La Commission européenne (CE) a décidé de mettre en place à l'automne prochain, un nouveau système de visa Schengen et de le tester en Algérie. C'est un système qui, dit-on à Bruxelles, permet une traçabilité plus précise des demandeurs mais surtout qui ferme toutes les portes à la falsification du visa.» Dénommé VIS, le nouveau visa sera octroyé pour des entrées multiples dans l'espace Schengen et sur une période plus longue que celle déterminée auparavant. «Le demandeur aura plusieurs entrées et aura au moins deux ans,» nous dit-on de sources proches de la Commission européenne à Bruxelles. «Le traitement des dossiers prendra moins de temps,» ajoute-t-on. L'Algérie a été choisie comme «pays pilote» pour l'essai de ce nouveau système. Choix qui a été déterminé par les soins de la mission européenne Justice et affaires intérieures (JAI) parce qu'elle estime que «l'Algérie est le plus gros pays demandeur de visa de la rive sud de la Méditerranée.» En 2006, la CE a eu déjà à réfléchir sur un modèle de délivrance de visa «plus ramassé» au profit des pays de la région dont les flux migratoires inquiètent sérieusement l'Europe. Il était question à l'époque de créer une sorte de guichet unique (GU) où toutes les demandes de ces pays devaient converger. Le guichet devait ressembler quelque peu à celui de Nantes, la ville française où sont stockées toutes les informations sur les demandeurs notamment maghrébins de visa Schengen. Nantes, ce terminal européen de sélection a été mis en place - sur insistance de la France- durant les années 90 au moment où l'Algérie avait basculé dans la violence. Tous les dossiers devaient aller à Nantes où ils étaient examinés minutieusement, filtrés et classés. A l'époque, ceux des Algériens qui avaient droit au visa étaient classés «privilégiés» par rapport à la profession qu'ils exercent. Intellectuels, artistes, journalistes et autres diplomates pouvaient circuler dans l'espace Schengen sans trop de difficultés. Les dossiers des petites gens attendaient par contre plus longtemps pour être traités et pour une réponse en général négative. Le système du GU n'avait pas pris en raison, en premier, de la situation dramatique que vivait l'Algérie mais aussi parce que les membres de l'UE ne s'étaient pas entendus sur le contenu, le contenant et le lieu d'exercice. L'on susurrait le nom du Maroc comme pays où il devait être installé. Mais c'était «faire un enfant dans le dos de l'Algérie» qui venait juste de mettre en œuvre son accord d'association. Les priorités étaient donc clairement fixées. Aujourd'hui, les bouleversements que vivent les pays de la région inquiètent l'Europe de par les flux migratoires qu'ils génèrent. La France de Sarkozy a fait part récemment de son intention de réviser le Schengen et de réinstaurer les contrôles à ses frontières. Elle fait pression sur l'Italie de Berlusconi pour faire de même en raison des migrants qui débarquent sur sa fameuse île Lampedusa depuis le basculement de la situation en Tunisie et en Libye notamment. Il n'est pas interdit de penser que le VIS qui doit être expérimenté en Algérie à l'automne prochain, soit transformé en GU pour remettre au goût du jour l'ancienne proposition européenne. Mais rien ne dit dans ce cas, que l'Algérie va lui en être «le pays refuge» définitif. Il est évident que les choses seront vues autrement au cas où le VIS devienne GU. D'autant que le commissaire européen chargé de l'élargissement et de la politique européenne de voisinage qui s'est entretenu le 16 mai dernier à Alger avec les autorités algériennes a mis en avant la nécessité européenne de traiter «de pair» les facilitations de visas et la signature d'un accord global pour la réadmission. C'est ce que l'Algérie refusera de fait. A Bruxelles, l'on refuse de voir en cette exigence une conditionnalité européenne à l'Algérie. L'on explique du côté de la Commission européenne (CE) qu'il est question seulement «d'attirer l'attention de certains pays membres que s'ils veulent que l'Algérie signe à l'UE un accord global de réadmission, il faudrait faire un geste à son égard en lui accordant des facilitations de visas.» La CE, nous dit-on «croit qu'il faut donner plus de liberté à la circulation des personnes et que pour cela, il faut convaincre les pays récalcitrants.» Au MAE algérien, l'on pense notamment aux pays de l'Europe de l'Est avec lesquels l'Algérie a refusé de signer des accords de réadmission «parce qu'il n'y a aucune valeur ajoutée ». L'on rappelle que l'Algérie est liée par des accords de réadmission avec quelques pays du nord comme l'Italie ou le Royaume-Uni. Ceci étant dit, la nuance apportée par nos sources bruxelloises n'exclue pas les velléités du chantage que l'UE voudrait faire à l'Algérie. Interrogé sur la réouverture des frontières avec le Maroc, les Européens estiment que l'Algérie pourrait y gagner 3% de plus de son PIB.