Après le Parlement européen, qui avait appelé l'ONU à mettre en place une enquête sur les graves atteintes aux droits de l'homme, marquées par la mort de plusieurs Sahraouis et des centaines de blessés, qui avaient suivi le démantèlement par l'armée marocaine du camp de Gdeim Izik, à quelques kilomètres de Laayoun occupée, c'est au tour des députés espagnols de condamner officiellement ce qui s'est passé le 8 novembre dernier dans cette ville du Sahara Occidental. Lors d'un vote jeudi largement en faveur d'une position plus énergique du gouvernement socialiste, les députés espagnols ont adopté une motion qui appelle l'exécutif à «condamner les incidents violents du 8 novembre». Ce texte, approuvé par 327 voix pour et une abstention, avait été proposé par le groupe parlementaire de divers gauche «ERC-IU-ICV». Sans surprise, les députés espagnols ont fermement condamné ce qui s'est passé à Gdeim Izik, un camp de toiles érigé par les Sahraouis près de Laayoun occupée pour dénoncer leurs conditions de vie et l'impasse dans laquelle a été placé le processus référendaire par le Maroc, puissance occupante au Sahara Occidental. Les députés demandent aussi à l'équipe de Zapatero «d'exprimer aux autorités marocaines leur préoccupation face aux informations sur des violations des droits de l'homme sur le territoire sahraoui», indique le Parlement espagnol dans un communiqué. Selon le Front Polisario, des dizaines de morts et des centaines de blessés ont été recensés après que les forces de sécurité et l'armée marocaines eurent démantelé le camp et saccagé les effets des Sahraouis. Des manifestations ont également été organisées par les Sahraouis à Laayoun pour dénoncer la décision des autorités d'occupation à Laayoun de démanteler ce camp. Signe que les événements avaient dérapé, et que le Makhzen avait perdu le contrôle de la situation lors de ces événements, le «Wali» de Laayoun occupée a été relevé de ses fonctions la semaine dernière dans un mouvement de Walis qui a pris les allures d'une reconnaissance implicite des dérapages et bavures policières durant et après le démantèlement de Gdeim Izik. Très remontés contre les autorités marocaines qui avaient décrété un véritable «black-out» médiatique sur ces pénibles événements, les députés espagnols réclament par ailleurs au roi du Maroc «qu'il respecte le libre accès et la circulation de la presse, des observateurs indépendants et des organisations humanitaires sur le territoire du Sahara Occidental» occupé. Samedi dernier, le Maroc avait rejeté l'idée d'une enquête de l'ONU sur ces violences et refuse que la Mission de l'ONU pour l'organisation d'un référendum au Sahara Occidental (Minurso) ait compétence en matière de droits de l'homme, selon les déclarations de Taieb Fassi Fihri, ministre des Affaires étrangères du Maroc, au quotidien espagnol El Pais. Par contre, les députés espagnols, qui harcèlent leur gouvernement pour qu'il condamne la démesure de la réaction des forces de sécurité marocaines au Sahara Occidental, demandent cet élargissement des fonctions de la Minurso. Sonné par les réactions de condamnation de la communauté internationale, et particulièrement du rôle de la presse espagnole dans la médiatisation de ce qui s'est passé le 8 novembre dernier à Gdeim Izik, malgré l'embargo médiatique et le refus à la presse étrangère de se rendre au Sahara Occidental, les autorités marocaines veulent «réévaluer» leurs relations avec l'Espagne. Selon le porte-parole du gouvernement de M. Abbas El Fassi, et également ministre de la Communication, Khalid Naciri, «le Maroc considère que le moment actuel nécessite une réévaluation globale des relations du royaume avec l'Espagne, dans tous les domaines». Bien sûr, cette déclaration reflète l'état psychologique dans lequel se trouve le Makhzen, le vrai pouvoir au Maroc reflété par une administration mangée par le poids des ans et une monarchie en perte de vitesse sur le plan politique, après les appels de la communauté internationale pour que cessent les violences contre le peuple sahraoui. Le porte-parole du gouvernement marocain n'a pas précisé cependant la forme et le contenu de cette «réévaluation» des relations maroco-espagnoles, même si Rabat veut faire pression contre Madrid sur certains accords économiques, notamment l'accord de pêche dans les eaux territoriales du Sahara Occidental. «Les forces politiques espagnoles mettent le Maroc au cœur des luttes politiques internes, dans un contexte électoral visant à détourner les regards de la crise économique profonde que connaît l'Espagne», a lancé Khalid Naciri jeudi lors d'un point de presse à Rabat orienté exclusivement sur la position des députés espagnols, qui venaient dans la journée d'appeler leur gouvernement à «condamner» le Maroc pour les graves violations des droits de l'homme au Sahara Occidental. Du reste, le Parlement européen avait de son côté condamné le Maroc pour les mêmes griefs, et demandé l'ouverture d'une enquête de l'ONU. Le Parlement avait affirmé qu'il considère que les Nations unies constitueraient l'organisation «la plus à même de mener une enquête internationale indépendante en vue de clarifier les événements, les décès et les disparitions» après l'intervention des forces de sécurité marocaines pour démanteler le camp de Sahraouis qui se sont réfugiés à Gdeim Izik.