Quelle que soit l'ampleur de leur mouvement de contestation anti-Moubarak, les Egyptiens ne se débarrasseront pas dans l'immédiat de leur dictateur honni. Car le raïs égyptien ne sera lâché ni par son armée et sa police, ni par les Etats-Unis et l'Union européenne. Mais c'est désormais une certitude qu'il ne se représentera pas fin 2011 pour un autre mandat présidentiel et qu'il lui sera impossible d'imposer la candidature de son fils Gamel à sa succession. Pour les Américains et les Européens, l'Egypte est un pion d'importance primordiale sur l'échiquier moyen-oriental. Ils ne peuvent en conséquence laisser ce pays devenir la proie du vide politique et constitutionnel qu'un départ précipité de Moubarak du pouvoir ouvrirait. Ils font et feront donc pression sur le vieux dictateur pour qu'il accepte de lâcher du lest sous la forme de concessions donnant satisfaction à certaines revendications qui s'expriment dans la rue égyptienne. Celle notamment de permettre au peuple égyptien de s'exprimer pacifiquement, de choisir son futur président en des formes démocratiques acceptables. Ce qui passera par une révision de la constitution égyptienne actuelle qui, par ses dispositions, exclut de la course à l'élection présidentielle toute personnalité politique n'ayant pas l'onction du président et de son parti. C'est ce que d'ailleurs a formulé Mohammed El Baradei à son retour en Egypte pour prendre part à la contestation populaire qui s'est étendue à l'ensemble des provinces du pays. Figure de proue de l'opposition à Moubarak et à son régime, le prix Nobel de la paix et ancien directeur général de l'Agence internationale à l'énergie atomique (AIEA) n'a pas été au-delà de ces revendications. Il n'a pas exigé, comme le scande la rue égyptienne, le départ immédiat du vieux dictateur, sachant qu'il n'aura pas l'approbation de l'armée et des principaux partenaires occidentaux de l'Egypte. El Baradai a appelé à la mise en place d'une transition négociée. La crainte bien réelle en Egypte que la chute brutale de Moubarak et de son régime ne profiterait qu'au courant islamiste, principalement à l'organisation des Frères musulmans dont l'influence dans le pays est incontestable, fait que les autres segments de l'opposition politique égyptienne se gardent d'encourager la revendication maximaliste du départ immédiat du vieux dictateur. Ils appelleront au calme aussitôt que celui-ci annoncera, très probablement sur les conseils de Washington et d'autres capitales occidentales, qu'il renonce à se porter candidat en 2011 pour la prochaine élection présidentielle. Contrairement donc à ce qui s'est passé en Tunisie, la révolte du peuple égyptien n'aura pas pour aboutissement spectaculaire l'effondrement du régime en place. Mais elle va tout de même enclencher un long et lent processus qui conduira le pays vers l'ouverture politique, la démocratisation et plus de respect pour la souveraineté populaire et les libertés civiques et individuelles. Perspective qui était proprement impensable pour un pays arabe avant la Révolution du jasmin. La voilà en voie de se concrétiser en Egypte, mais aussi ailleurs en Jordanie, au Yémen et au Soudan. L'Algérie n'en sera pas exempte.