Pour combler les insuffisances de la diplomatie marocaine, incapable de rallier ses alliés à ses thèses royales dans le conflit du Sahara occidental, Rabat dépense des millions de dollars annuellement aux Etats-Unis dans le cadre du lobbying dans le but de s'assurer du soutien américain. Un dossier publié dans le numéro 425, du 16 au 22 janvier 2010, de l'hebdomadaire marocain, le Journal hebdomadaire, dirigé par le journaliste marocain, Aboubakr Jamaï, et le responsable du bureau de Washington du journal, l'Américain d'origine marocaine Abdelkader Rhanime, confirme que le Maroc dépense chaque année des millions de dollars US dans sa machine de lobbying pour s'assurer une certaine influence auprès des décideurs à Washington dans le dossier du Sahara occidental. Selon les chiffres qu'a pu obtenir le Journal hebdomadaire, notamment auprès du Département de la Justice et de Propublica Influence Tracker, le Maroc a payé pour la seule année 2008, 2,8 millions de dollars à différentes boîtes de lobbying. La plus grande partie de ce montant, 1,5 million de dollars, a été versée au Moroccan American Center for Policy (MACP), dirigé par Robert Holley. 495 000 dollars sont revenus à Gabriel & Co, une organisation qui appartient à Edward Gabriel, l'ancien ambassadeur des Etats-Unis à Rabat, devenu “Monsieur Maroc” à Washington. Il est en réalité la tête pensante du MACP, dont le patron Robert Holley était son conseiller politique à l'ambassade américaine à Rabat. Pour information, Edward Gabriel est un démocrate proche des Clinton. C'est d'ailleurs B. Clinton qui l'avait désigné comme ambassadeur des Etats-Unis au Maroc en 1998. Les responsables marocains étaient satisfaits du boulot accompli par l'organisation d'Edward Gabriel, dont ont résulté des articles de presse favorables au Maroc dans le Washington Post ou le New York Times, qui avait publié un article sur le Maroc, défendant la nécessité de la lutte contre le terrorisme comme explication des dérapages répressifs du régime marocain. Il y a eu également cette lettre signée, le 3 avril 2009, par 229 députés démocrates et républicains du Congrès en faveur du plan d'autonomie. À en croire le Journal hebdomadaire, ce n'est pas l'appui algérien et ses pétrodollars qui vont révéler le faible rendement du lobbying marocain, comme l'affirment les responsables marocains, mais c'est l'apparition sur la scène américaine d'Aminatou Haïdar qui va changer la donne. Lorsqu'on demande à Susan Sholte, présidente de la Western Sahara Foundation, principale organisation américaine de soutien aux indépendantistes sahraouis, si elle reçoit de l'argent de l'Algérie, elle nie vigoureusement. Rien ne permet de la contredire. D'ailleurs, c'est Mme Scholte qui a réussi à nominer Aminatou Haïdar aux prestigieux prix de la Robert F. Kennedy Foundation et de la John Thome Foundation, qui a été attribué, respectivement, en 2008 et en 2009. Et lorsque Haïdar mènera sa grève de la faim à Lanzarote, ce n'est pas l'Etat algérien qui mène campagne, c'est bien la Robert F. Kennedy Foundation qui s'est chargée de sonner le tocsin en sa faveur à Washington. Il ne faut pas oublier que Barack Obama est proche de la famille Kennedy, et le ralliement de Ted Kennedy à sa campagne, considéré comme l'un des éléments décisifs de la victoire d'Obama, n'est pas fortuit. Cela profitera inévitablement à Aminatou Haïdar. Ceci étant, il n'y a pas que les démocrates qui soutiennent la cause sahraouie, quand Mme Susan Scholte ralliera John Bolton à la cause d'Aminatou Haïdar. Ce républicain pur et dur a été le représentant des Etats-Unis à l'ONU en 2005 et 2006, ainsi que l'adjoint de James Baker, lorsque ce dernier était l'envoyé spécial des Nations unies au Sahara occidental, un dossier qu'il connaît bien. Jeudi 17 décembre, il est venu participer à la manifestation devant l'ambassade du Maroc à Washington pour dénoncer le traitement de la militante sahraouie par les autorités marocaines. C'est d'ailleurs ce même jour que le Maroc a cédé à la pression internationale en autorisant le retour d'Aminatou Haïdar à El-Aïoun. Depuis, dans les couloirs du ministère des Affaires étrangères, on peste aujourd'hui contre ces lobbyistes américains qui se sont rempli les poches sans que le Maroc en profite.