Un ancien ambassadeur américain à Rabat, devenu l'employé du gouvernement marocain, prétextant l'affaire libyenne, s'est livré à des accusations contre l'Algérie. Celle-ci a riposté via un cabinet d'avocat. La charge déclenchée par le lobby marocain à Washington a un effet refroidissant sur des relations algéro-marocaines qui semblaient se ranimer. Les lobbyistes marocains à Washington ont-ils cru que l'affaire libyenne est une opportunité pour attaquer l'Algérie aux Etats-Unis ? Un de leurs représentants, M. Edward M. Gabriel, ancien ambassadeur des Etats-Unis à Rabat avant de devenir « conseiller » du gouvernement marocain, s'est livré sur le site du journal du Congrès « The Hill » à une attaque opportuniste contre le gouvernement algérien et aussi le Polisario, sommairement assimilé à Aqmi et accusé désormais d'envoyer lui aussi des mercenaires en Libye. L'affaire a été prise au sérieux par le gouvernement algérien qui a mandaté un cabinet d'avocat à Washington pour répondre aux assertions de l'ex-ambassadeur US à Rabat. En tout cas, c'est à cette sortie de l'ex-ambassadeur que faisait référence Ahmed Ouyahia en adressant un message au gouvernement marocain au sujet de la reprise par l'agence MAP de « déclarations du lobby officiel marocain aux Etats-Unis, pour imputer à l'Algérie l'envoi de mercenaires et des armes en Libye». «Ce genre de déclaration n'est pas un facteur qui hâte l'ouverture des frontières », a relevé le Premier ministre algérien. Ouyahia, qui sait que l'activité de lobbying est une banalité aux Etats-Unis, a donc mis en exergue le fait que la MAP, agence très officielle, répercute des propos très clairement opportunistes des lobbyistes marocains à Washington. Il est en effet quelque peu fâcheux, alors que des signes de détente sont apparues récemment dans la relation bilatérale, de reproduire les affirmations des lobbyistes qui font feu de tout bois et ne s'embarrassent pas du respect des faits. L'agence MAP a manqué, à tout le moins, de distance. Rabat dépense 5 fois plus qu'Alger en lobbying Selon un récent article du New York Times, le gouvernement marocain a dépensé plus de 3 millions de dollars pour les lobbyistes à Washington, contre 600.000 dollars pour l'Algérie. La lecture de l'article de M. Edward M. Gabriel montre que le Maroc paye un peu trop cher des lobbyistes peu imaginatifs qui se livrent à la publication d'articles sommaires se basant sur des prétendus faits, sans jamais livrer de sources. M. Edward M. Gabriel, ambassadeur américain au Maroc de 1997 à 2001 et actuel conseiller du gouvernement marocain, ne fait que reproduire des rumeurs non étayées sur l'envoi de mercenaires par l'Algérie en Libye pour soutenir le colonel Kadhafi. Il cite, faussement et sans donner la moindre source, de « hauts responsables de l'Otan » comme étant la source des ces assertions. Et, c'était inévitable, les mercenaires en question, payés 10.000 dollars, seraient des membres du Polisario. La boucle d'une propagande, très primitive, est ainsi bouclée. Le reste est à l'avenant. Cet employé américain du gouvernement marocain trouve « scandaleux » que le Polisario puisse être reçu au niveau de l'Administration et du Congrès américains. Et, bien entendu, le linkage entre Polisario et Aqmi, toujours nié par les services occidentaux malgré les efforts de l'administration marocaine, est présenté comme allant de soi par l'ancien ambassadeur américain à Rabat. Et par conséquent, l'Algérie et le Polisario doivent être punis ! Combien est payé M. Gabriel pour cette littérature ? Son texte a suscité une réaction du juriste Gare Smith, du cabinet d'avocat Foley Hoag LLP, qui exerce également une activité de lobbying (sovereign representation). Au nom du gouvernement algérien Le texte de Gare Smith, publié dans le blog du Congrès « The Hill », mentionne clairement qu'il agit pour le gouvernement algérien. Au bas de l'article, il est en effet mentionné que « cette lettre a été écrite par Gare Smith au nom du Gouvernement algérien, un client de Foley Hoag LLP ». Le juriste estime que M. Edward Gabriel «accuse l'Algérie hâtivement et d'une manière décousue et semble avoir l'intention d'attiser davantage le différend entre le Maroc et l'Algérie que de promouvoir l'unité du Maghreb que le gouvernement marocain exprime en public». «Dans son effort pour alimenter la machine de propagande marocaine, Gabriel fait une série de revendications sans fondement selon lesquelles l'Algérie soutient Mouammar El-Gueddafi contre l'OTAN et la résistance libyenne. De telles allégations ne peuvent rester sans réponse», a estimé M. Smith. «Contrairement aux assertions de Gabriel, l'OTAN elle-même n'a fait aucune déclaration indiquant que le gouvernement algérien appuie El-Gueddafi contre l'OTAN et l'insurrection, et je mets au défi quiconque de produire une telle preuve», ajoute-t-il. «Ironiquement, alors qu'il professe, d'une part, des relations plus étroites avec ses voisins du Maghreb, le Maroc persiste, d'autre part, à payer des lobbyistes comme Gabriel pour +remuer le pot+ en faisant de telles allégations spécieuses», poursuit-il, tout en ajoutant que «l'Algérie a protesté contre ces fausses allégations dans le passé et continuera de le faire». A propos des mercenaires, M. Smith souligne que même si des Algériens avaient été capturés par des rebelles libyens, « cela ne prouve rien quant à la position du gouvernement algérien à l'égard de la Libye».