La situation en Libye évolue vers une impasse politique, et une prochaine intervention militaire directe des pays de la coalition, notamment les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne. Après les experts militaires français, britanniques et italiens, les Etats-Unis, eux, ont décidé d'envoyer des drones épauler les insurgés dans les batailles urbaines. Et, plus que jamais, la coalition est décidée à faire partir Kadhafi, au meilleur des cas, au pire, le poursuivre pour crimes contre l'humanité. Vendredi, des drones américains armés ont été déployés dans le ciel libyen, pour éviter «en particulier les victimes civiles», a annoncé Robert Gates, le secrétaire US à la Défense. Deux de ces avions sans pilotes sont engagés en permanence pour tirer des missiles contre des cibles au sol. Les Etats-Unis mettent leurs appareils à disposition de la coalition internationale afin de faire davantage de dégâts au sein des troupes de Mouammar Kadhafi. Actuellement, entre 30 et 40% des forces terrestres du leader libyen ont été détruites par la coalition, selon le chef d'état-major américain. Selon le témoignage de combattants de l'opposition, les drones seraient déjà passés à l'action ce vendredi. Le Conseil national de transition (CNT) libyen, organe officiel des insurgés, a pour sa part salué vendredi cette aide en espérant qu'elle mette un terme au siège de la ville de Misrata, dans l'ouest du pays. Les Etats-Unis répondent ainsi favorablement aux pays de l'Otan qui, comme la France et le Royaume-Uni, veulent durcir les opérations militaires en Libye. Ils reprennent ainsi leurs frappes qu'ils avaient interrompues début avril. Les drones, des modèles «Predator», peuvent voler plus bas que les appareils classiques et emporter avec eux deux missiles ou bombes de 125 kilos. L'armée US engagée L'armée américaine engage donc des frais supplémentaires dans cet effort de guerre. Car ce type d'appareil demande un effectif humain plus important que les avions avec équipage. Une patrouille de combats, composée de quatre avions, nécessite 180 personnes. Mais Robert Gates a néanmoins jugé cette «contribution modeste». Le secrétaire a également rappelé que les Etats-Unis n'avaient pas vocation à s'enliser dans le conflit libyen à cause de ses engagements extérieurs, principalement en Afghanistan où 100.000 soldats sont actuellement déployés. Engagé aux côtés de l'opposition depuis le début de la crise, le sénateur John McCain est arrivé ce vendredi à Benghazi, où il compte s'informer sur les besoins matériels et militaires de l'opposition et trouver comment la soutenir. Depuis le début du conflit, c'est la première fois qu'une personnalité politique de premier rang de la coalition se déplace dans le fief de l'opposition libyenne. Il s'agit du plus haut responsable américain à se rendre en Libye depuis le début des révoltes. L'ancien adversaire de Barack Obama à l'élection présidentielle de 2008 soutient sans réserve l'engagement de Washington sur le territoire Libyen et regrettait, à la mi-avril, la fin des frappes américaines. Les opérations aériennes de l'Otan ont affaibli les forces de Mouammar Kadhafi mais n'ont pas permis de prendre un avantage suffisant dans un conflit qui menace de se transformer en impasse pour les alliés. Ce constat a été dressé par l'amiral Mike Mullen, chef d'état-major de l'armée américaine, lors d'une visite vendredi aux troupes américaines encore stationnées en Irak. Evaluant la situation en Libye depuis la mise en place de la zone d'exclusion aérienne sous mandat de l'Onu, il y a un mois, l'amiral Mullen a estimé que les frappes de la coalition avaient permis de réduire de 30 à 40% le gros des forces terrestres loyales au dirigeant libyen. Toutefois, «on se dirige certainement vers une impasse», a prévenu Mike Mullen. Le siège de Misrata continue Face à la pression militaire de l'Otan, les forces de Kadhafi offrent une résistance inattendue et elles continuent d'assiéger Misrata, troisième ville du pays et seule agglomération tenue par les rebelles dans l'Ouest. Selon des correspondants de presse, la ville de Misrata et celle de Zaouia en particulier, ne sont que ruines et désolation, soumises pendant les premiers jours des attaques aériennes à des bombardements intenses et aujourd'hui aux tirs des obus. Les habitants, dans ces villes, vivent dans la terreur, gardant leurs logis qu'ils ne quittent que pour une course de première nécessité. Et, fatalement, les combats pour la maîtrise du centre-ville de Misrata se poursuivent, notamment autour d'un important immeuble qui servait de repaire aux snipers' et aux hommes de Kadhafi. Les rebelles affirment avoir pris plusieurs autres bâtiments que détenaient les forces gouvernementales. Les autorités de Tripoli revendiquent, elles, détenir 80% de Misrata. Les affrontements se poursuivent rue par rue tandis que se fait sentir une pénurie de carburant et d'aide médicale parmi les civils pris au piège des violences. La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a jugé, pour sa part, que les forces du colonel Kadhafi menaient des «attaques brutales» à Misrata et affirmé qu'elles avaient fait usage de bombes à sous-munitions contre la population civile. Un porte-parole du gouvernement à Tripoli a indiqué de son côté que les navires étaient admis à Misrata pour récupérer des travailleurs étrangers mais que l'aide humanitaire arrivant sous «protection militaire» n'était en revanche pas acceptée. Depuis le début du conflit libyen, les Etats-Unis prennent soin de ne pas s'impliquer plus que nécessaire dans ce conflit, laissant à la Grande-Bretagne et à la France la responsabilité d'orchestrer les raids aériens contre l'armée libyenne. La France a prévu l'envoi d'un petit nombre d'officiers de liaison auprès des rebelles afin de les aider dans des tâches d'administration et de logistique. Les Britanniques vont déployer quant à eux une dizaine de spécialistes des télécommunications et les Italiens envisagent le déploiement d'une petite équipe d'instructeurs militaires. Selon des experts militaires, cette option peut être la porte ouverte à une implication à plus grande échelle et marque la première étape vers un engagement de troupes au sol, perspective que les alliés écartent catégoriquement. Crimes contre l'humanité Le colonel Mouammar Kadhafi serait passible de la Cour pénale internationale, selon l'ONG Avocats sans frontières (ASF), qui a enquêté auprès de victimes des forces pro-Kadhafi, et qui évoque des «crimes contre l'humanité et crimes de guerre à grande échelle». L'ONG a annoncé qu'elle va informer la Cour pénale internationale des «tortures, exécutions sommaires, massacres, boucliers humains, utilisation de bombes à sous-munitions», et les témoignages des violences infligées ces dernières semaines par le pouvoir libyen à la population sont multiples, estime l'avocat français Philippe Moriceau, vice-président d'ASF France. Ce dernier évoque «des massacres, des maisons avec des dizaines de corps de civils retrouvés à l'intérieur» dans la campagne environnante. «On a des vidéos», précise-t-il «Je ne sais pas» si la cour lancera ensuite une procédure contre le dirigeant libyen, mais «je crois en une volonté politique et de la justice internationale de poursuivre Mouammar Kadhafi», dit-il lors d'un entretien dans le fief des insurgés, à Benghazi.