Une délégation d'éminentes personnalités de l'Union africaine est arrivée hier en fin de journée à Alger dans le cadre d'une médiation africaine dans le conflit libyen. Cette délégation, composée par les présidents Amadou Toumani Touré (Mali), Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie), Denis Sassou Nguesso (Congo), le président sud-africain Jacob Zuma et le ministre ougandais des Affaires étrangères, Henry Oryem Okello, a déjà rencontré les deux parties libyennes en conflit, l'opposition, basée à Benghazi, et le colonel Mouammar Kadhafi, à Tripoli. Le dirigeant libyen a accepté la feuille de route proposée par les dirigeants de l'UA, alors que l'opposition reste sceptique sur la volonté de Kadhafi de faire taire le langage des armes et de respecter les libertés individuelles. L'étape algérienne serait très importante, selon des diplomates, d'autant qu'Alger a depuis le début du conflit appelé à un règlement négocié et inclusif de la crise libyenne. Les conditions des insurgés En fait, les insurgés, forts du soutien de la coalition internationale et sa puissance de feu, réclament le retrait des forces loyalistes et la liberté de manifester avant d'envisager un cessez-le-feu, après l'arrivée à Benghazi de la délégation de médiateurs africains avec la «feuille de route» acceptée par Mouammar Kadhafi. «Nous voulons que Kadhafi et sa famille démissionnent, et qu'ils soient tous jugés», a déclaré une manifestante, Azza Hussein. «Il n'est pas question de négocier avec Kadhafi et sa famille», a fait valoir un autre protestataire, Souleiman Saleh. Les insurgés ont affirmé hier lundi qu'avant tout cessez-le-feu, les troupes gouvernementales devraient se retirer de la rue et la liberté d'expression devrait être respectée. «Les gens doivent être autorisés à aller dans la rue pour exprimer leur opinion et les soldats doivent retourner dans leurs casernes», a déclaré Chamseddine Abdelmaoula, porte-parole du Conseil national de transition (CNT, représentant la rébellion). «Si les gens se sentent libres de sortir et d'aller manifester à Tripoli, j'imagine que toute la Libye serait alors libérée en très peu de temps», a-t-il ajouté. Il a également exigé la libération de plusieurs centaines de personnes portées disparues depuis le début du soulèvement populaire contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi et qui seraient aux mains des forces loyalistes. La délégation de médiateurs de l'Union africaine, qui a rencontré dimanche à Tripoli le colonel Kadhafi pendant plusieurs heures dans sa résidence de Bab el-Aziziya, est arrivée à la mi-journée à Benghazi, à 1.000 kilomètres à l'est de la capitale. «La délégation du frère leader a accepté la feuille de route comme nous l'avons présentée», a annoncé le président sud-africain Jacob Zuma dimanche soir, ajoutant qu'un appel serait «lancé à l'Otan pour qu'il cesse ses bombardements afin de donner une chance à un cessez-le-feu». La «feuille de route» prévoit la «cessation immédiate des hostilités», un acheminement facilité de l'aide humanitaire et le lancement d'un dialogue «entre les parties libyennes» en vue d'une transition, a précisé le Commissaire à la paix et la sécurité de l'UA, l'Algérien Ramtan Lamamra. Pour autant, la tâche s'annonce difficile, puisque la feuille de route de l'UA ne prévoit pas le départ du colonel Kadhafi. Cet éventuel départ est «une question pour les Libyens», a déclaré lundi à Benghazi Mull Sebujja Katende, représentant de l'Ouganda à l'UA. «Ce n'est pas à moi de venir ici et de dire: +le CNT (Conseil national de transition) doit partir+. Il est là et il existe. Et Kadhafi aussi existe». Démenti algérien De son côté, l'Algérie, qui a catégoriquement dénoncé les allégations quant à la présence en Libye de mercenaires algériens, a souligné qu'elle continuera «inlassablement» de joindre sa voix à celle de l'Union africaine (UA) pour appeler à la «cessation immédiate» de toutes les hostilités et à l'engagement d'un «dialogue inclusif» entre les parties libyennes en vue de «s'accorder sur les modalités de sortie de crise», a affirmé le porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Il a rappelé que «le gouvernement algérien qui s'est toujours insurgé contre le phénomène du mercenariat en Afrique, en raison de ses conséquences désastreuses sur la stabilité et la sécurité du continent, a entrepris au début de l'année 2011 un important travail de coordination au niveau des structures compétentes de l'UA chargées de la lutte contre le phénomène du mercenariat». L'Union européenne a apporté son soutien aux «efforts de l'UA en vue de trouver une solution politique à la situation en Libye», selon le porte-parole de la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton. Par ailleurs, le président des Etats-Unis Barack Obama devait participer lundi matin à une réunion consacrée à la situation en Libye dans la salle sécurisée de la Maison Blanche, selon son programme quotidien. M. Obama, qui a engagé depuis le 19 mars les forces armées de son pays dans l'opération destinée à protéger les civils libyens du régime du colonel Mouammar Kadhafi, devait entamer cette réunion à 11h30 (15h30 GMT) dans la «Situation Room», au sous-sol de la résidence exécutive. La Maison Blanche s'est refusée à donner tout autre détail, que ce soit sur les participants à cette réunion ou les thèmes abordés. Les insurgés reprennent Ajdabiya Sur le front des combats, les insurgés ont repris lundi la ville d'Ajdabiya (est), noeud de communications à 160 km au sud de Benghazi, au terme de violents affrontements, qui ont fait au moins une cinquantaine de morts, en grande majorité des membres des forces gouvernementales tués par des frappes de l'Otan. Les insurgés ont annoncé avoir enterré près d'Ajdabiya 35 combattants pro-Kadhafi. Selon un médecin de l'hôpital d'Ajdabiya, un hélicoptère des insurgés, visé dimanche par des tirs des pro-Kadhafi à l'ouest de la ville, a été retrouvé avec trois morts et un blessé grièvement brûlé. Dimanche, les hôpitaux de Benghazi avaient annoncé avoir reçu douze morts, dont au moins neuf insurgés, victimes des combats à Ajdabiya.