annoncé qu'il se voyait contraint de stopper complètement son activité (vols et circuits) en Algérie, dans le nord Niger (Agadez) et le nord Mali. Il ne maintient que des vols sur Mopti (Mali) et l'activité touristique en pays dogon (Mali), mais il suspend ses vols vers la Mauritanie «jusqu'aux fêtes de fin d'année». Motif de ces décisions qui mettent en péril l'existence même de Point Afrique : «la récente dégradation des conditions de sécurité dans le Sahara central». S'exprimant sur son site, le président de Point Afrique, Maurice Freund se confie : «Voici quelques mois, nous nous battions pour rester présents dans ces zones fragiles et déshéritées... Inutile de vous décrire ma profonde révolte et l'impuissance de Point-Afrique à faire face à la situation actuelle. Nous avons perdu une bataille contre Aqmi», précise-t-il. Pour le moment, hormis Point Afrique ou l'agence Allibert Trekking, il y a une offre d'autres voyagistes en Europe, dont le sort pourrait se jouer en fonction de l'évolution de l'affaire des sept otages, de sa forte médiatisation et de ses effets sur l'opinion publique. Les professionnels du tourisme saharien dénoncent l'embargo sécuritaire Du côté algérien, les professionnels du tourisme saharien lancent un véritable cri d'alarme. Ils mettent en garde contre la menace de saison morte qui guette leurs activités et appellent les autorités à lever l'embargo sécuritaire qu'ils subissent depuis deux ans. En effet, plusieurs circuits touristiques demeurent fermés aux touristes, et cela ne rend pas service aux différentes agences de voyages activant au sud. «Une saison saharienne à zéro», c'est en ces termes qu'elle est qualifiée par les agences de voyages. Plusieurs agences enregistrent zéro réservation pour la saison 2010. C'est le cas pour l'agence Tazrouk Séjours sise à Tamanrasset. Joint par nos soins, le directeur Ahmed Zaoui Touahri tire la sonnette d'alarme sur une activité qu'il dit menacée par un embargo sécuritaire qui ne dit pas son nom. «Nous avons reçu une note de la part de la direction du tourisme de Tamanrasset, faisant état des circuits ouverts et fermés (...) Il se trouve que nous sommes coincés et limités dans notre travail», a-t-il dit. «Les circuits ouverts aux touristes sont déjà visités et découverts pas nos clients (touristes étrangers) qui demandent de découvrir d'autres régions tels le Hoggar et le Tassili», ajoute-t-il. «Nous ne disposons que de l'Assekrem comme site prisé et ouvert aux touristes, mais ce n'est pas suffisant», regrette notre interlocuteur. Les circuits du Tassili-Hoggar jusqu'à Djanet sont interdits aux agences de tourisme de Tamanrasset, lesquelles sont obligées d'avoir une autorisation pour aller de leur willaya à Illizi, Ghardaïa, Adrar, Naâma, Tindouf, Tlemcen ou Batna. Ces décisions portent un grave préjudice au tourisme et mettent en danger toutes les activités y afférentes.