Comme il fallait bien s'y attendre, la médiation de l'Union africaine dans le conflit libyen a tourné court. Jacob Zuma et ses homologues dépêchés hier à Benghazi pour convaincre les rebelles de cesser le feu et se soumettre à la feuille de route de l'UA sont revenus les bras ballants. Moustapha Abdeljalil et ses bras droits ont signifié une fin de non-recevoir au contenu de cette feuille de route, qui a «omis» de mettre le départ d'El Gueddafi et ses enfants, comme condition «scellée et non négociable» de tout cessez-le-feu. A l'arrivée, Zuma et ses accompagnateurs d'infortune ont dû rebrousser chemin sous les cris d'une population qui criait à qui veut l'entendre «El Gueddafi dégage !». Ainsi, la mission, qui n'a pas eu besoin de longs palabres pour convaincre, dimanche dernier, El Gueddafi d'accepter – de rester au pouvoir ! – sa feuille de route, a été déroutée par les dirigeants des rebelles qui l'ont catégoriquement rejetée hier. «L'initiative, qui a été présentée aujourd'hui, est dépassée. Le peuple réclame le départ de Mouammar El Gueddafi et de ses fils», a déclaré le chef du Conseil national de transition (CNT), Moustapha Abdeljalil, lors d'une conférence de presse après une rencontre avec les médiateurs africains. «Toute initiative ne tenant pas compte de cette demande n'est pas digne de considération (...).El Gueddafi et ses fils doivent partir immédiatement s'ils veulent avoir la vie sauve», a-t-il insisté. Dans l'après-midi, le CNT a reçu une délégation de présidents africains mandatés par l'UA pour plaider en faveur d'un cessez-le-feu dans le cadre d'une «feuille de route» acceptée dimanche par El Gueddafi. La feuille de (dé) route Cette «feuille de route» prévoyait la cessation immédiate des hostilités, un acheminement de l'aide humanitaire et le lancement d'un dialogue en vue d'une transition, mais pas le départ immédiat du colonel au pouvoir depuis plus de 40 ans et confronté depuis mi-février à une rébellion. Les présidents africains –Amadou Toumani Touré (Mali), Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie), Denis Sassou Nguesso (Congo) et le ministre ougandais des Affaires étrangères, Henry Oryem Okello –accueillis à Benghazi par des milliers de personnes scandant «Va-t'en El Gueddafi», ont quitté hier l'hôtel. Ils étaient attendus dans la soirée à Alger. Dimanche, ils avaient rencontré à Tripoli le colonel El Gueddafi dans sa résidence de Bab El Aziziya. «La délégation du frère leader a accepté la feuille de route», avait annoncé dans la soirée le président sud-africain Jacob Zuma, qui avait mené la délégation avant de quitter le pays dimanche. L'Union européenne a apporté son soutien aux «efforts de l'UA en vue de trouver une solution politique». Mettant en garde contre le risque de voir une crise prolongée faire le lit d'Al Qaîda, l'OTAN s'est aussi dit ouverte à un cessez-le-feu qui débouche vite sur des réformes politiques. Mais cet éventuel cessez-le-feu devra être «crédible et vérifiable», a déclaré le secrétaire général de l'Alliance, Anders Fogh Rasmussen, rappelant que Tripoli avait déjà annoncé plusieurs cessez-le-feu sans les respecter. Or, le contenu des «réformes politiques» diffère selon qu'on est à Tripoli ou à Benghazi. La mission de l'Union africaine semble avoir choisi son camp. Celui d'El Gueddafi.