Amr Moussa entend ne pas renoncer au poste de secrétaire général de la Ligue des Etats arabes, indiquent au Caire des sources informées. Son mandat s'achève en mai 2011 et il avait clairement fait savoir, l'an dernier, qu'il n'en briguerait pas un troisième. En Egypte, il était pressenti pour s'aligner aux élections présidentielles de la fin 2011, aux côtés d'Al Baradeï, l'ex-patron de l'Agence internationale de l'Energie atomique, qui jouirait d'une forte popularité. Considéré comme très proche des milieux de l'opposition, le projet de candidature d'Al Baradeï est perçu comme un danger par le clan présidentiel. Il est, désormais, un secret de polichinelle que Gamel Moubarek, fils du président Hosni Moubarak est le candidat idoine du pôle présidentiel. Est-ce pour ne pas gêner cette option clairement affichée que Amr Moussa est revenu sur sa décision de ne pas briguer un troisième mandat? A l'évidence, le diplomate égyptien, aujourd'hui âgé de 74 ans, préfère garder ce qui lui semble le plus à sa portée. Il préfère aussi éviter d'aller à l'encontre des objectifs stratégiques du pouvoir égyptien, dont il a toujours été très proche. Il faut rappeler qu'il a été ministre des Affaires étrangères de l'Egypte de 1991 à 2001. Ce serait au début de son ministère qu'il se serait livré à de l'espionnage au détriment de l'Algérie (V. Le Quotidien d'Oran du 8 mai 2010). Si du côté algérien il est perçu avec une certaine suspicion, au Caire il est considéré comme un pivot de la diplomatie égyptienne. Il a travaillé au rapprochement de son pays avec la Syrie et la Jordanie. Ces dernières années, il a eu un rôle plus ingrat lorsqu'il a fallu gérer la guerre et l'après-guerre de Ghaza, avec son corollaire «le mur de la honte» qui verrouille la frontière sud des Ghazaouis, considéré par l'Egypte comme une affaire de souveraineté nationale. En décidant de postuler, l'an prochain, pour un troisième mandat, Amr Moussa va déclencher de sérieuses turbulences au sein de la Ligue arabe. Le sommet arabe, prévu en 2011 en Irak, risque d'être très chaud. L'Algérie et le Qatar, qui pourraient bien rallier à leur cause d'autres pays membres, ne veulent plus que le poste de secrétaire général revienne automatiquement au pays qui abrite le siège de l'organisation. Pour eux, un système tournant, par pays, serait plus adéquat et plus juste. Logique. Mais voilà, les Egyptiens ont appris à considérer l'organisation panarabe comme leur chose. Pour trois raisons que l'on pourrait résumer ainsi: elle est pourvoyeuse d'emplois, de recettes en devises et cerise sur le gâteau, elle permet de faire rayonner l'Egypte sur tout le monde arabe. Lorsqu'il a fallu transférer des bureaux de la Ligue arabe en Tunisie, après les accords Camp David, signés avec Israël, le gouvernement égyptien avait tragiquement vécu cette décision. Il avait, ensuite, sollicité le soutien des Saoudiens et des Américains pour obtenir que le siège revienne au Caire. Aujourd'hui, aucun indice ne permet de dire que Le Caire va adhérer aux idées réformatrices que défendent les Algériens et les Qataris. D'autres pays membres tels que le Soudan, la Mauritanie ou la Libye pourraient s'y joindre avec l'objectif de redynamiser l'organisation, dans un monde ou seuls les ensembles régionaux homogènes, unis, peuvent se faire entendre. Pour le moment, l'Egypte est totalement braquée sur «la préservation de ses acquis». Dans les cercles proches du régime on fait savoir que «les milieux diplomatiques égyptiens sont ravis de la décision de Amr Moussa de se représenter» et que «cela barre la route à l'Algérie et au Qatar qui veulent un secrétariat général tournant». Si Amr Moussa ne se représentait pas, le gouvernement égyptien a prévu de soutenir la candidature de son ministre des Affaires étrangères Ahmed Abou Gheit ou celle du ministre d'Etat, le Dr Moufid Chihab. Comme on peut le constater, ce ne sont pas les ressources humaines qui manquent, mais juste la volonté d'être à l'écoute des autres pays membres qui veulent que la Ligue soit arabe, et, pas quasi exclusivement égyptienne.