L'ancien secrétaire général du FLN, Abdelhamid Mehri, a donné, hier matin, une conférence de presse au siège du parti FFS axée sur la lettre ouverte qu'il a adressée au président de la République, il y a presque un mois. A ce propos, elle a été l'occasion pour lui d'apporter une série de clarifications. La finalité de la lettre ouverte était de mettre l'accent sur le besoin pressant de changer le régime politique afin de pouvoir faire face aux défis intérieurs et extérieurs qui nous attendent en partant d'une analyse critique et objective de la marche du pays depuis l'indépendance, a tenu à dire d'emblée Abdelhamid Mehri devant un parterre de journalistes. En réponse aux différentes lectures qui ont été faites de sa lettre ouverte au président Bouteflika, M. Mehri a souligné que «la revendication d'un changement de régime n'est pas une accusation dirigée contre une personne, un parti, une institution ou une génération précise. Ce n'est pas non plus une opposition à ceux qui assument les responsabilités du pouvoir ou un règlement de compte personnel avec quiconque». Interrogé au sujet de l'hypothèse d'une «alliance Mehri-Aït Ahmed - Bouteflika pour sauver le régime» qui serait derrière son initiative, il a rétorqué que dans une telle hypothèse «nous coulerions le régime, et nous coulerions avec lui» ! Le silence, une posture Abdelhamid Mehri est convaincu que «le changement du système de pouvoir est aujourd'hui une grande question nationale» et qu'il «faut l'aborder et le traiter avec la plus grande franchise et transparence». Pour lui, «cette question mérite d'être posée de manière objective, globale et profonde, loin des surenchères verbales et loin également de toute complaisance ou suivisme». Pourquoi avoir adressé cette lettre au président de la République ? C'est «par égard au respect dû à la fonction», a souligné l'ancien secrétaire général du FLN. Pour M. Mehri, le sujet n'est pas du ressort exclusif du chef de l'Etat. Loin s'en faut, «le changement du système politique qui répond, par les voies pacifiques, aux réelles aspirations du peuple ne peut être que le résultat des efforts conjugués de toutes les forces politiques et des compétences populaires», a dit et répété M. Mehri au cours de cette rencontre avec la presse. Pour lui, cette volonté de changement doit s'exprimer par tous les moyens pacifiques. Il a déploré que le silence, face à des situations anormales ou illégales, soit devenu une posture observée par de nombreux Algériens. Il a cité à ce propos la prolifération de la corruption. «Je n'ai pas rencontré le Président» Interrogé au sujet d'une possible révision de la Constitution, M. Mehri s'est demandé à quoi cela servirait à partir du moment où l'on ne respecte pas la Constitution. Il a cité comme exemple le non agrément des partis depuis 1999, bien que cela soit un droit constitutionnel. Il a également rappelé le problème de la fraude électorale en estimant que là aussi, c'est en violation de la Constitution et de la législation. A quoi servent des élections, si à chaque fois celles-ci sont entachées par la fraude, s'est-il interrogé. Evoquant la révision en cours du code communal, il a prôné que les Algériens à la base - parmi lesquels d'anciens élus - forment des groupes de travail pour apporter leur contribution. Jusqu'à présent, «il n'y a pas d'indications qu'il y ait du répondant à la lettre ouverte dans sa globalité», a affirmé M. Mehri à la question de savoir s'il y avait une réponse à sa lettre ouverte au Président. Je n'ai pas rencontré le président Bouteflika, a-t-il souligné. «Lorsqu'il y aura une réponse, je veillerai à ce que cela soit connu de tous. Parce que un sujet d'une telle importance pour tout le peuple ne peut être abordé dans des cercles restreints», a-t-il affirmé. La lettre ouverte, rendue publique à la mi-février dernier, était une initiative personnelle et son contenu a essayé de tenir compte de l'ensemble des opinions exposées sur la scène nationale, mais il n'y a pas eu de coordination préalable avant la publication de cette lettre, a tenu à dire M. Mehri qui s'est déclaré honoré par le soutien de Hocine Aït Ahmed, président du FFS. Le FFS «nous a évité d'attendre une autorisation comme on me l'a demandé à la Maison de la presse pour tenir cette conférence de presse», a révélé M. Mehri qui a affirmé avoir «découvert qu'il fallait une autorisation pour tenir une conférence de presse à la Maison de la presse à Alger». Pour un débat national Revenant sur l'actualité et le bilan qui peut être tiré de la situation actuelle ou celle des cinquante dernières années, le secrétaire général du FLN a souligné qu'il fallait «sortir de l'évaluation superficielle qui se contente des slogans». Dire, par ailleurs, que l'Algérie était meilleure avant l'indépendance est complètement erroné, c'est une grave erreur, a-t-il estimé en notant qu'il faut évaluer objectivement le parcours de l'Algérie et qu'il y a les compétences humaines pour le faire. Le sentiment de la nécessité du changement est général, y compris au sein de ceux qui sont au pouvoir, a souligné M. Mehri. Mais, il y a une pluralité d'opinions à ce sujet y compris au sein de toute l'opposition, au sein de la société, a-t-il relevé. Il faut «éviter que notre position soit comme celle du pouvoir actuel, à savoir qu'il y a une seule opposition, un seul avis sur le changement de système de pouvoir, c'est faux», a estimé M. Mehri. Pour lui, «il y a des opinions et des avis pluriels, divers, divergents. Il faut les écouter tous, et donner la possibilité d'un débat national qui nous mènerait à une mouture à laquelle le peuple donnerait son assentiment, une mouture qui serait conforme à ses ambitions profondes», a dit en substance l'ancien secrétaire général du FLN. Faut-il dissoudre le DRS ? lui a demandé un journaliste. M. Mehri a souligné «au sujet du DRS ou de la police politique que le changement doit être global, intégré au sein d'une approche globale du système de pouvoir». La situation au Maghreb a également été évoquée. M. Mehri a notamment déploré que le colonel Kadhafi actionne l'armée contre le peuple. Nous sommes avec les peuples, a-t-il souligné à ce propos.